Christophe Agius, l’interview – Deuxième partie

Si ç’avait été Christophe Agius à la place de Michael Cole, au lieu de l’attaquer je lui aurais baisé les pieds. — Daniel Bryan

Dans la première partie de l’interview, Christophe Agius nous a parlé de l’image du catch en France, de l’ICWA et de la difficulté à approcher les catcheurs WWE. La suite, tout de suite.

Si la WWE ne laisse pas Agius approcher des catcheurs, c’est à cause de ses tendances kleptomanes.

Tu nous as expliqué que la WWE était très à cheval sur sa communication. A quel point ils suivent ce que vous dites à l’antenne? Vos commentaires sont traduits, vérifiés, etc? En gros, vous êtes fliqués?

Je ne pense pas.

Il y a eu une espèce d’embrouille autour de votre manière de commenter, ces dernières semaines, qui a un peu fait tâche d’encre sur plusieurs forums et sur Facebook, tu peux nous en dire plus? Si on a bien compris, vous auriez été accusés de vulgarité excessive à l’écran. C’est vrai ça, tu dis « bite, chatte, couille » à l’antenne?

Non, on évite. En fait, l’histoire en question, c’est que la WWE a ce qu’on appelle des « street fans » qu’elle a choisis sur son site internet pour prendre le pouls des fans français en général. Un de ces fans a envoyé un mail à la WWE pour dire qu’il y avait beaucoup de plaintes de mères de famille estimant que nous sommes vulgaires, racistes et homophobes.

Comment il vous a trop grillés!

Grave. Il ajoutait en plus que je citais à l’antenne des trucs qui n’avaient rien à voir avec la WWE, qu’on se moquait des programmes, qu’on était à côté de la plaque tout le temps, etc. Du coup, la WWE, comme ils ne savent pas vraiment, ils ont envoyé à tous les street fans un questionnaire demandant si, effectivement, j’étais tout ce qu’on me reprochait et, notamment, si je ne respectais pas les storylines, un truc très important pour eux. A ce moment-là, ce fan a créé un groupe sur Facebook disant « la WWE veut arrêter la programmation, si les fans ne réagissent pas, ça va s’arrêter bientôt, il faut qu’Agius et Chéreau partent ».

Il cherche quoi exactement? A vous remplacer?

Je ne sais pas. C’est ce que Philippe pense. Moi, je le crois sincère dans son approche de fan. Comme vous, Philippe et moi essayons de rigoler un peu du catch, et il y a des gens qui sont pas du tout d’accord avec ça. Moi, quand je commente, je suis évidemment de super mauvaise foi, je joue le mec qui défend la France à l’ancienne. C’est aux antipodes de ce que je pense vraiment mais en même temps, on s’en fout de ce que je pense vraiment! Moi je suis là pour jouer un rôle, le rôle du mec méchant. Et le mec méchant, il doit cracher sur R-Truth parce que R-Truth, il « donne le mauvais exemple ». Donc bon, j’imagine que quand je dis que R-Truth est une caillera, ça donne prise à ce genre d’accusations… Mais l’essentiel, c’est quand même que la plupart des gens accrochent, et par exemple concernant la rhétorique « caillera », je sais qu’on est beaucoup écoutés dans les técis, les mecs adorent le catch là-bas, et ce qu’on les fait plutôt marrer.

Ca t’affecte, les accusations venant du net ?

Ben disons que quand je me suis installé à Paris, j’ai décidé de ne pas prendre le net. Parce que quand je surfe, je finis immanquablement sur un forum de catch, à regarder comme un con ce qu’on dit de moi, et fatalement, y a des trucs très désagréables qui sont écrits. Même quand c’est complètement faux, ça fait chier.

Rhaa! Je vous ai ratés cette fois, Agius et Chéreau, mais je reviendrai, hahahahaha!

Passons à autre chose. Tu parlais de la culture hyper sévère de la WWE pour protéger son kayfabe. En revanche, quand la TNA est venue en France la dernière fois, elle a mis en vente des pass permettant d’aller backstage…

Je pense que ça fait aussi partie de la culture un peu plus « smart » de la TNA. Même si ça devient un peu plus mainstream maintenant, ça reste à la base une fédé plutôt suivie par des smarts.

T’es déjà allé à des shows de la TNA?

Jamais, je n’étais jamais là, malheureusement. Par contre je me souviens avoir vu AJ et Samoa Joe dans une petite salle en Allemagne, devant environ 80 personnes! C’était une belle soirée pour ceux qui avaient fait le déplacement!

