Cogito ergo boum

Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre que n'en rêve votre philosophie.

William Shakespeare, Hamlet

 

Peut-être y a-t-il parmi nos lecteurs de valeureux bacheliers en devenir qui, après s’être esquinté le cerveau lors des épreuves de cette année, attendent aujourd’hui fiévreusement les résultats. Ces corrigés sont là pour leur indiquer ce qu’ils auraient dû écrire pour cartonner à coup sûr. Les autres, ceux qui ont déjà le bac, ceux qui ne l’ont pas encore, ceux qui ne l’auront jamais, peuvent eux aussi vérifier leurs capacités cognitives au vu de ces quelques raisonnements marqués par une logique implacable que n’auraient pas reniée les grands philosophes Emmanuel Kane, Martin Heidenreich et Vince Rousseau.

 

 

Inutile de nous remercier.

 

 

Les corrigés du bac de philosophie 2014

 

Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre que n'en rêve votre philosophie.

William Shakespeare, Hamlet

 

Peut-être y a-t-il parmi nos lecteurs de valeureux bacheliers en devenir qui, après s’être esquinté le cerveau lors des épreuves de cette année, attendent aujourd’hui fiévreusement les résultats. Ces corrigés sont là pour leur indiquer ce qu’ils auraient dû écrire pour cartonner à coup sûr. Les autres, ceux qui ont déjà le bac, ceux qui ne l’ont pas encore, ceux qui ne l’auront jamais, peuvent eux aussi vérifier leurs capacités cognitives au vu de ces quelques raisonnements marqués par une logique implacable que n’auraient pas reniée les grands philosophes Emmanuel Kane, Martin Heidenreich et Vince Rousseau.

 

 

Inutile de nous remercier.

 

 

Les corrigés du bac de philosophie 2014

 

 

Voici donc cinq des six thèmes sur lesquels étaient invités à plancher, selon les rosters (L, S, ES, STMG), nos chères petites têtes multicolores la semaine dernière. Chacun sera naturellement traité de manière sommaire, de sorte de ne pas vous endormir aussi sûrement que vous roupilliez près du radiateur pendant vos cours de philo, quand vous n’étiez pas occupés à dessiner l’Undertaker en marge de votre feuille à carreaux, chenapans!

 

 

Que veux-tu que je t’écrive, petite?

Une réponse à la question « N’y a-t-il plus de morale depuis la découverte de l’inconscient? », en six pages. Vous avez quatre heures, monsieur.

Depuis le temps que je rêvais qu’un fan me demande ça!

 

 

 

– « L'artiste est-il maître de son œuvre ? »

 

La création artistique constitue, selon Natalya, auteur d’un tableau représentant Daniel Bryan et Brie Bella (Total Divas, saison 2, ép. 7), une « façon de faire plaisir aux personnes représentées ». R-Truth, créateur de « What’s up » y voit pour sa part une « invitation à partager son énergie lancée aux spectateurs » (interview à Josh Mathews, Wrestlemania Axxess, Wrestlemania XXVII). Fandango et Brodus Clay, tous deux à l’origine de danses savantes, se félicitent de voir le public reprendre à son compte les mouvements qu’ils ont élaborés — il est cependant à noter que le premier nommé regrette l’exécution malhabile de son numéro par un certain nombre d’individus qu’il juge « physiquement et moralement inappropriés à la pratique du Fandangoing » (WWE.com, « Brodus Clay and Fandango on music and dancing », 12 février 2013). On le voit à l’aune de ces exemples : l’œuvre artistique, toujours, suppose non seulement un créateur mais aussi un (ou plusieurs) spectateurs qui en sont les destinataires et chez lesquels le créateur espère provoquer une réaction.

 

Dès lors, l’œuvre peut être perçue non plus comme une création unique mais comme une création double : elle ne prend sa pleine signification qu’à l’instant où elle est, pour ainsi dire, « consommée » par le spectateur. Ce qui implique que le créateur originel ne saurait se targuer d’en être l’unique possesseur : la danse de Fandango exécutée en solitaire, le tableau de Natalya jamais accroché, le chant de R-Truth réservé à l’intimité de ce dernier, ne sont pas des œuvres complètes, car y manque cet élément essentiel qu’est la réaction — quelle qu’elle soit, d’ailleurs — d’un public. On peut en conclure que, de la même façon que les œuvres sus-citées ne peuvent être considérées comme des créations appartenant exclusivement au public, il serait erroné de juger que leur créateur est leur seul maître.

