Le crépuscule des idoles (Comment philosopher avec un Sledgehammer)

On est comédien lorsque l’on a sur le reste de l’humanité un avantage : c’est de s’être rendu compte que ce qui doit produire une impression de vérité ne doit pas être vrai.

Friedrich Nietzsche, Le Crépuscule des idoles

 

C’est l’histoire d’un Wrestlemania pas comme les autres. Enfin, non c’est l’histoire d’un Wrestlemania tellement banalement comme les autres qu’il en devient singulier. C’est l’histoire de l’éternel problème du catch, qui veut qu’à force de voir passer des gens à travers des tables, le public trouve ça tellement anodin qu’il ne mesure plus réellement l’impact supposé de la situation sur ses réactions. C’est le problème de Wrestlemania, un show tellement mythifié par la WWE que tu as envie d’en voir toutes les éditions, et qu’une fois que c’est fait, le nouveau ne peut plus te surprendre.

 

 

Cinq heures, non stop, c'est pas du tout fatigaant à regarder !

 

 

Wrestlemania 33 : review

 

On est comédien lorsque l’on a sur le reste de l’humanité un avantage : c’est de s’être rendu compte que ce qui doit produire une impression de vérité ne doit pas être vrai.

Friedrich Nietzsche, Le Crépuscule des idoles

 

C’est l’histoire d’un Wrestlemania pas comme les autres. Enfin, non c’est l’histoire d’un Wrestlemania tellement banalement comme les autres qu’il en devient singulier. C’est l’histoire de l’éternel problème du catch, qui veut qu’à force de voir passer des gens à travers des tables, le public trouve ça tellement anodin qu’il ne mesure plus réellement l’impact supposé de la situation sur ses réactions. C’est le problème de Wrestlemania, un show tellement mythifié par la WWE que tu as envie d’en voir toutes les éditions, et qu’une fois que c’est fait, le nouveau ne peut plus te surprendre.

 

 

Cinq heures, non stop, c'est pas du tout fatigaant à regarder !

 

 

Wrestlemania 33 : review

 

 

Wrestlemania est donc, comme chaque année, cet espèce de show à part où le spectaculaire et l’athlètique partouzent ensemble au milieu d’un ring entouré de 75 000 personnes et où chacune des paires d’yeux contemple ça en écarquillant bien grand et en captant dans le fouillis de cinq heures une dizaine de moments forts qui s’imprimeront dans sa mémoire : des petits ralentis personnels qu’on se fait et qui passeront à la demande dans nos cerveaux de fans. Et c’est tout le boulot de la WWE de permettre ça : de proposer une sélection d’instants mémorables où chacun peut aller picorer ses favoris mais, néanmoins de tracer des grandes lignes qui font qu’on aura tous plus ou moins choisi les mêmes, ceux qui nous ont été habilement suggérés.

 

Le projet a toujours l’air intéressant mais la WWE, malgré tous ses efforts a créé un monstre. Elle doit créer pour tous, spectateurs comme catcheurs, des moments inoubliables. Et ceux-ci ne peuvent être inoubliables que s’ils ont inédits. Et Wrestlemania en est à son trente-troisième millésime. Et il n’est pas besoin d’être érudit et archiviste hypermnésique pour réaliser que la WWE ne fait plus rien de nouveau, ni de surprenant, ni d’intéressant, juste des variations sur des thèmes qu’on a déjà vus et qu’on peut revoir à volonté, en un clic, pour 9,99 sur le WWE Network.

 

Donc, dès le pré-show, tout a un air de déja-vu, comme cette André The Giant Battle Royale qui se termine avec un Mojo Rawley qui triomphe de Jinder Mahal grâce à l’intervention de Rob Gronkowski. Le coup du cameo de la célébrité dans un ring à Mania la WWE nous l’a déjà fait, pfff, je n’ose même plus compter : Mister T, Cindy Lauper, Snookie, Akebono, Mickey Rourke, Ronda Rousey. Cette fois-ci, c’était la variation sur le thème de Wrestlemania 2 où William « The Fridge » Perry participait à une Battle Royale gagnée par André. Sauf que là, André donnait son nom au match, que le footballeur était dehors et s’accrochait avec l’un des deux derniers compétiteurs, Jinder Mahal, et aidait dans la victoire Mojo Rawley.

