XFL : La ligue des footballeurs extrêmes

« Si la NFL signifie No Fun League, la XFL veut dire Extra Fun League. » — Vincent Kennedy McMahon

Où à l’occasion du retour de la XFL, l’on reviendra sur la tragique histoire de cette fédération de football américain, qui avait un brillant avenir siliconé, l’on se demandera qui peut bien détester Ron Smart, l’on comptera les ronds de jambes des cheerleaders et enfin on se demandera si Vinnie Mac ne s’était pas cogné la tête contre un baobab pour avoir eu une idée pareille.

homer simpson XFL
Du sang, des nibards et de la binouze ? Je suis prêt.

Vie et mort de la XFL, première version

Fusionner football américain et catch (avec la bière en dénominateur commun)

L’arrivée du nouveau millénaire consacrait Vincent Kennedy McMahon en tant que vainqueur de la guerre du lundi soir face à la WCW. Cette dernière était en chute libre et, conjugué au fait que dans le même temps la ECW périclitait, la WWF restait l’unique fédération de catch professionnel sur le sol nord-américain.

Cette situation de monopole donna au brillant propriétaire de la fédération un sentiment de puissance rarement atteint. Pensez donc ! Quatre ans plus tôt, Kevin Nash et Scott Hall faisaient leur apparition à Monday Nitro, apparition suivie du heel turn de Hogan à Bash at the Beach à l’été 96. La WWF était alors à genoux et son avenir sérieusement compromis.

Pour survivre, la fédération de Stamford opéra un changement radical dans son produit, passant d’une émission relativement bon enfant à un programme basé sur la violence, le trash-talking et des jeunes filles dénudées. Ce virage s’avéra payant puisque l’adversaire sudiste tant honni dut mettre la clef sous la porte.

Pour rester en vie, la WWF s’employa à bien négocier les courbes.

Vinnie Mac restait donc le seul maître à bord du catch US.

Mais sans challenge en face, l’ennui finit par s’installer. Les journées deviennent plus longues, un sentiment de vide se crée et on finit par se sentir un peu à l’étroit dans son nouveau royaume. Car pourquoi se contenter d’un petit lopin de terre quand on a carrément asphyxié la concurrence ? Et pourquoi ne pas s’attaquer au mastodonte que représente la NFL ?

Après tout, le monde du foot U.S. et celui du catch ne sont pas si éloignés que ça. En témoignent les nombreux catcheurs ayant un passé de footballeur universitaire voire professionnel. Il y a eu aussi l’affrontement entre Mankind et le Rock pour le titre mondial dans un Empty Arena match pendant la mi-temps du Superbowl 99.

Pourquoi donc ne pas tenter de fusionner les deux univers : le catch et le foot américain? Car c’était bien là l’idée de ce diable de Vince. Transposer les codes de l’Attitude Era (la violence, le cul, le trash-talking et le vidage de bières) dans le monde policé du football américain (qui comprenait déjà le vidage de bières).

Débordant de confiance et d’estime de soi, le grand manitou déclara devant un parterre de journalistes surpris : « C’est le bon moment pour créer un nouveau sport susceptible de séduire la middle class. Les gens aiment le foot. Ils aiment aussi la sexualité, qui va de pair avec la nature agressive du sport. Ceux qui nous critiquent ne comprennent rien à la sociologie de l’Amérique. »

Ce à quoi il ajouta la maxime reprise en citation de cet article : « Si la NFL signifie No Fun League, la XFL veut dire Extra Fun League ».

Vince McMahon XFL
« DTC Ramucho ! L’expert en jeu de mots pourraves c’est bibi maintenant ! »

Une attitude agressive et audacieuse de la part de McMahon qui, si elle ne surprit aucunement le fan de catch averti, prit de court les fans de la NFL et les journalistes sportifs peu habitués aux clowneries mcmahonesques. Pour leur défense, on a rarement dû leur expliquer qu’il pouvait embrasser le derrière d’un homme âgé de 55 ans.

En clair, lors de ses apparitions, VKM faisait du VKM. Le problème, c’est que si ça passe à Raw où les provocations et forfanteries en tout genre font partie du quotidien, ça ne l’est pas forcément dans le monde réel. Sports Illustrated s’interrogea d’ailleurs sur la façon de répondre à ce comportement mais ne trouva pas réellement de solution.

La NFL, pour sa part, avait trouvé la parade : rien faire et laisser dire. Ainsi, tout au long de l’aventure XFL, à travers son porte-parole Greg Aiello, elle se borna à ne faire aucun commentaire. Que ça soit sur les singeries mcmahonesques ou sur le produit en tant que tel.

L’ignorance est le meilleur des mépris.

Une curieuse association

Lequel des deux tient l’autre par les Del Rio ?

L’idée d’une ligue de football saupoudrée de catch commença à germer au cours de l’année 1999. À l’origine, McMahon souhaitait racheter la Canadian Football League (La ligue de football canadien) après que celle-ci lui eût proposé de prendre possession des Toronto Argonauts. Mais l’affaire ne se fit pas.

En parallèle, NBC, qui avait perdu les droits de diffusion de la NFL en 1997, et Time Warner souhaitaient créer leur propre fédération. Pour rappel, NBC constitue un des networks les plus importants aux USA et Time Warner avait le vent en poupe à l’époque puisqu’il s’apprêtait à fusionner avec AOL.

Se découvrant des intérêts communs, la World Wrestling Federation (le « F » n’avait pas encore été mis à la porte en ce temps-là) et NBC conclurent un partenariat à hauteur de 138 millions de dollars. Chaque partie apportant la moitié.