On a l’impression que la TNA prend son expansion internationale très au sérieux. Par exemple, Dixie Carter était présente au house show de Paris…

Dixie Carter qui, selon les rumeurs, aurait convaincu son papounet de mettre le fric de la famille dans la TNA parce qu’elle était une fan transie de Jeff Jarrett depuis son plus jeune âge…

Les relations personnelles, ça explique aussi les pushs et dépushs des uns et des autres. Y a des rumeurs comme quoi si Morrison tarde à s’envoler, c’est parce que Batista peut pas le sacquer, rapport à leurs… rapports à tous deux avec Melina.

J’en sais rien, même si j’ai lu dans l’autobiographie de Batista qu’il avait eu une histoire avec elle. Je me demande avec qui Kofi a couché, aussi, tiens, vu comme ils le traitent…

Kofi, tout comme Shelton Benjamin, c’est peut-être un autre problème, non? Que penses-tu de la théorie selon laquelle il y a un plafond de verre pour les catcheurs noirs à la WWE? Le Rock a été la seule vraie superstar noire, et encore, il était métis; et Booker a été le dernier champion du monde il y a quelques années, mais ça commence à dater…

Je ne sais pas. Il y a tellement de facteurs qui entrent en ligne de compte… Un type comme Shelton, de ce que je sais, c’est un mec très simple, très droit, il picole pas, il sort pas… C’est un geek en fait, il joue aux jeux vidéo, quoi. C’est possible qu’il n’ait pas fait ami-ami avec les bonnes personnes, tout simplement.

Le problème de Shelton, c’est que ses potes sont pratiquement aussi tricards que lui.

C’est vrai qu’il y a aussi plein de bons catcheurs blancs qui ne percent pas.

Exactement. Les connexions backstage, ça me semble vraiment fondamental.

Un mec qui cumule, c’est R-Truth, qui a l’air un peu bloqué depuis des années. Paraît qu’il y a eu une embrouille avec Cena dans un aéroport à l’origine de ses problèmes…

Non, j’y crois pas à ça. C’est oublié. Cena est un gars qui a assez de recul et d’humour pour prendre cette affaire du côté « OK, il a voulu se faire mousser sur mon dos, y a pas mort d’homme ».

Tu penses quoi des commentateurs américains? Michael Cole, tout le monde le hait. Toi aussi?

Non, je ne le trouve pas si mauvais que ça. D’ailleurs, c’est les Américains qui disent qu’il est mauvais; le Français qui crache sur Cole, c’est quand même pas mal pour faire son smart…

T’as des référencées au niveau du commentaire? Les mecs actuels, tu t’en inspires?

Non, parce que je ne regarde plus les shows en VO. Je sais qu’on va les commenter après, et j’ai vraiment envie de les vivre comme un fan et de les découvrir avec le public. Par contre je garde des références « anciennes » comme Edouard Carpentier avec lequel j’ai découvert le catch!

Donc au moment où tu commentes, tu n’as pas vu les images auparavant?

C’est ça. Bon, je suis vraiment fan donc je lis les spoilers, mais je ne visionne pas le show auparavant, je pense que ça ajoute de la spontanéité au commentaire.

Alors justement, le fan que tu es, c’est qui ses favoris en ce moment? Y a des gars à la WWE sur lesquels tu markes comme une jeune fille?

Non, franchement, pas en ce moment. OK, à Wrestlemania, pour Shawn Michaels – Undertaker, j’étais à fond. Je les ai suivis depuis leurs débuts tous les deux, donc j’étais ému, mais sinon, y a pas un mec actuellement dont je sois fan absolu. Si je devais citer mes préférés en ce moment à la WWE, ça serait probablement Rey Mysterio, Evan Bourne, Kofi Kingston…

T’es vachement branché high flyers, quoi.

Complètement. J’ai été vraiment marqué par les luchadores de la WCW. J’adorais Billy Kidman, Eddie Guerrero, la LWO (Latino World Order)… D’ailleurs j’ai un tshirt LWO. Au début, quand Canal a commencé à passer la WCW au lieu de la WWF, j’étais dégoûté, mais j’ai vu rapidement que le niveau était très bon, avec des mecs comme Malenko. Au même moment, un de mes meilleurs amis a commencé à échanger des cassettes avec des Américains, ça m’a permis de voir ECW: November to Remember 1997 avec une semaine seulement de retard. Je m’en souviens encore: j’ouvre la boîte à lettres, oh putain, la cassette est arrivée!