 

Cette dernière opinion, qui repose sur une définition exclusive de l’œuvre, a pourtant elle aussi cours. C’est ainsi que Seth Rollins (Raw, 9 juin 2014) a récemment pu expliquer qu’en tant qu’« architecte » du Shield (œuvre éminemment artistique de par son unité graphique et sa constante recherche esthétique), il se sentait pleinement autorisé à détruire ce qu’il avait lui-même conçu. On retrouve pareille vision chez les auteurs classiques comme Chris Jericho : lui qui a créé de toutes pièces un personnage théâtral unique s’est élevé à maintes reprises contre tous ceux, nombreux, qu’il accusait de « dérober » des aspects de son gimmick, qualifiant de « wannabees » des artistes aussi variés que CM Punk, Edge ou Dolph Ziggler. Une telle perception exclusive de l’œuvre — j’ai créé cela, c’est à moi, j’en fais ce que je désire et nul n’est autorisé à le reprendre à son compte — suscite naturellement des contentieux entre ceux qui en sont les porteurs et d’autres artistes qui soit ingénument (ainsi de John Cena, accusé par The Rock de voler son rôle de « champion du peuple »), soit à des fins volontairement provocatrices (Kurt Angle parodiant « Sexy Boy », la musique d’entrée de Shawn Michaels), endossent tout ou partie d’une œuvre pré-existante… créant ainsi une œuvre nouvelle, qu’ils auront le loisir de défendre contre tout individu tenté de s’en inspirer.

 

Ces deux définitions — l’œuvre en tant que création duale réunissant le créateur et le spectateur, ou l’œuvre en tant que propriété exclusive du premier — offrent les deux réponses possibles à l’interrogation posée. La première vision écarte la réponse positive qu’appelle la seconde. Cette seconde vision est cependant philosophiquement plus limitée. En effet, en acceptant le principe du partage de la parenté de l’œuvre avec le spectateur, le tenant de la première vision rend possible le prolongement de l’existence de son œuvre au-delà de sa propre existence. Car le public, en tant que réceptacle et réverbérateur, est alors capable de faire renaître ladite œuvre dans des circonstances inattendues (cf. le Fandagoing initié par le public de Raw du 10 avril 2013 lors d’un spectacle proposé par Randy Orton et Sheamus); en revanche, en protégeant jalousement « sa » création, en l’enfermant en quelque sorte sous le sceau du copyright, l’adepte de la seconde vision condamne — dès lors que cette lutte est couronnée de succès — sa création à disparaître avec lui. Or l’objectif profond de toute œuvre artistique n’est-il pas de défier le temps et de devenir pérenne, voire éternelle? Pour apaiser leur ego, les tenants de la perception exclusive feraient bien de méditer ce précepte de Charlie Haas : « La copie est un hommage que la médiocrité rend au talent. »

 

 

– Matt, j’ai créé cette œuvre, mais en suis-je l’unique possesseur?

– Me trouvant dans l’incapacité de répondre à cette question, je te propose de passer un bon coup de Karcher sur cette daube histoire qu’on n’en parle plus.

 

 

 

– « Vivons-nous pour être heureux ? »

 