 

 

Pour la seconde année de suite, le perdant de la Andre The Giant Memorial Battle Royale est André.

 

 

Faire du neuf avec du vieux, et compter sur la personnalité de chacun pour susciter une émotion intacte qui emporte tout son passage. Pas sûr que ça marche, Jinder Mahal, aussi sculpté soit son corps, manque d’esprit d’initiative dans le ring et de personnalité pour faire marcher le numéro. Quant à Mojo Rawley, son personnage de sportif toujours à fond pas très finaud mais plein d’enthousiasme est intéressant parce que c’est l’exact reflet de ce que ce type est dans la vie. Mais rien de tout ça ne passe au travers de l’écran pour le moment. Peut-être son Wrestlemania moment, qui fait écho à celui de l’an dernier de son tag-team-partner naturel, Zack Ryder, lui permettra de dépasser ce handicap mais ce n’est pas sur. Au moins, on ne pourra pas reprocher à la WWE de ne pas essayer.

 

Tiens, on continue à plonger dans nos mémoires pour Wrestlemania 2. Tu te souviens du main-event ? Hulk Hogan vs King Kong Buddy. Le héros immortel contre le monstre du moment. Et l’instant d’après, il devient quoi le monstre du moment ? Plus grand-chose, en fait. Son personnage s’use un peu et il se retrouve un an après à Wrestlemania 3 dans une espèce de parodie de match à six avec une floppée de midget wrestlers. Bundy, c’est l’illustration parfaite de la roue du catch qui tourne, celle qui montre qu’après avoir été tout en haut de l’affiche, il faut retomber en bas pour pouvoir peut-être remonter plus tard. Tout ça illustre bien le match suivant entre Dean Ambrose et Baron Corbin. L’an dernier au firmament : partageant le ring avec Lesnar dans une stipulation sur mesure pour l’un, invité et vainqueur surprise de la Battle Royale pour l’autre. Je ne suis pas sûr du tout que le match de cette année, un peu poussif, propre mais manquant d’imagination et d’intensité, donne envie à qui décide de faire tourner la roue dans l’autre sens de leur donner une place ailleurs dans le show que celle qui est destinée à attendre que le stade se remplisse.

 

 

– T'inquiète pas, Corbin, on peut réussir en main-event avec une calvitie et des cheveux gras.

 

 

Générique, chanson, feux d’artifices, blagues potaches du New Day en mode Cosplay de Final Fantasy et enfin les choses sérieuses commencent. AJ Styles vs Shane McMahon. Là encore rien d’inédit : la figure d’autorité à qui le pedigree – ;o) tu l’as hein, celle là ? – donne la légitimité contre le catcheur rebelle. Là encore rien de bien nouveau, un scénario vu cent fois même avec le père, le fils, le saint esprit (en tag team match contre HBK), la sœur, la mère et même le beau-fils. Shane a ceci de particulier que le rôle du gentil ne lui sied pas mal et que dans le ring, il est correct. Pas exceptionnel, hein, mais correct : des coups de poing un peu rugueux, une tendance à vouloir prendre de gros bumps de cascadeur hors du ring. Et, en face, AJ en méchant tellement doué entre les cordes que tout le monde l’adule quoiqu’il fasse. AJ, là maintenant, c’est le digne héritier de HBK, Ric Flair, Daniel Bryan, Bret Hart, William Regal et tant d’autres qui aux firmaments de leurs carrières respectives étaient capables de faire un bon match avec un manche à balai. Et Shane est loin d’être un manche à balai. Alors, on a eu un joli récital qui a plutôt délaissé les spots impressionnants hors du ring (une table d’annonceurs cassée) pour un sacré bon affrontement entre les cordes. Avec un coast to coast, un 450 splash, des jolies prises au sol qui s’enchainent avec une fluidité sans pareil, un arbitre qui est assommé sur un coup du sort d’une manière exceptionnelle. De quoi te faire te lever de ton siège, crier, frisonner, frémir de joie. Du bon catch, un bon opener, du bon boulot.

