“La violence n’est pas un moyen parmi d’autres d’atteindre la fin, mais le choix délibéré d’atteindre la fin par n’importe quel moyen.”
Albert Camus
L’été des cigales cuites par des températures extrêmes a laissé place à son frère de vent et de pluie. Les juillettistes ont juré sur un soleil omniprésent avant que les aoûtiens se plaignent désormais d’un climat digne de mon plat pays. Bref, personne n’est content. Sauf les suiveurs du show mineur de la WWE, branche jaune et noire qui poursuit son bout d’histoire avant un saut possible dans le grand bain télévisuel.
Cette fois, on mélange les feuilles d’érable, les caribous et les raptors pour se rendre à Toronto, lieu du dernier TakeOver. Une carte alléchante, proposant les prochaines stars de la WWE et/ou les « Next midcard » de RAW et Smackdown. Bah oui, la vie peut se révéler fort brutale lorsque l’on accepte de gagner un chèque à la hausse en réalisant le grand saut. Quoi que je dise brutal, et non horrible. N’est-ce pas Ethan ?
En ouverture de ce show en terre canadienne, le titre par équipe des Streets Profits est en jeu. Gagnant à l’issue d’un spectaculaire ladder match avec quatre équipes, le duo de fêtards semble dans les petits papiers des officiels qui leur offrent du temps backstage lors des shows majeurs. Une progression linéaire pour une équipe qui n’a pas hésité à mouiller sa tenue dans la promotion partenaire EVOLVE. Face à eux, les ex-ReDragon et désormais U-Era veulent devenir la première équipe triple détentrice de l’or en duo. Difficile de penser que le duo doit se montrer à un autre niveau, lorsque la division tag team de Raw et Smackdown patine régulièrement à obtenir de l’exposition.
Le match démarre doucement pour nous mener à un traditionnel passage de babyface en péril. Les U-Era maintiennent Dawkins loin de son partenaire en difficulté, ce qui n’empêche pas ce dernier de monter quelques tentatives de comeback. Montez Ford réalise une bonne prestation. Il est un superbe athlète, excellent vendeur de coup et capable de dynamiser une séquence par sa vitesse.
Au sortir de ce moment, le match s’emballe pour offrir de superbe séquence. O’Reilly et Fish sont des vétérans capables de répondre à toutes sortes de scénarios. Et ils sont également de fameux worker, dont les assauts apparaissent véritables. Les Profits ne lâchent rien, combinant autant que possible pour gagner petit à petit les joutes par équipes. Notons par exemple la séquence ponctuée d’un Knee Strike de Kyle O’Reilly, qu’Angelo Dawkins attrape tant bien que mal pour permettre à son partenaire d’accomplir un Doomsday Blockbuster. Un spot qui ne sort pas de nulle part, reflétant bien les styles des équipes et le déroulement du match. Ce sont bien les champions qui repartent avec leurs biens (modulo une possible erreur de tombé). Pour la suite, les Wargames de novembre devraient inviter U-Era à prester une troisième fois dans la cage d’acier.
Reste à savoir si les champions par équipe s’ajouteront à la fête d’une quelconque manière. Il n’en reste que la division par équipe avait connu un regain de forme ces derniers temps, avec différent challenger possible. Mais à ce jour, les challengers connaissent plusieurs défections : Oney Lorcan preste à 205 lives et Imperium règne sur NXT UK. Les forgottens sons sont également de la partie pour notre plus grand déplaisir. La division doit rapidement proposer de nouvelles têtes, ce qui semble effectivement en préparation dans les lives shows.
Après ce réjouissant opener, HHH et sa bande proposent un affrontement entre Io Shirai et Candice LeRae. A priori, c’est le moment idéal pour présenter un match de midcard dans un genre plus calme que le combat précédent. L’occasion également de présenter la « nouvelle » génie japonaise et son attitude heel.
Quelle foutue claque que ce combat. « On » a beau nous rabattre que Io Shirai est la meilleure lutteuse féminine du monde, voir la meilleure tout court, mais la voir à l’œuvre est incroyable. Son personnage heel agit tout en brutalité sur le fil d’un rasoir. Souvent à la limite, elle dévoile une partie de son moveset en s’adaptant à la résiliente américaine. Car Lerae ne démérite pas en proposant enfin ce personnage de babyface en péril qui lui réussissait tellement hors de la WWE. Elle finit par s’avouer vaincue dans une Koji Clutch modifiée impressionnante. S’il y a un match surprise ce soir, c’était bien celui-ci. Shirai se repositionne en direction du titre, pendant que Lerae subit une nouvelle défaite majeure.