Ca déchire trop avec un bermuda et des claquettes.

Aujourd’hui, ta capacité d’émerveillement s’est donc émoussée, vu que c’est devenu ton boulot.

Oui, c’est sûr. Je ne marke plus comme je pouvais le faire il y a dix ou quinze ans. En même temps, quand je commente Raw, je suis quand même à fond: je commente Raw, moi! Ca reste un truc exceptionnel. Et je pense que ça s’entend. Même si on peut être critiqués sur beaucoup de choses, je pense qu’on ne peut pas contester qu’on y met beaucoup de cœur. Et c’est pas forcé. Wrestlemania, ou même le Iron Man Match entre Orton et Cena l’année dernière, ça continue de m’impressionner.

Mysterio, Bourne et les autres high flyers que tu apprécies, ils sont plus ou moins faciles à commenter que les catcheurs plus costauds?

Plus faciles, clairement. Il n’y a pas de restholds ou ce genre de choses. Cela dit, j’ai un profond respect pour Randy Orton, qui catche super bien. Il fait des trucs de ouf! Il n’y a pas que les manœuvres aériennes dans le catch. Là on a commenté un best of de Wrestemania, avec des vieux matchs. Il y avait dans le lot un Ted DiBiase – Jake Roberts. Roberts, c’est l’idole d’Orton. J’apprécie le boulot d’Orton aujourd’hui comme celui de Jake the Snake à l’époque, parce qu’il y a une intensité énorme, et pourtant une impression de contrôle total, c’est impressionnant.

– Jake, comment tu fais trop bien le regard fixe! Je dois faire quoi pour devenir comme toi? – Deux litres de whisky par jour pendant vingt ans et ça devrait être bon, kid.

Tu disais que t’avais un peu décroché du catch hors-WWE…

Oui, pourtant fut un temps où je suivais tout! Mais justement, quand je faisais l’AWN (la première newsletter de catch en France), l’un de mes collaborateurs — qui est depuis devenu catcheur sous le nom de Roméo — s’amusait à compiler les pires répliques de Blondin et Letourneur. Et Blondin nous citait à l’antenne, sur Canal, j’étais super fier! J’ai contacté Blondin par email, on a un peu échangé, et j’ai découvert qu’il ne connaissait rien d’autre que la WCW. A l’époque, je me disais que c’était honteux. Mais les années passant, je le comprends. Moi, je commente quotidiennement. Même si c’est qu’une heure ou une heure et demie par jour, c’est vraiment tous les jours, du lundi au vendredi. T’as quand même envie de t’aérer la tête, quoi! Par exemple, j’ai toujours été un grand fan de Rob Van Dam. Je me suis dit, quand il est retourné à la TNA, que j’allais me remettre à la suivre. Mais non. Bon, parfois, quand j’ai rien à faire et que je suis sur Internet, j’en regarde un peu, mais sans plus. Je me tiens au courant, quand y a eu des trucs de ouf je vais les voir, mais c’est plus comme avant. Y a dix ans, je regardais la New Japan, la All Japan, la NOAH qui venait de se créer, la FMW, la ECW…

La CZW…

Alors ça, non, jamais! Mais je regardais toutes les feds indépendantes les plus nébuleuses du monde. Mais le hardcore vraiment hardcore, ça n’a jamais été mon truc.

Y a eu des fédés hardcore en France?

Nous on a fait, au Hellfest, le premier tournoi hardcore. Avec un madrier enflammé.

Waaaah…

Et des punaises, pour la première fois aussi. C’était pas si mal.

Ca a bien saigné?

Pas tant que ça. C’était pas le but premier. Même si oui, évidemment, il y a eu du sang… Mais c’était pas gratuit comme à la « Cézaide ». Nous, y avait une histoire derrière, comme avec Mick Foley et Triple H, ça se construit, ça monte et ça finit sur un truc impressionnant, qui a l’air dangereux mais qui ne l’est pas tant que ça, alors qu’à la CZ, c’est juste « on s’éclate la gueule pour s’éclater la gueule ».

Et parmi les catcheurs anciens, t’as marké sur qui?

Sans hésitation, Macho Man. Mon catcheur préféré de tous les temps. Gamin, j’aimais Hogan et le Warrior, mais Macho Man, même heel, c’était mon favori. Mais y en a plein d’autres que j’ai aimés — Diesel, Shawn Michaels…

Pas Goldberg quand même?