Les principes régissant toute existence sont de divers ordres, souvent contradictoires : conformité avec un ensemble de normes sociales, satisfaction des désirs individuels, sacrifice de ses propres intérêts au nom de ceux de nos proches ou d’un ensemble plus vaste (armée, peuple, collectif politique, stable) auquel nous estimons appartenir… Il est fréquent qu’un individu, conscient que ses actes le rendent malheureux ou du moins ne contribuent pas à son bonheur, persiste pourtant dans une telle forme de conduite. Les raisons peuvent en être bassement contractuelles (John Cena forcé de se soumettre aux desiderata du Nexus, Raw, été 2010), amoureuses (Maria aidant Dolph Ziggler à remporter ses matchs de façon illicite en dépit des tourments causés à sa conscience, Smackdown, automne 2009) ou familiales (Cody Rhodes faisant équipe avec Goldust par pure pitié, Raw, été 2014, à venir). Quels que soient les soubassements de ces comportements, leurs auteurs trouvent leur réconfort dans le gain matériel (Virgil acceptant sans broncher les humiliations de Ted DiBiase Sr, Superstars 1988-1990) ou moral (John Cena abandonnant un Title Shot pour secourir Zack Ryder, Raw, janvier 2012) qu’ils comportent. Il est alors possible d’affirmer qu’une forme d’arbitrage se joue là, entre d’une part un bonheur qui serait immense mais qui apparaît difficilement accessible (si Virgil s’était émancipé de son protecteur milliardaire, aurait-il été certain d’avoir par la suite une vie heureuse?) et d’autre part une satisfaction immédiate (le salaire pour Virgil, la joie d’être culbutée par un Ziggler reconnaissant pour Maria). Cette satisfaction immédiate ne relève-t-elle pas elle aussi d’une forme de bonheur?

 

Sans répondre de façon tranchée à la question, remarquons que le bonheur, défini comme la mise en conformité de ses désirs et de ses principes moraux, relève nécessairement d’une perception plus individualiste que les diverses formes de malheur énumérées, lesquelles ont pour point commun l’inscription dans une démarche collective dans laquelle on ne se reconnaît pas du tout (Cena dans le Nexus) ou pas pleinement (Maria face aux agissements immoraux de Ziggler).

 

Il est cependant possible de concevoir le bonheur dans un cadre collectif. Ainsi de la Straight Edge Society (Smackdown, 2010), qui vit Luke Gallows, Joey Mercury et Serena atteindre la béatitude absolue dès lors qu’ils avaient abandonné tout libre-arbitre à leur gourou CM Punk. Cette leçon, à bien des égards dérangeante, de bonheur trouvé dans la soumission totale, paraît remettre brutalement en cause une définition libérale et individualiste du bonheur. Gallows, Mercury et Serena étaient heureux sous la férule de CM Punk, bien plus heureux qu’ils ne l’avaient été auparavant et qu’ils ne le furent par la suite. La limite d’une telle vision du bonheur — et, partant, de la recherche d’un tel mode de vie — réside précisément dans la suite des événements : une fois un tel bonheur évanoui, l’individu ayant tout sacrifié au collectif reste démuni, vidé, sans possibilité de se reconstruire et s’abîme dans des conduites auto-destructrices (drogue, alcool, signature à la TNA).

 

On objectera que la même dynamique frappe le bonheur individuel classique : après tout, un individu obtenant à force de travail et d’efforts, et sans jamais se renier, le bonheur ultime (le titre de champion du monde de la WWE) se retrouve lui aussi démuni et vidé une fois le titre perdu. Il existe cependant une nuance de taille : le champion vaincu — et même le non-champion n’ayant jamais réussi à atteindre l’objectif suprême — pourra toujours se prévaloir de s’être comporté « de la bonne façon », une puissante béquille morale qui n’existe pas dans le cas des rejetons abandonnés de la Straight Edge Society, quand bien même leur bonheur aura été le plus pur qui soit. Ainsi, la réponse s’impose : nous ne vivons pas pour être heureux dans l’instant, nous vivons pour justifier à nos propres yeux notre propre existence jusqu’à la fin de nos jours. Comme le disait Kizarny (Smackdown, 2 janvier 2009), « le présent est un temps où nous créons des souvenirs pour le futur ».

 

 

Clap along if you feel that happiness is a truth!

 

 

 

– « Suffit-il d'avoir le choix pour être libre ? »

 

Il convient de dépasser l’intitulé, volontairement piégeux, de la question — à laquelle il est permis de répondre clairement par la négative en invoquant l’exemple d’un condamné à mort ayant le choix de périr fusillé ou pendu, et qui ne peut en aucun cas prétendre que la possibilité du choix implique qu’il serait libre — pour s’interroger sur la notion même de « liberté de choix ». Et pour conclure qu’il s’agit, dans une très large mesure, d’un oxymoron, c’est-à-dire d’une contradiction dans les termes.