NBC était en charge de la production des matchs. La chaîne voyait là une occasion de drainer une audience jeune susceptible d’attirer de nouveaux contrats publicitaires et de gonfler les ratings qui sont généralement en berne le samedi.

Côté diffusion, un accord fut conclu pour deux saisons. Trois diffuseurs se répartirent les matchs : NBC évidemment, TNN (Spike TV aujourd’hui) et UPN (devenu The CW Television Network depuis). Les radios locales étaient également présentes.

Les matchs étaient diffusés le samedi en début de soirée. Ce qui engendra un conflit avec l’émission Saturday Night Live qui a due être retardée car un match s’était terminé après deux prolongations (pas de match nul en football américain). Ce qui rendit le créateur de l’émission Lorne Michaels furieux. D’abord parce qu’on ne touche pas à une institution de l’ampleur du Saturday Night Live et puis surtout parce que Jennifer Lopez était l’invitée ce soir-là !

Par conséquent, la XFL mit en place un règlement qui garantissait que quoi qu’il arrive la retransmission du match s’arrêtait après 23h.

Déroulement de la saison

Huit équipes pour le Graal.

Il était prévu que la saison régulière débute le 3 février 2001, soit une semaine après le Super Bowl : Vinnie Mac est peut-être fou mais pas suicidaire au point d’aller se mesurer directement à la NFL. La saison se déroulant de l’automne à début février, il restait suffisamment d’espace pour organiser une nouvelle compétition.

À l’image de tous les championnats professionnels nord-américains, celle-ci se déroule en deux phases. Une première dite saison régulière réunissant huit équipes réparties dans deux conférences Est et Ouest. Chaque équipe joue dix matchs. Les deux premiers de chaque conférence sont ensuite qualifiés pour la seconde phase : les playoffs qui consistent en deux demi-finales croisées (le premier de la conférence Est croise le second de la conférence Ouest et vice-versa).

Les vainqueurs des demi-finales se rencontraient alors dans ce qui était initialement appelé The Big Game at the End of the Season. Un manque d’imagination flagrant et plutôt handicapant dans un pays où les finales du championnat de base-ball se nomment les World Series, la Stanley Cup pour le hockey, le Super Bowl (notez qu’il n’y a qu’une finale en football américain contrairement aux autres sports où il peut y en avoir entre quatre et sept) en football américain et où le champion NBA remporte le titre symbolique de champion du monde après avoir disputé the Finals (simple et efficace).

La WWF tenta de rattraper le coup en renommant le match « The Million Dollar Game » mais le mal était fait. Néanmoins ce nom ne fut pas choisi par hasard puisque l’équipe vainqueur se partageait un million de dollars.

Mais revenons aux équipes. Celles-ci étaient donc au nombre de huit. La conférence Est était composée du Rage d’Orlando, des Chicago Enforcers, des New York/New Jersey Hitmen et des Thunderbolts de Birmingham.

Cette dernière équipe s’appelait à l’origine Blast. Mais cette appellation causa des problèmes puisqu’elle faisait directement référence à une période noire de l’histoire de la cité. Dans la seconde moitié du XXe siècle, une bombe explosa en 1963 dans une église baptiste et une autre en 1998 dans une clinique d’avortement. Se rendant compte de la mauvaise image qui pouvait être liée à l’équipe, la XFL changea le nom en Thunderbolts puis Bolts.

De son côté, la conférence Ouest comptait les Los Angeles Xtrem, les San Francisco Demons, les Memphis Maniax et les Las Vegas Outlaws.

Très intéressants ces meetings entre supporters.

Vous l’aurez remarqué ces noms transpirent la violence. Bien entendu, ça n’est pas anodin, l’objectif étant de mettre l’accent sur le côté sans limite de la XFL. Le moindre détail comptait.

Des extensions étaient prévues, notamment à Détroit et Washington, mais la ligue ne vécut pas assez longtemps pour que le projet se concrétise. On en resta donc à huit équipes.

Une des principales différences avec la NFL, et par extension les autres principales ligues majeures de sport américain, réside dans le fait que ces équipes n’étaient pas des franchises détenues séparément à proprement parler mais des single business, soit des entités économiques dépendantes du propriétaire de la fédération. En somme, elles étaient détenues à la fois par NBC et par la WWF.

Ce modèle économique fit alors dire en février 2001 à l’ancien propriétaire de la défunte United States Football League (fédération qui fut active de 1982 à 1986) Bob Caporale (qui pensait alors que la XFL allait survivre) : « Il y a deux raisons qui expliquent l’échec d’une ligue. La première est que les équipes n’ont pas assez d’argent au départ et ne peuvent donc payer leurs dettes. Et la seconde est qu’elles débutent avec assez d’argent mais en dépensent trop. Dans notre ligue, Donald Trump a commencé à donner beaucoup d’argent pour Herschef Walker et d’autres joueurs alors qu’ils n’avaient pas les fonds nécessaires. Ça n’est pas un problème ici, Vince et NBC contrôlent tout. »

Certes, Vince et NBC contrôlaient tout, mais ils n’étaient pas à l’abri de quelques gadins comme nous le verrons un peu plus bas.

Les joueurs

Au niveau des joueurs, la limite maximale autorisée est de 38 pour chaque équipe contre 53 en NFL. Un squad plus réduit, certainement pour réduire les coûts au maximum — mais cela pouvait poser problème en cas de blessures (et il y en a eu souvent).

La draft se déroula du 28 au 30 octobre 2000. 475 joueurs furent sélectionnés. Ils furent rejoints le 29 décembre par 65 autres camarades.

Le plafond de la masse salariale pour chaque équipe est de 1,8 million de dollars. 5 000 pour les quarterback, 3 500 pour les kickers (ceux qui donnent le coup d’envoi et qui s’occupent des pénalités et des transformations) et 4 500 pour les autres joueurs.