Si, carrément, j’adorais Goldberg! Je me souviens, je l’ai vu faire un match à Londres. Après, je l’ai croisé en allant dans les vestiaires. Enfin, croisé c’est beaucoup dire. Il est arrivé, il a craché par terre, il est reparti. Je me suis dit « putain, le mec il crache par terre dans les vestiaires, il a vraiment peur de rien! » C’était mon premier show, à Londres donc. Je venais d’être engagé par RTL9. On devait y aller avec Philippe, mais Philippe pouvait pas. Alors j’ai dit à mon meilleur pote — celui qui commandait les cassettes, il s’appelle Naniwa, c’est à mon avis le mec qui s’y connaît le mieux en France mais il n’est pas très connu, il était sur Catchexpress aussi…

Y avait un Akeem aussi à l’époque sur Catchexpress…

Oui, sur les forums. Mais je n’ai jamais su qui c’était.

On va lancer un appel sur les CDC.

OK. Akeem, si tu te reconnais, fais coucou! Bon, bref, à l’époque de ce show à Londres, moi j’étais un provincial, je faisais 100 kilos…

Sérieux? Tu prenais des stéros?

Non non, c’était tout dans le bide…

Ah OK, régime KFC alors?

Un KFC à Strasbourg, vous rigolez? Non, je bouffais tout et n’importe quoi. Enfin bon, on s’est retrouvés là-bas avec Naniwa, à la London Arena, une heure avant le show, à l’entrée des artistes. Deux branlos. Moi j’avais mon sac à dos, j’avais l’air d’avoir quinze ans, j’avais pas mué, j’avais la tête d’un enfant… On arrive là et je fais [accent anglais] »Hello, we would like to see Sharon Sidello »[/anglais]. Le mec me fait « What? » Je me dis merde, on a pas de tickets, rien, j’ai traîné mon meilleur pote là-bas, on va se retrouver comme des cons… Je recommence, toujours avec mon plus bel accent anglais: « Sharon Sidello. » Le mec comprend toujours pas. Alors je lui dis avec un gros accent français: « Charonne Sidéleau. » Et lui: « Oh yeah, you wanna see Sharon Sidello! » Ouais, c’est juste ce que j’arrêtais pas de lui répéter! Bref, on nous fait entrer et là il n’y a que des équipes de télévision avec des caméras et tout le toutim, et deux branlos finis: nous. Mon pote avait 17 ans, vous imaginez nos dégaines… Sharon arrive, elle nous dit « Bon, comme vous n’êtes pas venus là pour travailler, vous vous asseyez là et vous bougez plus. » Elle a emmené toutes les équipes de télé et nous, elle nous a installés dans les vestiaires. On était là, y avait Bam Bam Bigelow et Mike Awesome qui enregistraient une promo pour le Nitro du soir! On a passé quatre heures comme ça, à regarder tout ce beau monde: Ric Flair, Goldberg, Scott Steiner, ils sont tous passés là, et nous on faisait partie du décor. Personne ne nous calculait, et nous on avait les yeux qui nous sortaient de la tête!

Bizarrement, c’est moins impressionnant de croiser Raymond Rougeau.

C’avait pas l’air trop fliqué, la WCW…

C’était même un sacré bordel. Ils ne contrôlaient pratiquement rien. C’est peut-être ça qui explique la fin prématurée de cette fédération d’ailleurs.

Par rapport à la WWE d’aujourd’hui, c’était carrément l’anarchie…

Oui, à la WCW, quand on était à un show, on nous disait juste: « Tu veux interviewer des catcheurs? Ben va leur parler ». Après les mecs acceptaient ou non de nous parler, mais c’était juste entre eux et nous. La WWE, par contre… Moi, j’ai pris Kofi Kingston il y a deux ans, il venait juste de finir une séance de photos. Je lui dis « Ecoute, on a juste une caméra là, ça te dérange pas de faire une promo? » Lui, pas de problème, il regarde la caméra et sort un truc du style « Watch WWE on RTL9 », pas de quoi fouetter un chat. Deux secondes après, t’as un mec de la WWE qui déboule, il nous fait: « Vous faites plus jamais ça sinon vous êtes dehors. » Deux minutes plus tard, t’as l’attachée de presse française qui vient, qui me dit: « Christophe, s’il te plaît, tu fais plus ça… » Et Kofi Kingston s’est pris un savon pour avoir accepté de répondre à nos questions.