 

Et le match d’après : Owens contre Jericho. Certes, le titre US est en jeu mais, on s’en fiche au fond. Une histoire déjà vue, banale pour qui suit le catch, celle d’une équipe qui se sépare : de la Canam Connection aux Rockers en passant par tant d’autres, on a déjà vu ça 100 fois. Même le rapport mentor / protégé qui fait que l’expérience de Jericho était complémentaire du talent d’Owens ressemble à s’y méprendre au rapport qui a uni un temps (et sans grand résultat) Ric Flair à Carlito. Mais là, tout fonctionne. Dans le ring, chacun a poursuivi sa carrière, avec une bonne dose de succès bien heel, à base de coups tordus et autres disqualification, des ceintures à la clé de tout ça. Et au micro, le duo de comédie était absolument hilarant : tout était la caricature de ce qui fait un bon duo de comédie : une complémentarité physique à la Laurel et Hardy, un running gag idiot « The List », des catchphrases ridicules « Stupid Idiot ». Un truc hilarant tellement les deux arrivaient à faire sonner faux des trucs qui, joués avec la bonne harmonie, auraient peut-être pu sonner juste. Un match pour de vrai, donc, pour résoudre la fin tragique d’une storyline caricaturale. Un match risqué, donc, car lui doit résonner dans le coeur des spectateurs au premier degré, alors qu’ils ont vu tout le reste de l’histoire avec les yeux du second degré.

 

 

Cette fois-là, pour faire rire son meilleur ami, Kevin s'était déguisé en petit vieux.

 

 

Autant dire que pour faire tenir le match debout, il ne va pas falloir que des mouvements impressionnants et de l’engagement physique. Non, il est nécessaire d’ajouter une touche de génie. Et celle-ci est juste livrée sur un plateau dans ce qui restera pour moi le Wrestlemania Moment de cette édition : Chris Jericho qui réalise le tombé et Owens qui le brise en plaçant un unique doigt sur les cordes. Dans le documentaire de Nigel McGuinness sur sa retraite, Austin Aries disait que tout l’art du catcheur était de susciter le maximum de réaction du public en faisant le minimum possible. D’un seul mouvement de l’index, Kevin Owens a obtenu une des plus grosses réactions du stade d’Orlando. Autant que l’extravagance d’une Wrestlemania Entrance bien réussie avec force pyrotechnie, images sur grand écran et autres artifices, autant que la conclusion bien amenée d’une storyline bien écrite, autant qu’une galipette dangereuse en haut d’une échelle, autant qu’une table des commentateurs brisée en deux sous le poids d’un corps qui se propulse au travers d’elle. Autant qu’un bon match, ce que cet Owens/Jericho était pourtant au demeurant.

 

On passera vite fait sur la défense du titre féminin de RAW dans un Fatal Fourway Elimination Match : rien de bien spécial et rien de nouveau toujours. Les trois compétitrices les plus frêles qui oublient leurs différents pour terrasser celle qui les surclasse physiquement (via une triple powerbomb). Puis le retour imposé au status-quo avec la heel sournoise qui réaffirme son rôle en exposant le turnbuckle. Elle triomphe avec malice de son ancienne ennemie mais ne peut échapper à la vaillance de l’actuelle championne qui la termine d’une descente du coude. Inutile de reprocher à l’ensemble son efficacité, la formule est tellement éprouvée qu’elle marche à tous les coups. Nul besoin de faire du neuf quand le vieux fonctionne si bien. Chacune a eu son petit moment de gloire : Sasha le panache d’une entrée stylée, Nia une jolie domination au début, Charlotte un magnifique spot vers l’extérieur du ring et Bayley le moment final. On pourra par contre s’interroger sur le triomphe de Bayley qui, il y a un an, était réclamée à corps et à cris par le public et se retrouve un an plus tard, championne anonyme, sans même un big moment à Mania, sans rien à conquérir, juste un titre à défendre. Si la ceinture lui avait été donnée seulement ce soir, elle aurait pu être une star de la soirée, mais, bon ce n’était clairement pas dans les plans de la fédération.

 

 

– Un autre plan pour la soirée, tu dis ? Bon Dieu, mais qu'est -ce que ça pourrait bien être ?

