Les Divas : Un cas désespéré ?

Tirons notre courage de notre désespoir même.

Sénèque

 

Les Survivor Series, qui se déroulaient la nuit dernière, ont été l'écrin de plusieurs matchs de grande qualité, à commencer par le Main Event. Mais on y a également vu deux matchs féminins qui ont, à des degrés divers, fait ressortir les lacunes actuelles de la division du beau sexe à la WWE. Doit-on dès lors considérer les Divas comme un cas désespéré ?

 

 

Quand on sait que cette demoiselle a eu du temps d'antenne ce dimanche, on est tenté de répondre oui…

 

 

Survivor Series 2014 – Pour aller plus loin (1)

 

Tirons notre courage de notre désespoir même.

Sénèque

 

Les Survivor Series, qui se déroulaient la nuit dernière, ont été l'écrin de plusieurs matchs de grande qualité, à commencer par le Main Event. Mais on y a également vu deux matchs féminins qui ont, à des degrés divers, fait ressortir les lacunes actuelles de la division du beau sexe à la WWE. Doit-on dès lors considérer les Divas comme un cas désespéré ?

 

 

Quand on sait que cette demoiselle a eu du temps d'antenne ce dimanche, on est tenté de répondre oui…

 

 

Survivor Series 2014 – Pour aller plus loin (1)

 

 

Deux matchs féminins aux Survivor Series : du jamais vu en quinze ans, plus grand temps de catch cumulé sur la période, voilà qui avait quelque chose de prometteur, tout en tordant allègrement le cou à l'idée reçue qu'avant, les filles avaient bien plus de place. Pourtant, chacun de ces deux matchs présentait ses propres défauts, certains pouvant faire sourire, d'autres incitant à se taper la tête contre les murs en hurlant.

 

 

(cliquez sur l'image pour agrandir)

 

 

 

Le PG m'a tuer

 

Commençons par un propos liminaire simple : la comparaison des Survivor Series sur quinze ans éclaire d'un jour cruel les dommages collatéraux du classement PG de la WWE depuis la fin de l'Attitude Era et l'avènement de la Kidz Era. En effet, l'édition 1999 est celle du fameux titre intercontinental de Chyna, acquis d'un coup de pied dans les parties génitales de Chris Jericho par la combattante alors bien éloignée de l'univers du porno. Rebelote en 2005, année où si le match fut entièrement féminin, la feud qui le concernait impliquait des catcheurs masculins (JoMo et Joey Mercury).

 

Depuis, il est interdit de montrer à l'écran de la violence d'un homme envers une femme, fût-elle scriptée : conséquence directe, les histoires des femmes et des hommes se séparent complètement ou presque, puisque les seules interactions restantes tournent autour de triangle amoureux édulcorés, les live sex celebrations n'ayant plus la côte non plus pour des raisons similaires.

 

 

Le machisme ordinaire des bookers

 

Puisqu'il faut désormais séparer le continuum narratif suivant le sexe du combattant, une ségrégation naturelle s'est faite dans l'esprit des bookers, pour qui Divas rime avec lowcard, avec tous les corollaires d'un tel traitement. En effet, l'importance et le temps d'antenne accordés à la narration d'une histoire ou d'une feud étant proportionels à sa place dans la carte, l'espace laissé pour développer les rebondissements de la division féminine s'est peu à peu réduit à la portion congrue. Il est loin le temps des Survivor Series 2001 où les filles faisaient l'affiche !

 

Ainsi, si l'on examine le contenu de l'édition 2014 au regard de ces deux premiers points, on constate que le match en format Survivor Series ne présentait absolument aucun enjeu, et ne fut à aucun moment évoqué de près ou de loin dans le cadre de l'affrontement global qui avait les honneurs du Main Event. Dans le même temps, le titre féminin n'est jamais que… le titre féminin et n'a de loin pas l'éclat de son lointain cousin masculin, ou même de ses homologues américains et intercontinentaux. Or, sans enjeu, l'attrait est moindre non ?

 

 

L'affiche principale des Survivor Series 2001

 

 

La continuité aléatoire du récit

 

Découlant naturellement du point précédent, on aborde ici un écueil majeur pour l'intérêt du spectateur faisant un peu plus fonctionner son cerveau que son membre érectile : il est difficile de trouver une quelconque continuité ou une cohérence dans le récit des tribulations des Divas.