Il y a également un bonus de 100 000 dollars pour chaque victoire en saison régulière, divisés entre chaque joueur, et 7 500 dollars par joueur pour une victoire en play-off. En cas de victoire finale, l’équipe entière se partage le million de dollars offert à l’équipe championne.

Chaque joueur pouvait floquer ce qu’il désirait comme nom sur son maillot. Mais l’ensemble a refusé d’afficher des noms fantaisistes, prétextant qu’ils ne voulaient pas avoir de gimmick-name.

On peut y voir une différence notable entre la perception du jeu par Vince qui traitait les joueurs comme des personnages à l’image de ce qui se passe dans le catch alors que les personnes concernées prenaient davantage l’affaire au sérieux et n’adhéraient pas forcément à l’influence catchesque.

Le coach principal des Bolts de Birmingham Gerry Dinardo rapporte qu’aucun de ses joueurs n’avait souhaité se faire floquer un surnom. Il fut alors accusé par la ligue de le leur avoir interdit. Les joueurs durent signer une lettre pour signifier que c’était leur décision et non pas une consigne de l’entraîneur.

Par ailleurs, le public pro-football rejeta aussi ce système car il devenait impossible de pouvoir identifier correctement un joueur si on ne disposait que d’un surnom et pas du véritable nom.

Le seul cas notable de changement de nom fut le joueur des Las Vegas Outlaws Ron Smart qui se fit appeler « He Hate Me » car d’après lui, son adversaire allait le détester. Son maillot fut le plus vendu.

The Human Coin Toss

La XFL avait pour but de se poser en véritable alternative à la NFL. La principale différence résidait dans l’autorisation d’une certaine forme de violence. Ainsi, il n’y avait pas de pénalité pour jeu dur. La WWF voulait vraiment insister sur le côté hardcore.

Pour rappel on était encore pendant l’Attitude Era avec tous ses débordements (Sable et Jacqueline qui se foutent à poil au milieu du ring, Sunny et l’ensemble de son œuvre, Mae Young qui donne naissance à une main, la gimmick de Val Venis, The Fabulous Moolah qui gagne un concours de maillot de bain organisé en plein PPV et animé par Jerry Lawler, Mark Henry époque chocolat sexuel qui tente lourdement de brancher Chyna sous l’œil horrifié de D’Lo Brown, le Ministry of Darkness qui manque de crucifier Stephanie McMahon, Jericho qui fait des vannes d’un goût douteux quant à l’extension mammaire de cette même Stéphanie, DX qui charge la WCW avec un tank… Est-il nécessaire d’en rajouter ?).

La WWF souhaitait faire transparaître l’Attitude Era à travers la XFL. Et ce au mépris même de la santé des joueurs.

Après avoir examiné les premières rencontres, Sports Illustrated nota que ce qui était susceptible de vous faire exclure en NFL vous faisait récolter de la gloire auprès de Jesse Ventura (alors gouverneur du Minnesota et commentateur pour la XFL).

Même les cameramen portaient des casques et des tenues de protection afin de montrer que c’était dangereux. Le soin du détail on vous dit.

Le fait que le jeu dur était autorisé causa évidemment de nombreuses blessures. Troy Stark, un des joueurs des New York/New Jersey Hitmen, décéda en juin 2001 pendant une opération chirurgicale qui visait à soigner une blessure contractée au genou pendant un match.

Le poste de quarterback étant très exposé aux blessures, la NFL a édicté un règlement visant à les protéger. Or, pour le noble président de la plus grosse fédération de catch professionnel nord-américaine, ce genre de précaution dénature l’esprit du jeu.

Casey Weldon, le quarterback des Bolts, raconte que McMahon lui a déclaré : « Nous allons arracher le maillot des quarterbacks dans cette ligue et les faire jouer comme des hommes ». Alors que Weldon lui répondit que le quarterback se devait d’être un des joueurs les plus costauds car il n’a rien pour se protéger, McMahon poursuivit sur sa lancée en rétorquant qu’ils ne font que rester debout et laisser quelqu’un recevoir la balle pour eux. Et c’est un Weldon dubitatif qui conclut : « Oui, ça s’appelle un receveur ».

« Ha ha ! Elle est bonne celle-là. Digne de R-Truth ! »

En dehors du fait que cette anecdote montre l’inconscience de Vince, elle illustre aussi quelques-unes de ses lacunes dans la connaissance du football américain.

Pour le reste, le fan de catch ne sera pas surpris d’apprendre qu’il n’y avait pas de système d’assurances pour les joueurs. Après tout, les catcheurs devaient bien se débrouiller par eux-mêmes, pourquoi la situation serait-elle différente pour des footballeurs ?

Un autre élément qui peut sembler malsain est l’évocation des paris. Si aujourd’hui on a tous dans ses fréquentations quelqu’un qui parie sur les matchs de football ou qui joue au poker en ligne, à l’époque c’était moins répandu. Et puis surtout des commentateurs sportifs ne se permettaient pas d’évoquer les cotes des matchs à la télévision.

Mais tout cela ne posa pas de problèmes en XFL. Alors qu’en NFL les références et discussions autour des paris (notamment pour les mises concernant les écarts de points) étaient prohibées à la télévision, elles étaient encouragées pour la XFL. Le principal motif est que ça pouvait constituer une bonne publicité et inciter les bookers de Las Vegas à parier sur les matchs.

En dehors de ce côté violent, la XFL tenta d’apporter quelques innovations sur le déroulement de la partie. Si elle ne changea pas le nombre de joueurs par équipe (onze) elle apporta de légères modifications, notamment au niveau du scoring et principalement sur les modalités pour obtenir un extra-point.