 

En effet, l’existence même d’un choix que l’on a à faire présuppose l’existence d’une réalité supérieure — médicale, hiérarchique, physique — qui nous impose ce choix. Quand Edge apprend que sa nuque a été fragilisée par des années d’acrobaties et que tout nouveau combat risque de le rendre paralytique, il a le choix : continuer malgré tout sa carrière ou y mettre fin (Raw, 6 avril 2011). Quand Daniel Bryan est mis par Stephanie McMahon devant les deux termes déplaisants d’une alternative à laquelle il ne peut échapper (abandonner son titre ou accepter le licenciement de son épouse), il a le choix : conserver son bien durement acquis ou voir baisser les revenus de son foyer (Payback, 1er juin 2014). Quand Dean Ambrose se retrouve sur le point de perdre par décompte à l’extérieur son match contre Wade Barrett parce qu’il est trop occupé à malmener Seth Rollins, il a le choix : perdre le combat ou lâcher sa proie pour Londres (Smackdown, 13 juin 2014). Dans tous ces cas de figure, le choix existe; la liberté non.

 

Eussent-ils été libres que les hommes cités ci-dessus n’auraient pas eu à se poser ces questions. Contraints par de lourdes contingences, ils durent prendre des décisions qui, chaque fois, allaient partiellement contre leur cœur. Il est à noter, d’ailleurs, que le seul cas de liberté ici est celui que Brie Bella a offert à Daniel Bryan, précisément en anéantissant l’obligation de faire un choix devant laquelle il était placé : en démissionnant avant que Daniel ait donné sa réponse à Stephanie McMahon, la jeune femme a permis à son époux d’éviter de se plier à ce choix qui était, en réalité, tout le contraire d’une manifestation de liberté, mais bien une manifestation de soumission à une situation inextricable.

 

La liberté se conçoit donc, à nos yeux, non pas dans la présence d’un choix, mais au contraire dans son absence. Car tout « libre choix » implique un renoncement. La liberté ultime, paradoxalement, serait celle du malheureux coincé dans un tunnel dont un bout est effondré : il ne peut aller que dans une direction, et n’a donc aucun renoncement à opérer. Comme le disait Bray Wyatt, « La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force. »

 

 

– Alors Daniel, que préfères-tu, perdre ton titre ou faire perdre son travail à Brie? Je te laisse le choix!

Je peux répondre quand je veux?

– Ah non, tu dois me donner une réponse maintenant.

– Dommage. J’aurais aimé que tu me laisses le choix dans la date.

 

 

 

– « Pourquoi chercher à se connaître soi-même ? »

 

La quête identitaire est une caractéristique marquante de notre époque. Il convient de souligner qu’il s’agit-là d’un phénomène relativement récent. Dans un passé pas si lointain, seuls de rares individus se perdaient en questionnements sur leur identité profonde, l’immense majorité s’affirmant clairement par un ensemble limité de caractéristiques : Hulk Hogan clamait dès son entrée en scène qu’il était un vrai Américain, avec toutes les valeurs positives (y compris au niveau des tests de dopage) allant avec; Ricky Steamboat était habité par la noblesse du dragon, ce qui lui a suffi pour ne pas changer d’un iota en trente ans de carrière; l’Undertaker était un zombie indestructible tirant d’une urne magique des pouvoirs surnaturels, et il ne lui venait pas à l’esprit (si tant est qu’il en avait un) de se poser des questions existentielles. Cette Golden Era, comparable — on nous excusera de recourir à un parallèle aussi trivial, mais le sujet l’appelle — à l’ère moderne des sociétés industrielles, ou chacun se concevait en fonction de ses appartenances sociales, locales et religieuses, a pris fin avec l’avènement de l’Attitude Era (et du post-modernisme pour pousser la comparaison avec l’insignifiante « real life »).  Soudain, les individus se sont révélés pluri-dimensionnels. Ils ne se contentaient plus d’être des gimmicks, ils se voulaient acteurs; ils désiraient non plus seulement exister mais être. Comme dans la fameuse vraie vie, où l’on se précipita chez le psychanalyste pour découvrir la raison profonde de son aversion pour les aubergines, où l’on se demanda doctement si le modèle familial traditionnel était plus convenable qu’un ménage à trois ou à dix, où l’on remit en question les codes les plus anciens de la société, on se mit dans le catch à s’approfondir, à se redéployer, à se réinventer.