 

Prenons la feud opposant les Bellas. Celle-ci semble tout droit prendre le même chemin que la précédente datant de 2009 : crêpage de chignon, combats entre ennemies viscérales, un papillon passe et les revoilà complices comme larrons en foire. Certes, dimanche, l'intervention de Brie offrant le titre à Nikki peut s'expliquer par son asservissement temporaire, mais son sourire devant la situation ne laisse que peu d'équivoque sur les intentions des bookers.

 

Autre exemple : Alicia Fox avait été construite, sortant un peu de nulle part, comme une sorte de folle prête à exploser à n'importe quel moment. Quelques mois plus tard, que reste-t'il de ce personnage, fort prometteur par ailleurs ? Une gentille catcheuse bien copine avec ses camarades. Lisse. Triste.

 

 

Et si une personnalité sort du lot, on en crée des clones.

 

 

Un alignement à l'avenant

 

Si l'on peut railler la versatilité du Big Show ou de Mark Henry, ceux-ci donnent au moins un clair signal qu'ils changent de bord, lorsque cela arrive (en moyenne trois fois par an). Pour les demoiselles, on ne se donne pas tant de peine : ai-je raté quelque chose, ou la dernière fois que Layla et Summer Rae ont réellement été alignées en match, elles s'étaient liguées contre Fandango pour devenir gentilles ? Dimanche, elles étaient méchantes et fières de l'être. Une explication ? Pourquoi s'en embarrasser ?

 

En fait, l'absence de turn marqué, ou le renversement fréquent de ces turns, donne l'impression désagréable que l'alignement des divas se fait en fonction des disponibilités du moment, et du court-terme permanent. Il est dès lors difficile au public de s'attacher à l'une de ces demoiselles.

 

 

– Je sais plus, vous êtes gentilles ou méchantes vous déjà ?

– Nous ? Vince dit qu'on est bonnes et que c'est tout ce qui compte.

 

 

Un public déserteur

 

Et c'est là justement le principal dégât occasionné par cette profonde faille de booking et de management : le public a clairement intégré, que ce soit dans les salles ou à la maison, que les matchs féminins étaient des espaces de détente que l'on pouvait mettre à profit pour aller soulager sa vessie, commander un burrito ou une nouvelle casquette John Cena.

 

Pire, la tendance s'accentue depuis quelques mois avec un vol complet du show par le public, s'amusant à chanter n'importe quoi dans une ambiance assez critiquable, et ce particulièrement pendant le match des divas. Aussi professionnelles qu'elles soient, se concentrer et rester dans sa bulle quand le public cherche à vérifier si c'est à babord ou à tribord qu'on gueule le plus fort, ça tient de la mission impossible.

 

 

– Booooooooooooooh !!!

– T'es con, c'est une gentille maintenant !

– Euh… Ouaiiiiiiiiiiiiis !!!

– T'es con, c'est toujours une meuf.

– Euh… On va bouffer des tacos ?

 

 

Une crise de confiance ?

 

Bilan des courses, des divas que l'on disait solides dans un passé récent, à NXT notamment, semblent totalement perdues dans ce milieu beaucoup plus hostile. Ainsi, une Emma, dont les suiveurs du show de développement chantaient les louanges à la lueur de bons matchs tenus dans l'antichambre jaune, s'est retrouvée à catcher complètement à contretemps ce dimanche, semblant enchaîner machinalement des moves dont elle a raté plus de la moitié, pour un résultat assez calamiteux. Il est loin le temps de l'Emma Dance qui soulevait la foule.

 

Un problème de casting

 

Emma justement, est le symbole flagrant d'une étrange manie de caster les catcheuses à l'envers. Elle cartonne à NXT avec une personnalité forte et du temps de ring ? On la fait monter à Raw pour servir de valet à Santino. Naomi est une catcheuse de premier choix ? Faisons la danser et ne rien faire d'autre pendant 18 mois. Paige montre tous les signes faisant d'elle une héritière naturelle au trône ? Faisons la débuter directement par une prise de titre sans aucun build, avant de détricoter le tout une fois AJ revenue. Un poulet sans tête ne ferait pas pire. Ne parlons pas d'Alicia Fox ou de Natalya, restées des mois au placard alors qu'elles semblent être des piliers sur lesquels reconstruire l'édifice de la division.

 

 

Oh mon Dieu, je vais devoir me battre contre Natalya, une ancienne n°4 au PWI 500, je suis foutue !

 

 

Non je déconne, je suis pas sensible aux flatulences.