Au football américain, le but est d’apporter le ballon dans l’en-but adverse, la end-zone, afin de marquer un touchdown. L’équipe marque alors 6 points et peut bénéficier d’un point supplémentaire si le kicker arrive à envoyer la balle entre les poteaux.

Mais pour le président de la WWF, cette méthode n’était pas assez vendeuse car vue comme un « point gratuit». Il changea alors le système en le remplaçant par un autre déjà existant en NFL: donner une nouvelle offensive à l’équipe ayant marqué. Celle-ci doit alors à nouveau franchir la ligne d’en-but en partant de la ligne des 2 yards pour marquer un nouveau point. Cette possibilité existe également en NFL mis à part qu’elle rapporte deux points.

Donc en clair lorsque vous marquez un touchdown vous gagnez 6 points. Et si vous voulez avoir un point bonus il faut à nouveau passer la ligne d’en-but adverse.

Autre changement, pour décider du coup d’envoi. Au lieu de décider de qui fera l’engagement à la pièce, un joueur de chaque équipe doit courir sur une distance de 20 yards pour attraper attraper la balle en premier.

Cette pratique fut appelée « The Human Coin Toss » par les commentateurs. Pour l’anecdote, dès le premier week-end il y eut un blessé : le joueur des Orlando Rage Hassan Shalsid-Deen s’est cassé l’épaule et fut forfait pour le restant de la saison.

Cette pratique avait au moins le mérite de rapprocher les gens.

Enfin, les matchs se jouent dans des stades ouverts avec une pelouse naturelle. Mais alors que la end zone en NFL est décorée avec les logos des équipes, en XFL c’est le logo de la ligue qui apparaît.

Ce choix de jouer sur gazon naturel s’avéra désastreux pour la publicité de la XFL et la qualité des matchs. En effet, la saison de XFL suivit directement celle de NFL. Donc certains terrains endommagés n’avaient pas eu le temps de se régénérer. Exemple avec le Soldier Field de Chicago où le logo des Chicago Bears était nettement visible à la mi-saison au centre du terrain au beau milieu d’une pelouse défoncée.

Des caméras et des micros aussi nombreux que les cactus

Au niveau de la réalisation, la XFL mit les moyens et popularisa même certaines techniques. Ainsi les écrans géants, les caméras et les micros poussaient comme des champignons sur le terrain. Caméras dans les vestiaires et dans les rassemblements tactiques pendant les temps morts, caméra vue du ciel (skycam) qui donnait l’impression de se trouver dans un jeu vidéo, caméras filmant le match depuis un dirigeable, micro-casque pour les arbitres et les coachs, des micros qui amplifient même les grognements… Bref, tout était fait pour que le spectateur se croie sur le terrain.

La NFL l’a bien compris puisqu’elle reprit l’idée de la skycam et des dirigeables pour ses matchs, ainsi que les interviews pendant les rencontres, qui étaient monnaie courante en XFL.

Malgré toute cette débauche d’énergie, la retransmission était globalement de basse qualité, mis à part sur TNN et, dans une moindre mesure, sur UPN. Il faut dire qu’en 2001 si la WWF avait fait d’énormes progrès dans l’habillage de ses shows, elle était encore loin du niveau qu’elle a atteint maintenant. De plus, elle utilisait les locaux de NBC (ils étaient situés dans le centre de tri de la chaîne) et leur département créatif. Ce qui limite la marge de manœuvre.

Pour Sports Illustrated la réalisation est certes révolutionnaire… mais ça dépend pour qui. Le magazine prend alors comme exemple un choix de réalisation malheureux au cours du match entre les Las Vegas Outlaws et les New York/New Jersey Hitmen.

Quel choix de réalisation malheureux ? Ils auraient choisi de montrer le match plutôt qu’une paire de fesses ?

Alors que la mi-temps commençait, Jesse Ventura promit aux téléspectateurs qu’ils assisteraient au discours de motivation du coach des Hitmen (l’équipe était alors menée au score). Mais au lieu de ça ce fut une simple discussion entre des employés ordinaires sur la situation de l’équipe qui fut diffusée.

Le but était de montrer des segments backstage comme on en voit fréquemment à la WWF, mais ce genre de choses n’est peut-être pas adapté pour une retransmission sportive.

Du point de vue des commentateurs, quatre équipes furent mises en place. Elles étaient divisées entre les commentateurs habituels de la WWE, d’anciens joueurs pro de la NFL et des présentateurs-commentateurs de NBC.

NBC (équipe 1) : Matt Vasgerslan (qui a notamment travaillé pour Fox Sports. Il fut remplacé par Jim Ross entre la 2e et la 5e semaine), Jesse Ventura, Fred Roggin et Mike Adamle.

NBC (équipe 2) : Jim Ross, Jerry Lawler et Jonathan Coachman.

Jerry Lawler ne resta pas longtemps puisqu’il quitta la XFL (et la WWE par la même occasion) après la 5e semaine pour protester contre le renvoi de sa femme de l’époque Stacy Carter (ancienne championne féminine connue comme Miss Kitty ou the Kat, elle fut notamment le valet de Jeff Jarrett et joua la fan n°1 de Chyna au point d’adopter la même tenue -mais pas la même carrière post-WWE).

Un acte de courage aussi brave que regrettable étant donné qu’ils se séparèrent quelques mois plus tard.

Et on se demande bien pourquoi.

TNN : Craig Minervini, Bob Golic (ancien joueur des Patriots de la Nouvelle-Angleterre, des Cleveland Browns et des Los Angeles Raiders), Lee Reherman et Kip Lewis.