 

 

Le match de l’échelle pour le titre par équipe était lui aussi une sorte de piège. Difficile quand on est face à cette stipulation de ne pas penser aux trois équipes qui ont, à elles seules, inventé et tué le genre. Edge & Christian, les Dudley Boys et les Hardy Boys ont en quelques matchs seulement fait le tour de la stipulation, offrant tout ce qu’il était possible de faire et même un peu plus sans doute, compte-tenu du danger à long terme du spectacle qu’ils ont offert. Les trois équipes engagées ont énormément d t alent, avec chacune un style et une identité propre mais même avec les meilleures intentions du monde, elles chausseront forcément des bottes trop grandes pour elle. D’ailleurs, inutile de se mentir, le retour surprise et triomphal des frères Hardy était clairement pensé pour gonfler artificiellement la stipulation avec de la nostalgie et mieux faire oublier cet inatteignable héritage.

 

Le match en lui-même a fait du mieux qu’il a pu, plutôt réussi, offrant à chacun de quoi briller, sans jamais surexposer les uns ou les autres. Sa conclusion, plus que prévisible, couronne les frères Hardy et intrigue moins pour la dynamique de la division tag-team de RAW que pour la place que la WWE va donner aux deux créateurs de l’oeuvre catchesque la plus baroque et la plus réussie de ces dernières années dans ses programmes. Si la WWE n’exploite pas l’aspect créatif et déjanté de Matt Hardy, ce sera un constat d’échec gigantesque pour elle, qui reconnaîtra implicitement qu’elle ne peut pas faire mieux que ces concurrents qui ont permis à la Broken Trilogy de voir le jour et ce sera surtout un énorme sentiment de gâchis pour les fans. En attendant, ne boudons pas notre plaisir et savourons ce deuxième énorme Wrestlemania moment qui, avec le doigt de Kevin Owens, enflamma le stade et marquera les mémoires.

 

 

– T'as vu le retour des Hardys, Kane ? Ils sont super populaires. On devrait faire un comeback des Brothers of Destruction, t'en penses quoi ?

– Oh, tu sais, je suis trop vieux pour ces conneries, ce sera sans moi …

 

 

Vient ensuite, un match particulièrement singulier, que j’ai toujours, je l’avoue, du mal à saisir : John Cena & Nikki Bella contre le Miz & Maryse. La storyline, à mi-chemin, entre les aventures de télé-réalité de Total Diva, Total Bella et Smackdown, est assez bien vue : un couple heel, heureux qui se moque des déboires sentimentaux des babyfaces, dont le couple est quelque peu plombé par la psychorigidité robotique et sentimentale du Champ qui crève littéralement l’écran lors de ces émissions. Entendons-nous bien, hein, elle est pas spécialement destinée aux fans hardcore de catch, même pas du tout, mais très bien vue : elle touche juste et est hilarante pour qui suit les produits dérivés « Real TV » de la WWE.

 

On retiendra peu de choses du match, hormis la performance de Cena, totalement à contre-emploi en face en peril de sa tag-team, comme pour introniser Ricky Morton au Hall Of Fame mieux que Jim Cornette deux jours plus tôt. On pourra plus s’attarder sur la conclusion en forme de demande en mariage. La tentative même de susciter des émotions de ce type chez le spectateur de catch est rarissime et même si le public n’y était pas totalement réceptif, malgré l’hostilité qu’il avait envers Cena auparavant, il s’est plutôt comporté positivement, comme s’il sentait qu’il assistait à quelque chose de spécial et d’inédit qu’il n’avait jamais vraiment vu auparavant.

 

Parce que c’est inutile de se voiler la face, le Wrestlemania Moment de John Cena à Orlando est fascinant parce qu’inédit. De par son palmarès et sa stature dans la fédération, le Champ aurait pu prétendre à d’autres choses qu’un match de milieu de carte. Là, on cause d’un type qui a un palmarès aussi garni que Ric Flair et qui se retrouve à seller les claques d’une diva sortie de sa retraite (Maryse) avec autant d’intensité qu’il y a deux mois le finisher d’AJ Styles. On a dit beaucoup de choses sur Cena au moment où il était omniprésent sur la carte mais il n’empêche que ce match lui donne une autre dimension. Ce type, au mieux de sa forme, a réalisé un match de midcard pour l’un de ses derniers Wrestlemania (parce qu’inutile de se voiler la face, on a tous réalisés que, dans quelques années, il sera à Hollywood). Son talent et ses projets sont singuliers mais l’acte est fort : dans un business où l’orgueil est roi, très peu de catcheurs auraient été à l’aise avec le rôle qu’a eu Cena ce soir.