De tous les catcheurs stars que t’as approchés, avec qui as-tu eu le meilleur contact?

Je pense à Doug Williams. Parce que j’ai passé pas mal de temps avec lui! Donc en 2002, on décide de booker Doug Williams. Booster me dit: t’es dans la voiture avec lui. Donc on a fait quatre heures de voiture ensemble. Lui, il débutait, il venait d’arriver d’Angleterre, il était à la FWA. Il commençait tout doucement à travailler au Japon. C’était le premier catcheur étranger que je rencontrais. Pendant quatre heures, je l’ai fait chier. Je lui ai posé toutes les questions possibles: « Alors, tu prends des stéroïdes? » Lui: « Non non, jamais. » Il m’a raconté que son rêve était d’aller à la WWF, bien sûr, mais il était conscient que ce serait très compliqué, parce qu’il était britannique, parce qu’il avait pas le physique d’Hulk Hogan… Finalement, on a bouffé dans un restau italien et je lui ai payé ses spaghettis bolognaise. Trouvez la ville de Sérifontaine, il doit y avoir 2000 habitants à tout casser, y a un restau italien, ben ils pourraient mettre une plaque parce que Doug Williams y a mangé [NDR: après enquête, il s’avère que le restau s’appelle « Chez Tony », avis aux amateurs]. A l’époque, il avait déjà bossé avec Eddie Guerrero, il en était très fier. Il était sur le point de partir au Japon, très confiant dans ses capacités mais en même temps très humble. Bref, un mec super.

Hé Tony! Une Margherita, mais avec plein de feuilles de menthe, sinon…

Comment t’expliques cette vitalité de la scène catch anglaise?

La culture du catch est gigantesque en Angleterre. J’ai un pote qui est franco-anglais et qui a passé sa jeunesse là-bas. Il se souvient de tout – le Giant Haystacks, Fit Finlay qui passait à la télé anglaise, etc. La vitalité de la scène anglaise est aussi due au fait que contrairement à ce qui s’est passé en France, les promoteurs là-bas ont gardé le fil et su conserver des écoles, avec une fed comme la All-Stars.

Par contre, dans les pays latins, le catch ne marche pas trop. Y a bien eu la NWE, mais bon…

Oui, la NWE, des Italiens, c’était de gros branlos. Cela dit, la NWE a bien marché en Espagne, par exemple. Plus généralement, en Espagne, le catch marche très bien. Enfin le catch espagnol en tant que tel, c’est comme en France. Ca a super bien marché après-guerre. C’était comme les territoires aux États-Unis. Le champion espagnol venait en France, les Français allaient en Espagne, etc. Ca marchait pas mal au Portugal aussi.

[Vient la serveuse]

On va prendre du vin, vive la France, comme dirait René Duprée.

René Duprée qui contrairement à ce qu’on dit est super sympa. De même que Scott Steiner d’ailleurs. On l’a interviewé un jour avec Philippe. On lui avait expliqué que Philippe aimait les gentils et donc n’aimait pas Steiner, qui était heel. Il a été super, il a agrippé Philippe par la gorge, il a failli le tuer.

Chéreau, il est mordu de catch maintenant?

Pas autant que moi, mais il connaît très bien son sujet, c’est sûr.

Pour l’ICWA, t’as dû pas mal bourlinguer à travers la France, non?

Et comment! Un weekend, on avait un show à Caen et le lendemain, on en avait un autre à Digne-les-Bains. Quinze heures de route! On est arrivés sur place à 14h00, le show démarrait à 15h00, il faisait cinquante degrés, on a monté le ring en quatrième vitesse… mais c’était gigantesque, l’un des meilleurs shows qu’on ait faits. C’est ça le catch, toujours sur la route.

Tu connais tous les aspects du business (organisation, écriture, fonctionnement des grosses fédés…). Tu te considères comme un smart?

Ah non. Les smarts affirment que John Cena est un mauvais catcheur, or je clame que John Cena est le meilleur catcheur de la WWE!

Comment ça?! En quoi John Cena est le meilleur catcheur de la WWE?

Le métier de catcheur, ce n’est pas être techniquement impressionnant comme Bryan Danielson ou Doug Williams. Le métier de catcheur c’est d’amener des gens sur leurs sièges, et c’est ce que font ou faisaient Cena, Hogan, André le Géant… Le boulot de catcheur ce n’est pas de la technique; c’est comme pour les acteurs du box-office, il s’agit de faire entrer du monde dans les salles!