UPN : Chris Marlowe (ancien joueur de volley-ball et commentateur notamment sur Fox Sports), Brian Bosworth (ancien joueur des Seattle Seahawks), Chris Wagge (qui travailla pour NBC Sport et fut notamment directeur des sports et présentateurs sur KPRC-TV à Houston) et Michael Barkann.

Malgré ces équipes de choc, la qualité des commentaires laissa à désirer. Jesse Ventura semblait complètement perdu, ne connaissant ni les joueurs, ni les tactiques en cours. Mike Adamle et Fred Roggin faisaient de la peine à voir (guère surprenant de la part d’Adamle). De plus l’utilisation du trash-talking rebuta certains spectateurs.

Celui qui cristallisa l’ensemble des critiques fut Jim Ross bien qu’il avait trente ans d’expérience en tant que commentateur de catch et aussi une expérience en foot US avec les matchs des Falcons au début des 90’s.

En fait, seul Vasgerslan s’en tirait, même s’il avait tendance à sur-vendre les matchs comme si sa vie en dépendait. Pour sa défense, les autres le faisaient aussi et c’était sans doute suite à une consigne de Vince.

Il fut néanmoins mis à l’index par Vince car, alors que la caméra zoomait sur les cheerleaders, il resta silencieux une quinzaine de secondes avant que quelqu’un lui aboie de réagir.

Lorsque les danseuses apparaissaient à la télé, la WWF avait donné comme consigne aux commentateurs de crier quelque chose du genre « Ça c’est une cheerleader ! » Mais Vasgerslan répondit qu’il ne se sentait pas à l’aise et finalement souffla du bout de des lèvres un commentaire sur les tenues quelques peu légères des demoiselles.

Son manque d’enthousiasme provoqua sa mise à l’écart au profit de Jim Ross.

Jerry « The Perv » Lawler débordait d’enthousiame en revanche.

Le catch, cet ignoble art

Malgré toute cette bonne volonté affichée et les moyens à disposition, la XFL souffrit d’un déficit chronique d’image. Un déficit en grande partie causé par l’association avec une fédération de catch dont le président se comportait avec les journalistes comme s’il était dans son personnage machiavélique, provocateur et autoritaire.

Comme nous l’avons vu, l’objectif de la XFL était de rassembler les fans de catch et ceux du football américain. Le problème c’est que les fans de foot US, déjà échaudés par les attaques de Vince (et de ses sbires) envers la NFL, ne sont pas forcément fans de catch. Du coup, ils ont mis du temps avant d’accepter le fait que les matchs n’étaient pas scriptés.

Et ils ne furent pas les seuls à se poser la question. Lorsqu’il fut contacté pour être éventuellement recruté, le quaterback des Orlando Rage Brian Kuklick a reçu pas mal de questions du type : « Est-ce que tu vas être un catcheur ? », « C’est une blague ? ». Un autre joueur, Kevin Kaesviharn, des San Francisco Demons cette fois-ci, s’est carrément demandé si les matchs étaient vrais et s’il allait se prendre un dropkick ou un coup de la corde à linge pendant la rencontre.

Ils eurent même des difficultés pour recruter des membres dans le staff de la ligue. Le futur responsable du sponsoring Paul Kayaian, qui avait été directeur-manager de la NFL Europe entre 1994 et 1998, refusa dans un premier temps au motif qu’il « ne travaille que pour des vrais sports » car il pensait que ça allait être une version football de la WWF. Ce n’est que lorsqu’il a su que NBC était impliqué qu’il a pris l’offre au sérieux.

Ce qu’il ne dit pas c’est que le Rock est venu chez lui et l’a menacé de lui botter son derrière en sucre.

Ce qui explique en partie que le président de la ligue Basil DeVito devait sans cesse se justifier et répondre à des questions du type : « Est-ce que ça va être du vrai football ? ».

La réputation sulfureuse du monde du catch alliée aux attaques envers une institution comme la NFL n’aida pas non plus la XFL a être prise au sérieux par les médias sportifs, ce qui fut une des raisons de sa perte. Les matchs furent rarement traités comme des événements sportifs mais plus comme des spectacles à l’image de la WWE. Il y eut ainsi très peu d’analyses ou d’articles dans les journaux ou émissions sportifs.

Vu que NBC était en partie propriétaire de la ligue, cela rebuta ESPN et Fox Sports Net de couvrir la XFL à l’inverse de Time Warner (qui possède Sports Illustrated) et Associated Press. Sports Illustrated consacra même sa couverture du 12 février 2001 à la XFL.

La preuve !

Néanmoins, le traitement ne fut guère flatteur. On peut supposer que c’est en partie dû au fait que le magazine dépendait de Time Warner qui détenait encore pour quelque temps la WCW, mais cette dernière n’était pas la principale préoccupation de la maison mère. La preuve, ils s’en débarrassèrent quelques temps après.

Même les médias locaux des villes possédant une équipe ne traitaient pas du sujet. Ce qui explique en partie que les fans voyaient tous cela comme une vaste blague plutôt que comme une ligue pouvant jouer dans la même catégorie que la NFL.

Ce sentiment de rejet fut mal vécu par certains joueurs à l’image du quarterback des Outlaws qui lança après un match que cette ligue n’était pas une blague. Il n’en reste pas moins que la XFL ne fut jamais vue comme viable.

Et il est difficile de donner tort aux sceptiques lorsqu’on voit à quel point la campagne de promotion autour de la nouvelle ligue de football fut désastreuse.

Dirigeables et demoiselles dénudées

D’entrée de jeu, la XFL s’est faite remarquer pour de mauvaises raisons. Ainsi, le dirigeable servant à faire la promotion de la ligue eu un accident un mois avant le début de la saison. Le pilote et le co-pilote perdirent le contrôle et durent évacuer le véhicule.