 

 

– Moi en tag-team avec Michelle McCool, jamais.

 

 

La suite de la carte s’enchaine et il est difficile de ne pas parler de banalité pour causer de Triple H contre Seth Rollins. Le script de leur rivalité s’écrit tout seul en mélangeant les histoires déjà racontées plus haut entre la figure d’autorité et le rebelle (Styles vs Shane) et entre le mentor et le protégé (Owens vs Jericho), l’angle scénaristique du match (le genou de Rollins) est largement mis en avant dès les vidéos promos. Autant dire qu’on a affaire à un match dont on connaît tous les ressorts avant que la cloche retentisse. Avec un tel casting, et Stéphanie en bord de ring, on sait que ce sera du solide. Et ça l’est : le storytelling est nickel, l’éxécution excellente.

 

Mais c’est tout. Quand ce match sera terminé et qu’on en aura vu une dizaine d’autres, on ne souviendra de rien d’autre que du fait que c’était un bon match et du corps de Stéphanie qui traverse une table, ce qui est dommage puisque cela ne sert aucun des catcheurs du roster. C’est évidemment dommage, parce que cette impression n’est finalement due qu’à une chose : le format même de Mania. Le même match sur une carte bien plus courte de deux ou trois heures aurait été incontestablement un match of the night contender. Là, il se heurte déjà à la lassitude d’un public qui commence doucement à avoir sa propre attention usée par un show qui se veut le plus grand de tous mais qui est peut-être simplement trop long.

 

Ce n’est d’ailleurs pas le Orton vs Wyatt qui va réussir à sauver cette impression. La confrontation du rasta du bayou contre la vipère souffre du même genre de défaut. Bien construite, impeccablement éxécutée, elle dispose de l’avantage d’avoir un temps fort à l’honneur d’un participant impliqué directement dans la lutte pour le titre. Et oui, écrivons-le : le RKO final et fulgurant est juste magnifique. Mais, bon, elle utilise aussi un artifice qui me laisse personnellement perplexe, à savoir, l’incrustation d’un effet vidéo dans le ring. Autant pour une utilisation exceptionnelle, comme ici, à Mania, l’effet peut être sympathique, s’il est bien utilisé. Autant s’il est trop utilisé (et déjà à mon sens trois fois dans le même match, c’était limite), voire même utilisé comme élément narratif (pour faire un finish litigieux ou autre chose du même tonneau), ça risque vite de devenir ridicule. C’est donc un artifice à utiliser avec parcimonie pour éviter que Bray Watt ne devienne un personnage trop cartoonesque, car ceux ont une courte durée de vie et finissent en opener contre Baron Corbin.

 

 

Dommage, j'avais une urne à rayon laser à refourguer.

 

 

En revanche et même si côté nouveauté, c’est totalement raté puisqu’on a affaire un rematch d’un Wrestlemania d’il y a 13 ans, le match Lesnar/Goldberg était une petite merveille, tirant exactement profit de la storyline établie entre les deux compétiteurs et de leurs capacités physiques. Rapide, avec beaucoup d’impact et une débauche de puissance, c’était le match à faire avec ces deux-là. Evidemment avec n’importe qui d’autre au casting ou un build-up différent, l’affrontement aurait été ridicule car bien trop bourrin, mais là ça passait.

 

On pourra trouver au match féminin à 6 pour le titre de Smackdown pas mal de défauts mais concentrons nous plutôt sur le positif : Mickie James, de nouveau dans un ring à Mania, onze ans après ses débuts , Natalia et Becky, toujours impeccables, Carmella et Alexa, encore formation, placées ici à bonne école. Et Naomi, régionale de l’étape, en clubbeuse dans une ville dont la vie nocturne fut décimée, termine en levant le titre. Pour moi, c’est un Wrestlemania Moment car rares sont les moments où la WWE donne la ceinture à un performer afro-américain et moins encore quand il ou elle n’hésite pas à s’afficher LGBT friendly.