 

L’Undertaker se mua en motard à bandana, Hulk Hogan enfila des lunettes de soleil et renia ses Hulkamaniacs, chaque catcheur se mit à turner tous les deux mois du fait de l’inconstance de ses certitudes, là où, les années précédentes, on restait des décennies du même côté du Bien et du Mal. Chacun voulait se connaître, se révéler à soi-même puis aux autres, chacun regarda au plus profond de son âme… et n’y trouva, suprême ironie, que conformisme. La modernité était platement conformiste? La post-modernité l’est tout autant. C’est seulement l’habillage qui change. Voici en effet que chacun, sous le prétexte de se connaître soi-même et donc de manifester sa singularité, se pique de vouloir devenir champion du monde, évolue sous son vrai nom, se vêt des mêmes slips et chaussures noires, roule orgueilleusement des mécaniques et du menton… exactement comme tous les collègues. Au moins, l’époque précédente avait pour elle une forme de constance : les personnages n’étaient certes pas profonds, mais à force d’exister sans jamais changer, ils acquéraient une certaine puissance granitique. A présent, le monde est en apparence fluide, mouvant, imprévisible… mais de substance, point! Chercher à se connaître revient donc à se faire reconnaître des autres dans une individualité qui n’a rien de réellement individuel — ultime démonstration de la vacuité d’une telle « quête ». Que l’on médite cette sentence de Jim Ross : « Les jeunes ont su concilier révolte et conformisme en se révoltant contre leurs parents et en se copiant entre eux. »

 

 

La pire chose qu’il puisse nous arriver si on se cherche, c’est de se trouver.

 

 

 

 « Une vérité peut-elle être définitive ? »

 

La question de la vérité et de son caractère absolu a de tout temps obsédé les philosophes. Qu’il s’agisse de Kurt Angle dont la célèbre devise « It’s true, it’s damn true » était vouée à asséner ses certitudes, de R-Truth, qui a incorporé le concept de vérité jusqu’à son nom de plume et n’hésite pas à entériner son propos d’un assuré « and that’s the truth, the whole truth and nothing but the truth », ou encore de Stone Cold Steve Austin, signifiant en conclusion de chaque discours « and that’s the bottom line » (que l’on pourrait traduire « il en va ainsi et pas autrement ») , ils ont été nombreux, parmi les plus grands, à faire de ce concept fondamental le ciment de leur réflexion.

 

Mais l’insistance même mise sur le caractère indubitable des vérités proférées est de nature à éveiller le soupçon. En effet, si ces vérités étaient si indiscutables, faudrait-il les marteler avec tant d’énergie? Ne s’imposeraient-elles pas naturellement, par la seule force de leur évidence? Or Angle, Truth, Austin, et bien d’autres penseurs de premier plan — comme par exemple Sheamus, dont le themesong proclame qu’il y a « trop de mensonges » et que « ces mots sont vrais et je vais vous en convaincre » (« too many lies, too many lies  / These words are true and I'll make you believe ») — ne se contentent pas d’énoncer calmement des axiomes que nul ne remettra en doute. Ils les éructent et menacent chaque sceptique de le passer à tabac, menace souvent mise à exécution, d’ailleurs. Il y a là, à bien y réfléchir, l’aveu d’un doute : cette vérité que j’assène de façon définitive n’est-elle pas, au fond, bien fragile? Ne dois-je pas, pour en consolider la garantie, m’assurer, par la force s’il le faut, que nul ne s’y opposera? Le paradoxe étant que plus on met d’énergie à énoncer une vérité, plus celle-ci soulève l’incrédulité : si tel penseur affirme telle vérité avec un tel pathos, n’est-ce pas qu’il en doute lui-même et, partant, que cette vérité risque fort de ne pas être aussi vraie qu’il le prétend? De fait, les vérités les plus indéniables sont celles qui sont énoncées avec la plus grande simplicité — il est en effet inutile de les marteler, car personne ne les remettra en cause. Quand Dolph Ziggler dit tranquillement « Hi, I’m Dolph Ziggler », quand Bray Wyatt murmure « We’re here », quand John Cena, sans hausser la voix, prévient « I will not quit », ils énoncent calmement des vérités absolument incontestables.