L’équipe de sauvetage au sol ne parvint pas à récupérer l’engin qui dériva vers l’estuaire d’Oakland puis se crasha sur le toit d’un restaurant. Le pilote fut hospitalisé et les réparations du dirigeable coûtèrent 2,5 millions de dollars.

Le pire, c’est que tout cela est arrivé alors que le dirigeable survolait un match de NFL.

En voyant cela, Keith Moon aurait déclaré : « La XFL va se crasher comme un zeppelin en plomb ».

En dehors du dirigeable, la WWF profita de la sortie d’À l’aube du 6e jour avec Arnorld Schwarzenegger pour promouvoir le lancement de la ligue en insérant des images d’un match fictif dans le film.

La XFL fut également mentionnée dans l’épisode n°13 de la treizième saison des Simpson La Dernière Folie de Grand-Père. On y voit Homer en grand fan déçu d’apprendre à la fois qu’il n’y aura pas de deuxième saison et que le « X » n’avait aucun rapport avec eXtreme.

Car oui, le X de XFL ne vient pas d’eXtreme mais de nulle part. En fait, la marque « Extreme Football League » était déjà prise. Pas de chance.

Côté spots publicitaires, la ligue diffusa des publicités sur NBC avec des cheerleaders qui étaient pour la plupart des playmates comme Penelope Jimenez, Karen McDougal et Rachel Sterling. Ce qui ne fait pas du tout sérieux. Quand vous axez votre produit sur des gentes demoiselles dénudées, c’est que vous n’avez rien à vendre.

Par exemple, une des publicités consista en une séquence suggestive où les demoiselles prenaient une douche. Les angles de vues et des objets disséminés dans la salle laissaient à penser qu’elles étaient nues. Évidemment le slogan était tout aussi évocateur :

XFL Cheerleaders. Don’t worry, we will teach them how to cheer.

Il est vrai que certaines demoiselles avaient un peu de mal à sourire. Ce que fit par exemple remarquer la coach des cheearleaders de l’Université centrale de Floride Linda Gooch. En tant que cheerleader elle-même, elle ne voyait aucun lien entre son métier et le travail de ses consœurs.

Ce qui est compréhensible, car le côté racoleur des cheerleaders de la XFL n’aidait pas à ce qu’on voie les femmes pratiquant ce métier comme des artistes mais plutôt comme des woo girls issues d’un Spring Break.

Pourtant, les cheerleaders participaient activement à l’animation des matchs. Et pas seulement en agitant leur popotin. À chaque match, deux d’entre elles allaient interviewer les fans.

Les publicités mettant en scène ces demoiselles causèrent des controverses et furent jugées trop risquées par les médias. Dans un pays comme les États-Unis où pullulent les associations bien-pensantes, ça n’est pas surprenant. Rappelez-vous le bruit que ça avait fait quand R-Truth s’était allumé une ciagrette en plein Raw il y a quelques années.

Par conséquent, elles furent rayées de la carte avant même le début de la saison. Le coup d’envoi du premier match n’était pas encore donné que la XFL se voyait privée de sa campagne publicitaire télévisuelle.

Les cheerleaders constituaient d’ailleurs un des rares arguments en faveur de la XFL. Même si dans la grande majorité elles provenaient de bars à striptease et semblaient sortir tout droit de la BD de Playboy Little Annie Fanny, d’après Sports Illustrated, elles n’étaient pas plus provocatrices que ce qui se voit sur MTV ou que les cheerleaders des Cowboys de Dallas.

Si elles sont aussi vêtues que ça imaginez celles de Dallas !

Il ne serait pas étonnant de découvrir qu’elles provenaient du même filon que les dames qui garnissaient le Ho-ho train du Godfather (dans une interview Charles Wright – qui incarna le Godfather mais aussi Papa Shango et Kama – révéla qu’avant les shows, avec l’Undertaker ils allaient les chercher dans les bars à striptease du coin. Oui oui vous avez bien lu, le Taker faisait du rabattage dans le temps).

Avec ces demoiselles, Vince voulait reproduire ce qui se faisait déjà à Raw. Étant donné que la cible de ses programmes va de l’ado prépubère à l’adulte au regard libidineux, il n’est pas difficile de comprendre qu’elles étaient davantage là pour aguicher le client plutôt que pour fournir une véritable animation.

Afin de renforcer leur côté « coquin » dirons-nous, Vince n’hésitait pas à déclarer dans les médias que si une cheerleader couchait avec un joueur, il n’hésiterait pas à en faire la promotion. Le but était une fois encore de se différencier de la NFL qui prohibait ce genre de comportement (c’est peut-être pour ça que les joueurs de NFL battent leur femme).

Des segments furent mis en place afin de leur donner davantage d’exposition aux filles. Ce qui donna des moments navrants dans l’histoire de la télévision comme lorsque la dénommée Crystal demanda au quarterback de Las Vegas Ryan Clement s’il savait « scorer ». Et ne faîtes pas mine de ne pas avoir compris !

Les cheerleaders de la XFL ? Deux bonnes raisons de regarder du football américain à la télé.

Un autre moment gênant fut cette scénette visant à faire remonter les ratings. Avant le match devant opposer le Rage d’Orlando aux Las Vegas Outlaws, il fut annoncé que les caméras allaient entrer dans le vestiaire des cheerleaders d’Orlando.

Une annonce mensongère puisqu’au final les spectateurs ne virent que Vinnie Mac tenter d’envoyer un cameraman dans le vestiaire des cheerleaders. Le cameraman se planta lamentablement la tête la première dans la porte et perdit connaissance. Il vit aussitôt les dites femelles en rêve avant d’être brutalement réveillé par Vince.