Changement de format avec Matt Riddle. Le King of Bro est de sortie et il veut Killian Dain « right now ». Suivant le stéréotype des Irlandais bagarreurs made in WWE, le bourrin sort du bois pour échanger quelques choppes. Riddle prend doucement le dessus, avant un retournement de situation sous forme de stage diving qui offre la victoire psychologique à Dain. C’était court et suffisant, avec une manière différente d’aborder une rivalité. Le coup d’éclat de l’irlandais était bienvenu, démontrant qu’il est prêt à se foutre mal pour montrer qu’il est le plus fort (et que les agents de sécurité doivent le laisser tranquille, au risque de l’accompagner dans ses petites sauteries).
Moment coucou d’Austin Theory, actuel champion de l’EVOLVE. Il a également réalisé une promo post-Takeover, si vous avez envie de le revoir. Je me mouille : ce gamin de 22 ans dispose du « it » factor. Physique, micro et capacités techniques continuellement à la hausse. L’avenir lui appartient.
C’est le match triple menace qui suivra ces interludes. Velveteen Dream est accompagné de cheerleaders de l’équipe de basket local. Face à ses strasses et paillettes sont opposés la bestialité du bruiserweight et l’invisibilité la technicité de Roderick Strong.
Le match prend un moment à démarrer. Attaque en duo, passage à deux ou trois … malgré quelques efforts dans l’attitude de Dunne, les séquences se suivent un poil trop mécaniquement. Jusqu’à un superbe Coast-to-coast elbow drop du Dream qui réveille furieusement la foule. Les adversaires passent la seconde et le match monte d’un ton. Après un enchaînement de finish, l’incarnation moderne de Prince repart avec son titre.Le destin de la ceintureest floue à ce stade. Strong pourrait poursuivre la feud en argumentant autour du triple way. Shane Thorne, qui a fait son retour en solo, semble également se positionner dans la hiérarchie du roster.
Dans l’antichambre du main-event, c’est Shayna Baszler qui apparaît à son tour pour défendre son titre de championne de NXT. Mia Yim profite d’une entrée personnalisée et se prépare à poursuivre son plan implacable qui doit l’amener à la victoire. Les acolytes Duke et Shafyr sont hors d’état de nuire et la Coréenne n’hésite pas à user de stratagèmes vicieux pour pousser la championne dans ses retranchements. Ses assauts répétés sur les épaules et bras de Baszler doivent empêcher la championne d’utiliser sa redoutable soumission. Mais c’est mal connaitre la queen of spade qui bouleverse son arsenal pour soumettre Yim sur une Leg triangle shock.
Le scénario était intéressant, car différent de ce que propose habituellement la championne. Mais les lutteuses ont rempli la case peu enviable du match « calme » précédant un main event destiné à foutre le feu à la soirée. Difficile dès lors de s’enthousiasmer davantage si l’on n’apprécie pas les séquences au sol et actions tactiques des lutteuses. Heureusement, je ne suis pas de ceux-là et j’adore observer l’évolution de Shayna Baszler depuis ses débuts. Les producteurs l’ont placé dans toutes sortes de matchs d’où elle a su dévoiler son potentiel. Elle reste la championne incontestée et incontestable en gagnant seule ce dernier combat. Sa longueur de règne approche doucement le niveau fixé par Asuka. Reste que dans ce PPV, Io Shirai version « over 9000 » a clairement marqué son territoire en direction de l’or féminin.
Fin de soirée. Adam Cole « baybay » et Johnny «papy say heel for life » Gargano ont décidé de régler définitivement leur conflit. Et quelle meilleure manière de clore une rivalité en trois temps qu’un match aux triples règles ? Si l’idée fait écho à leur match au trois tombé, il s’agit ici d’inclure des armes et autres sympathiques stipulations au fur et à mesure des réjouissances. Et d’y aller pour près de 50 minutes de castagnes. Kazuchika Okada a certainement apprécié l’effort.
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La première partie renvoie aux précédents affrontements. Pas de complexité ici, juste du catch pur. Les adversaires se connaissent bien et la partition est au niveau d’un main event. Le finish sera plus surprenant : Cole narguant Gargano sur une chaise, il finit par se la prendre droit sur la poire. Un geste calculé par Johnny Wrestling, qui peut aborder la deuxième manche avec un avantage non négligeable. Car il s’agit désormais de remporter un street fight.