 

 

Un problème de niveau

 

C'est finalement le grief qui ressort le plus souvent, même si à mon sens il n'est que la conséquence de l'avalanche de reproches précédents dont la responsabilité incombe à toute la chaîne hiérarchique avant les catcheuses elles-mêmes.

 

Mais franchement, voir des Eva Marie ou des Cameron dans un ring, c'est au delà du ridicule. Donner du temps d'antenne en PPV au micro à quelqu'un d'aussi peu formé qu'Eden, ça ne fait que renforcer l'idée d'une sous-séquence poubelle. De manière générale, le roster féminin manque d'expérience et ça se voit. Les départs d'Eve Torres, de Vickie Guerrero ou de Beth Phoenix dans un passé récent n'ont été que partiellement compensés par l'avènement d'AJ Lee, et les filles intermédiaires comme Kaitlyn voire Shaul Guerrero ont quitté le navire avant d'avoir pu avoir un impact respectivement conséquent ou quelconque.

 

 

Pendant ce temps, d'autres talents étaient merveilleusement employés pour accompagner des Main Eventers

 

 

Clairement, la WWE est aujourd'hui devant un trou générationnel dans sa division féminine, entre des anciennes qui ont un peu trop séjourné au placard pour pouvoir être vraiment re-crédibilisées (Alicia Fox, Natalya), des pilliers dont le point fort n'est pas le catch (les Bellas, dans une bien moindre mesure Rosa Mendes) et une énigme à l'implication en berne (AJ Lee). Ajoutez à cela une série noire dans les affaires extra-sportives (Rosa Mendes, Emma, Cameron…) et le tableau est complet.

 

La fédération de Stamford semble avoir tourné la page des mannequines — sans sous-entendre par là qu'ils embauchent des moches — pour se retourner en direction des catcheuses. Mais ce virage est peut-être trop tardif pour sauver une situation compromise.

 

 

Désormais, ils ne se préoccupent que du talent in-ring et au micro, aucun athlète ne serait pushé sur la seule foi de son physique !

 

 

Des raisons d'y croire

 

Hier soir, sur l'ensemble des deux matchs, il y avait trois filles à sauver, Naomi et Alicia Fox pour la justesse de leur catch, Paige pour son sens du public. Alors que celui-ci prenait fait et cause pour elle, seule contre quatre, elle a su rester dans son rôle de méchante de l'histoire pour ralentir l'action et retourner le début de soutien de la salle. Clairement, elle représente l'avenir de la division, tant le catch semble couler dans ses veines. Je ne suis pas de ceux qui s'extasient devant la qualité de sa technique, étant peu sensible à cet aspect – permettez-moi de vous conseiller la lecture de ces quelques posts par des gens bien plus compétents que votre humble serviteur — mais sa connexion avec le public pourrait bien être la clé vers un regain d'intérêt des salles pour les demoiselles court-vêtues.

 

La seconde grande source d'espoir se trouve dans le réservoir de NXT, apparemment fort bien coaché par Sara del Rey, qui inculque à ses disciples son art de faire des merveilles dans un ring. Mais cette relève aura besoin du meilleur de la génération en place pour ramener le public vers les matches féminins, sans quoi le spectacle proposé ne sera jamais autre chose que de la confiture aux cochons.

 

 

Bon, ça fait déjà deux minutes et trois prises, quand est-ce qu'on aura droit à quelque chose de correct, comme une battle de nains ?

 

 

Enfin, au risque de faire hurler les puristes, Total Divas est une grande chance pour la division. Etant acté que les aventures des filles ont une écriture différente de celles des catcheurs masculins, ce show de télé-réalité assumée offre à la fois une différenciation et une meilleure connaissance de leurs tribulations, tout en amenant vers la WWE des spectateurs nouveaux, même minoritaires, pour suivre dans le cadre traditionnel les personnalités auxquelles ils se seront attachés hors cadre.

 

En réponse à ma question introductive, au moment de conclure je tendrai à ne pas considérer l'état de la division féminine comme désespéré. Néanmoins, si la situation est à la fois préoccupante et désespérante, le blame en revient essentiellement à la WWE. Si la fédération de Stamford fonde ne serait-ce qu'un espoir minime dans le catch féminin, il est grand temps de travailler à son renouveau, à commencer par son écriture et son traitement. Au boulot !

 

 

Idée n°1 : enregistrer tous les matchs féminins en Angleterre.


Publié

dans