Un passage désobligeant qui illustre à quel niveau la XFL pouvait être aux abois. Et dire que ça ne faisait qu’un mois et demi que la compétition avait commencé.

C’est une habitude pour Vince de traiter les femmes comme des objets sexuels dans ses émissions, mais il faut avouer qu’il y en a quelques-unes qui ne demandaient que ça! wink wink

À ce sujet vous avez remarqué que depuis le début de cette article pas un mot n’a encore été écrit sur la qualité des matchs. Eh bien… nous y voici.

Des matchs… SPECTACULAAAR !!!

Un premier problème se posa dans le recrutement des joueurs. En effet, les meilleurs d’entre eux étaient déjà employés à la NFL et aucun n’était désireux de rejoindre une ligue peu portée sur la sécurité et qui sortait du chapeau d’un président d’une compagnie de catch un brin fêlé. Il n’y a donc eu aucune star issue du football américain pour aider au lancement de la ligue, ce qui causa un sacré manque de visibilité.

Une autre difficulté se posa avec la durée et le nombre de camps d’entraînements. Car ça n’est pas avec un camp d’une durée de six semaines juste avant le début de la saison que vous allez réussir à créer une alchimie dans chaque équipe.

Les différents entraîneurs n’avaient jamais entraîné ensemble (il y a plusieurs entraîneurs dans une équipe de football américain) et les joueurs ne se connaissaient pas. Difficile dans ces conditions d’évaluer les forces et faiblesses de l’équipe ou de développer un plan de jeu efficace.

Pour palier ce manque de starpower, cet ancien joueur de football américain universitaire faisait des promos par satellite diffusées avant le coup d’envoi sur les écrans géants du stade.

Le vice-président des opérations concernant le football et ancien joueur NFL Mike Keller reconnut : « Quand nous avons lancé la ligue, les entraîneurs n’avaient jamais entraîné ensemble et les joueurs n’avaient jamais joué ensemble. On a fait une erreur en n’organisant qu’un camp d’entraînement d’une durée d’un mois et demi. Nous avions besoin de plus de temps »… « Ça nous a pris deux ou trois matchs avant que le jeu s’améliore »…« Mais à ce moment-là, nous avions déjà perdu beaucoup de téléspectateurs ».

La XFL avait raté son entrée et c’est difficile de rattraper une mauvaise première impression. Surtout que les premiers commentaires acerbes fusèrent dès les premiers matchs.

Richard Sandomir du New York Times écrivit : « La XFL est une épave, une ruine en devenir que la WWF et NBC tentent de sauver mais ils vont certainement échouer ».

Son collègue Mike Penner du Los Angeles Times partit dans un délire de jeu de mots difficilement adaptable en français: « Xceptionnally Xaggerated Xpectations. Xtravagantly Xcruciating Xecution, Xcessively Xcitable Xperts Xuding Xasperation ».

Quand à Barry Horn du Dallas Morning News, après un bâillement il déclara de manière péremptoire : « Le pire pour la XFL c’est que le gamin de 14 ans qui est sa cible a préféré abandonner la télé pour aller jouer au basket dans la cour après le premier quart-temps. »

Fun fact : le revêtement noir des ballons devenait collant dès qu’il y avait un peu d’humidité dans l’air. Ce qui gênait les transmissions.

Ces réactions visaient peut-être à faire payer l’arrogance de Vince mais il est vrai que tout le monde s’accordait pour dire que peu de joueurs de la XFL avaient le niveau pour la NFL. Ce qui n’empêcha pas cette dernière de jeter un œil sur ce nouveau concurrent, car on ne sait jamais.

Un scout d’une des équipes de NFC (l’une des deux conférences avec l’AFC formant la NFL) aurait déclaré, après avoir vu les 8 équipes, qu’il voyait entre 10 et 12 joueurs par équipe susceptibles d’être invités dans un camp d’entraînement de la NFL. Environ 10 équipes de NFL ont envoyé des scouts lors des camps d’entraînement de la XFL mais très peu assistèrent aux premiers matchs.

Bill Kuharich, directeur des Kansas City Chiefs, déclara que la qualité des matchs était celle attendue pour une nouvelle ligue. Beaucoup de fautes et beaucoup de joueurs devant apprendre à jouer ensemble.

Néanmoins, le week-end inaugural confirma ce que les scouts de la NFL soupçonnaient de voir dans une ligue débutante : très peu de qualité offensive et peu de joueurs pouvant intégrer un roster en NFL.

Kuharich toujours : « Notre objectif est de trouver le mec, voire trois ou quatre, qui sera le prochain Sam Mills (un ancien de la USFL), le prochain Kurt Warner (Arena Football League). Le passé de ces ligues prouve qu’il y a toujours des bons joueurs à prendre ».

Et il n’avait pas tort car une centaine de joueurs parvinrent à faire carrière avec plus ou moins de succès en NFL. Tommy Maddox, le MVP de la saison, remporta même le Super Bowl avec les Steelers en 2006.

Si sur le terrain la qualité n’était pas forcément au rendez-vous il en allait autrement dans les tribunes. Les fans répondirent présent même si c’était principalement pour les cheerleaders. Ainsi, lors du premier match des Las Vegas Outlaws, les fans s’étaient grimé le visage aux couleurs de l’équipe et portaient des maillots de personnes qu’ils n’avaient jamais vu jouer.

La moyenne de spectateurs pour les San Francisco Demons atteignit les 35 000, loin devant les 28 000 des New York/New Jersey Hitmen. En cumulant les scores des huit équipes la moyenne globale de la ligue était de un peu plus de 23 000 spectateurs. Ce qui reste supérieur à la Ligue 1.