Sous la pression de l’ex-champion, Cole change de tactique. Il use de fuites et prises peu orthodoxes pour reprendre un court avantage. Au terme de séquences plus violentes, c’est Johnny Gargano qui remporte la deuxième manche par soumission avec sa GargaNo Escape. Là encore, l’usage des armes sert les acteurs en présence. La rivalité bénéficie de ces moyens pour développer un climax de fin de feud. C’est en ce sens qu’une cage descend pour clore l’affrontement. Mais il ne s’agit pas d’un vulgaire steel cage match : la cage est équipée d’armes et, surtout, elle est munie de barbelés. Les lutteurs vont monter d’un niveau dans la folie, avec deux spots particulièrement violents. Une cerise sur le gâteau pour les uns ou le verre de trop pour d’autres.
Outre la stipulation imposant ce passage obligatoire, cette surenchère m’a quelque peu perdu. J’ai adoré le scénario proposé à l’issue du premier acte. Il me rappelle un Daniel Bryan furieux qui n’avait pas hésité à se faire disqualifier dans un 2/3 falls face à Sheamus. Cette stratégie lui avait permis de prendre le contrôle rapide du deuxième tombé et de se positionner face à l’irlandais qui l’avait humilié à Wrestlemania. Ici, Johnny n’est pas un heel assumé (je te le jure, papy). Pire, Cole est généralement acclamé par le public. Son aura et ses gimmicks donnent envie de le supporter malgré ses coups fourrés. Réaliser un pari pareil repose en partie sur la capacité d’une foule à suivre un affrontement et à réagir en conséquence. Le public canadien ne s’y est pas trompé, sifflant d’abord Johnny, avant de l’acclamer devant la fourberie dévoilée du sosie de Franck Dubosc. Un bon acting des lutteurs qui ont œuvré à faire chavirer les spectateurs.
Et donc, à quoi sert cette troisième partie sinon à clore l’histoire par n’importe quel moyen ? Elle se détache nettement des deux premières manches et se perd dans l’histoire racontée jusque-là. Pas que ce soit mauvais. Prise individuellement, cette troisième stipulation pouvait se suffire. Mais c’était en quelque sorte inutile d’aller aussi loin après avoir proposé les trente premières minutes. À choisir, un last man standing aurait probablement pu apporter plus de dramaturgie à l’affrontement. Notons tout de même que la WWE est resté raccord : le « bloods and guts » n’a pas eu voix, tant les barbelés et les spots n’ont pas fait craindre une blessure débile. Adam Cole remporte le combat et trône fièrement au sommet de la pyramide de la division de développement.
À la sortie, ce Takeover remplit le carnet de commandes habituellement proposé. Les combats sont solides et profitent de plusieurs mois de préparation en amont. Les combats féminins se sont révélés comme des antithèses, entre un combat explosif et un autre plus méthodique. Les champions par équipe et le Dream vont dans une direction nouvelle. Restent deux personnages qui attirent un dernier regard. Tout d’abord, Adam Cole trône désormais tout en haut de la division. Avec un Matt Riddle occupé, il faut regarder vers les autres lutteurs individuels pour deviner ses prochains opposants. À cela s’ajoutent les rumeurs persistantes d’un show de deux heures sur la fox. Outre l’ex-champion, Adam Cole est l’incontestable tête d’affiche de la division qui permettrait d’attirer un minimum d’attention. La personne qui lui fera face devrait, selon toute logique, remplir quelques critères poussant le spectateur à regarder le show jaune. A mon sens, Damian Priest, KUSHIDA , Keith Lee ou une star du roster principal non identifiée disposent de quelques semaines pour postuler au rôle de challenger. Le gagnant du tournoi « Breakout »disposera également de la possibilité de se confronter au champion. L’affrontement entre Cameron Grimes ( Trevor Lee) et Jordan Myles ( ACH) s’est déroulé cette semaine … je vous laisse découvrir qui est le gagnant.
Enfin, le deuxième larron sur lequel porte mon regard est bien Johnny « Wrestling » Gargano. De début timide en équipe et à un tournoi cruiserweight, le natif de Cleveland semble toucher du doigt la fin d’un long parcours à NXT. Difficile de savoir ce qui lui arrivera tant il combine une série de facteurs objectifs positifs et négatifs. Il avait déjà réalisé quelques apparitions dans le roster principal, sans suite après la blessure de son acolyte. Ces interventions n’avaient pas non plus été suivies de grandes acclamations. Il est dans les petits papiers d’officiels et de légendes influentes. Mais ces dernières n’ont pas de véritables voix dans les deux roster principaux Il est une incarnation de babyface, mais ne dispose pas d’un physique comparable à Roman Reigns. Bref, le Johnny devra batailler dans la jungle du roster principal pour y faire son trou. Car rien n’est acquis lorsque l’on arrive de NXT. Byebye Johnny ?