Entrez, vite! J’ai assommé les vigiles, alors pas besoin de billets!

A ce prix-là, tu peux aussi carrément dire qu’un Steven Seagal est meilleur acteur qu’un Sean Penn!

Evidemment d’un point de vue technique, je respecte dix mille fois plus Misawa que Cena, mais il faut se rendre compte du phénomène Cena. C’est une machine à catcher. On lui fait jouer le rôle du Hulk Hogan des années 2000 et il le fait à la perfection! Je le répète: John Cena est le meilleur catcheur de la WWE!

John Cena était programmé, il a été élevé au bon grain catchesque depuis son plus jeune âge, à l’OVW…

En fait il a commencé à la UPW et je me souviens encore de Jérôme Pourrut (directeur des éditions Fighting Spirit) qui l’a rencontré là-bas alors qu’il n’était rien du tout. Il est revenu, il m’a dit de surveiller un certain « Prototype », que ce gars allait sûrement être une star . J’ai vu les vidéos, je me suis dit c’est vrai qu’il est pas mal! Mais je ne me doutais pas forcément du phénomène qu’il allait devenir.

A l’OVW, Cena c’était le mec qui sortait du lot?

Pas forcément, mais il avait une véritable passion pour le métier. Cena c’est du 24/24, il sort des rings, il enchaîne les interviews, il est constamment mis en avant. En même temps c’est le mec qui fait pas d’histoires, qui n’a pas la grosse tête, qui ne se drogue pas… Par contre, il a niqué à tout-va avant son mariage avec les fameuses « ring rats » (groupies), comme il l’a confessé sur certaines radios aux États-Unis.

Y’a des ring rats à la ICWA?

Malheureusement non et surtout pas en France! Moi j’ai connu le catch allemand quand j’étais jeune, il y avait des ring rats dans tous les sens, elles se jetaient sur tout ce qui avait trait au catch! Mais en France, rien du tout.

Chez les ring rats, Jeff Hardy ne ramène pas beaucoup de points: c’est trop facile de se le taper quand il a deux grammes dans le sang et trois dans le nez.

On a une lectrice qui aimerait beaucoup savoir si Chris Jericho serait intéressé par les ring rats.

Ca m’étonnerait. Je ne pense pas qu’il trompe sa femme, Jericho. Il est born again christian, quand même, ça implique une certaine tenue de ce point de vue…

Jericho born again? Ben merde alors. Y a qui d’autre qui est born again à la WWE?

Je ne connais que HBK, Jericho et Christian, mais y en a peut-être d’autres. Ils sont partout!

A l’avenir, tu te vois encore longtemps dans le monde du catch?

J’aimerais continuer à être fan de catch dans la vie de tous les jours, mais niveau boulot, j’aimerais bien changer, à terme. Pour faire quoi? Je ne sais pas trop. Trublion, on va dire? Dans les médias, why not. On verra bien. Même le Juste Prix, ça m’amuserait de le faire.

On voit où tu veux en venir, Chris.

Christophe entreprend l’accorte serveuse sur le thème du straight edge. A la table d’à côté, quelqu’un casse un verre. Christophe se met à crier « Stone Cold! Stone Cold! »

Le guest hosting de Stone Cold à Raw était bien nul…

Ouais, mais c’est à cause de la réglementation PG, il ne peut plus être pareil qu’à sa grande époque.

C’était le bon temps, avant le PG, The Cat et Jackie qui montraient leurs seins… A ce propos, question de notre ami VinZ, tu préfères passer One Night in Chyna ou One Night in Phoenix?

Tant qu’à choisir, je préférerais One Night in Paris. Cela dit, j’ai vu One Night in Chyna. En intégralité.

Hé bé. C’est à ça qu’on reconnaît un vrai fan de catch.

Tout à fait. Quand on est fan, on l’est jusqu’au bout.

Et puis faut dire ce qui est, c’est quand même bien marrant comme film, One Night in Chyna.

Un énorme merci à Christophe pour sa gentillesse, sa disponibilité, sa sincérité, ses clopes et son geste de grand seigneur en fin de banquet! Cet homme n’a qu’un défaut: il ne lit pas les CDC. Mais si tous les non-lecteurs des CDC étaient comme lui, on s’en accommoderait aisément.


Publié

dans