 

Puis vint le moment ultime, celui du Main-Event, dont on signale, dès le début, avec le retour de Jim Ross au commentaire qu’il sera spécial. Et il le fut, pas nécessairement hélas, pour les bonnes raisons. Roman Reigns, malgré des heures passées dans le ring avec les meilleurs, manque toujours de cette spontanéité et de cette faculté d’improvisation propres aux grands catcheurs. Certes, il est capable de délivrer de bons matchs dans le ring, mais pas capables de sortir des rails préparés du script du match pour rendre celui-ci plus grand en fonction des réactions du public. Et l’opposition qui lui est proposée ne va pas l’aider ce soir.

 

 

– Quel connard ce Vince, j'ai aidé à construire la carrière de dizaines de types, lui ai fait gagné des millions et même pas foutu de me trouver un dernier adversaire qui assure …

 

 

L’Undertaker n’est plus, depuis de trop nombreuses années, que l’ombre de lui-même et tous les artifices et excuses pour cacher ses faiblesses ont été utilisés : dans une cage avec HHH et HBK comme arbitre pour cacher un physique défaillant ; contre CM Punk qui lui vole un mouvement le Old School qu’il ne peut plus physiquement réaliser ; contre Lesnar et Wyatt, où seules les excuses de blessures (commotion du Taker et cheville de Bray) ont garanti l’indulgence. Et je ne parlerais de Shane Mc Mahon rééditant le plus gros bump de l’histoire pour qu’en guise de conclusion, on ne retienne pas d’un cinquième match très limité que le deadman n’est plus au niveau. Malheureusement, cette année le seul artifice possible est la faculté de Roman de terminer définitivement son heel turn dans le ring, cette possibilité inédite qu’il avait d’enfin mettre en concordance son travail dans le ring et les réactions du public.

 

Le résultat fut très moyen : Roman n’a pas su jouer le méchant dans la gestuelle, en tout cas pas assez pour sauver le match, exposant même par deux fois la faiblesse physique de son adversaire. Le tombé eut lieu, la cloche sonna et ce fut fini. Le vainqueur s’éclipse, laissant alors le spectacle de la légende mort vivante seule dans le ring, pliant son costume de scène au milieu de celui-ci, aux yeux de tous pour signifier à chacun qu’il raccrochait les bottes. Et le malaise est total. Parce qu’on a tous rêvé pour l’Undertaker d’une autre fin que celle-là, d’un autre dernier tour de piste qu’une deuxième défaite à Wrestlemania face à un adversaire qui n’a pas su le mettre assez en valeur.

 

 

Rest In Peace

 

 

Et le pire, c’est qu’on ne sait même à qui en vouloir. Roman n’y peut pas grand-chose, rééditer l’exploit de Shawn Michaels et envoyer un vétéran limité à la retraite dans un match d’anthologie, ce n’est pas à la portée de n’importe qui. On pourrait blamer le deadman lui-même qui n’a pas eu la lucidité de s’arrêter plus tôt. On en veut à Vince qui n’a pas eu le courage de l’y inciter, on s’en veut aussi à soi-même d’avoir continué trop longtemps à croire que le gimmick étéait bon malgré l’age avancé de celui qui l’interprétait. On en veut au public qui dès qu’il voit un catcheur qui a arrêté ne peut jamais s’empêcher de hurler « One More Match » sans voir ni comprendre que ce sera forcément le match de trop.

 

Alors comme on ne sait plus trop quoi penser, de cette fin surréaliste, surexposée sous les lumières noires, d’un type qu’on a adulé mais qu’on ne peut vraiment aimer. Et même si on continue à le respecter pour les frayeurs qu’il nous a données enfants, les joies qu’il nous a données adultes, on n’a pas enfin lors de ces moments-là de ressentir pour lui du chagrin ou de la pitié. On a envie de joie mais on ne peut ressentir ça, surtout pas avec une fin comme ça à un Wrestlemania qui avait si bien commencé. C’est le plus étarnge Wrestlemania Moment qu’on ait vécu et l’émotion qu’il suscite en nous, on aurait préféré l’éviter Le show se termine par un plan sur un catcheur, trop vieux, trop fatigué par un match trop court. L’homme embrasse sa femme et sa fille, on le sent soulagé d’un poids immense sur ses épaules.

 

En arrière-plan, la Spanish Announce Table est en miettes. Plus que jamais c’est l’endroit où sont nées les légendes et où les carrières ont été brisées.


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