Lors du premier match du Orlando Rage au Citrus Bowl le record de consommation de bière fut battu avec plus de 64 000 boissons vendues. C’était si impressionnant qu’il n’y avait plus une goutte de bière disponible dans le stade.

Et la WWF perdit la guerre des ratings

Malgré un départ canon avec un taux à 9.5 le premier week-end sur NBC, les audiences dégringolèrent rapidement. Elles furent réduites de moitié dès la seconde semaine pour un score de 4.6 pour ensuite se stabiliser aux alentours de 1,8 alors que l’objectif avoué de la chaîne était de 5.0.

Le même effet se produisit sur UPN où la XFL commença à 3.1 avant de tourner rapidement autour de 1 tout comme chez TNN. En clair, une fois l’effet de mode passé, les gens se désintéressèrent du produit qui était jugé vulgaire et de mauvaise qualité.

Le tableau général des ratings.

Il est possible de justifier en partie ces faibles scores par la concurrence de la March Madness (la phase finale du championnat universitaire de basket très prisée aux États-Unis). Mais toutes les raisons évoquées plus haut (faible qualité des matchs, attaques répétées envers la NFL, commentateurs peu pertinents, ignorance quasi-totale de la part des médias sportifs,…) expliquent en grande partie pourquoi la ligue s’est cassée les dents.

En résumé, si dans le monde du catch ça fonctionne de provoquer l’adversaire en roulant des mécaniques, en dehors du ring c’est vu comme un manque de respect. Et puis axer son produit sur le popotin de demoiselles peu vêtues et sur la violence des matchs ne donne pas une bonne image de vous.

Pour preuve, NBC et la WWF avaient prévu de vendre pour 100 000 dollars d’espaces publicitaires lors des matchs, mais ils n’atteignirent pas la moitié de l’objectif.

Enfin, un autre élément qui a sans doute provoqué la fin de la XFL réside dans son origine, à savoir le partenariat à hauteur de 50% entre la WWF et la NBC. Si vous montez une société et que vous vous partagez les responsabilités à parts égales avec vos collaborateurs, il n’y a alors aucun chef pour diriger et la société devient ingouvernable.

De plus, certains responsables de la chaîne ne semblaient pas croire au projet — et ce, dès le début de l’aventure. Le responsable de NBC Sports Dick Ebersol déclara que la chaîne savait que diffuser les matchs en prime-time début mars serait difficile. Il fit cette révélation au moment de la fermeture de la ligue, ce qui est un peu facile après coup, mais il admit néanmoins qu’ils avaient été incapables de répondre aux attentes des fans.

Le président de CBS Sports Neal Pilson fut beaucoup plus tranchant pour sa part. Il affirma n’avoir jamais eu foi dans ce concept. Pour lui, si la WWF avait voulu créer un produit trop proche du football elle aurait perdu l’audience des fans de catch et s’ils avaient créé une forme de sport un peu burlesque à l’image de ce qu’attendent les fans de catch ils auraient perdu NBC qui restait intéressé par le côté sportif plutôt que par le côté beauf.

Tout en constituant la cause majeure de la ligue, les faibles ratings furent la goutte d’eau qui fit déborder le vase pour NBC. Pour leur défense ils prirent un sacré coup de bambou derrière la nuque avec le résultat du match entre Chicago et NY-NJ du 31 mars qui atteignit le terrible score de 1.5. Ce qui constituait le pire rating de l’histoire pour une émission sportive d’une chaîne américaine majeure.

NBC reconnut son échec et se retira de la partie en cours de saison annulant par conséquent la diffusion d’une éventuelle deuxième saison. VKM annonça alors que la XFL continuerait avec UPN et TNN. Néanmoins les deux diffuseurs restants furent échaudés par le départ de NBC et voulurent par conséquent renégocier leur contrat télé avec la WWF.

UPN accepta de continuer à diffuser les matchs à condition que Smackdown soit raboté d’une demi-heure. Ce que VKM refusa tout net car on ne touche pas à son business principal.

La saison s’arrêta le 21 avril 2001 avec la victoire des Los Angeles Xtreme sur les San Francisco Demons. Le 10 mai, le président de la WWF annonça la fermeture de la ligue un peu plus d’un an après le lancement du projet.

Cette décision surprit quelques personnes en interne à l’image de John McKay Jr., président de l’unique champion de l’histoire de la ligue. Il fit part de sa surprise et de sa déception. Pour lui, cette expérience fut amusante et aura permis à des gens n’ayant pas les moyens de se payer un ticket d’entrée pour un match de NFL de voir du football.

De son côté, Jesse Ventura fut beaucoup plus radical, se bornant à répéter : « Je m’en fous, je ne bosse plus pour eux. »

« En même temps, c’est pas comme si j’en avais quelque chose à carrer de votre machin. »

Juste avant de baisser le rideau, Vincent Kennedy McMahon prit une dernière fois la défense de son bâtard de rejeton au motif que NBC et la WWF avaient apporté quelques innovations dans le domaine technique (micros sur les joueurs et les entraîneurs, interviews pendant les matchs, caméras dans les vestiaires, skycam,…). Et affirma que ces quelques innovations pourraient se voir dans un futur proche en NFL.

Et quand on voit le produit actuel on ne peut que s’incliner devant cet homme aussi visionnaire que fou.

Beau joueur, Vinnie Mac réalisa un sketch où il tentait vainement de vendre la XFL. Avec un succès mitigé au niveau des offres. Et ne remit plus jamais les pieds dans le sport réel… jusqu’en 2020, mais c’est une autre histoire à écrire.

Article originalement publié le 5 février 2016


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