 

Ainsi, l’une des façons de répondre à la question du caractère définitif d’une vérité consiste à examiner la manière dont elle est exprimée : plus cette manière est flegmatique, plus la vérité semble établie.

 

Mais l’absence de doute — matérialisée, on vient de le voir, par une expression sereine — suffit-elle à garantir qu’une vérité est définitive? Á l’inverse, l’existence d’un doute — manifestée par une expression que l’on qualifiera de « musclée » — suffit-elle à garantir que la vérité ainsi présentée est nécessairement friable? En réalité, cet aspect formel n’est pas un critère suffisant. Car on peut émettre calmement une contre-vérité que nul ne viendra contester (par absence d’intérêt, lassitude ou incompréhension, comme lorsque le Miz se proclame « the most must-see champion in WWE history », quand Michael Cole se trompe dans les noms des prises qu’il commente, ou quand Bray Wyatt prononce un discours particulièrement cryptique dont il ressort qu’il se repaît de mondes, s’illumine de ténèbres et entretient une relation incestueuse avec une créature indéfinie); de même que l’on peut être forcé de brailler une vérité durable car on a face à soi un contradicteur déterminé qui lui aussi élève le ton (les accusations de népotisme jetées par CM Punk à la face de Triple H à Raw le 12 septembre 2011 ne sont pas moins justes parce qu’elles ont été littéralement hurlées).

 

Dès lors, la façon d’exprimer une vérité ne dit rien du caractère définitif de ladite vérité. Nous voici donc dans l’impasse, mais au moins cette voie est à présent explorée.

 

Il reste à étudier le caractère pérenne d’une vérité, quelle que soit la façon dont celle-ci est formulée. Or il y a là une difficulté essentielle : à première vue, la pérennité d’une assertion ne peut être vérifiée qu’à la condition que cette assertion porte sur des événements achevés qui ne peuvent plus être modifiés. Car une affirmation prospective, c’est-à-dire ayant la prétention de dire ce qui se produira dans l’avenir, est par définition susceptible d’être infirmée par les faits, aussi évidente puisse-t-elle paraître. L’on pense, naturellement, à la fin de la Streak de l’Undertaker, qui détruisit ce qui passait auparavant pour une vérité définitive : « la Streak ne prendra jamais fin ». L’on pense, également, à diverses garanties données sur des combats à venir, à l’instar de la promesse exprimée par le Miz (Raw, 16 janvier 2013) de remporter le Royal Rumble ou encore à l’engagement du Rock (Raw, 3 janvier 2011) à ne plus jamais quitter la WWE. Autant de vérités censément définitives qui se sont révélées erronées.

 

Mais quid, alors, d’une sentence concernant le passé? Il apparaît à première vue que de telles déclarations peuvent prétendre au statut de vérité définitive. L’événement s’est produit, il ne reste qu’à trouver les mots adéquats pour le décrire, et la vérité ainsi édictée perdurera à jamais, croit-on. C’est ignorer la nature toute relative de l’intangibilité du passé. En réalité, le passé est aussi imprévisible que l’avenir. Car le passé peut être remodelé, retouché, transformé, si besoin s’en ressent, par les forces suprêmes guidant la destinée de chacun.

 

L’exemple le plus parlant en la matière est bien sûr la réécriture totale de tous les événements ayant eu pour protagoniste Chris Benoit. Jusqu’au 24 juin 2007, cela semblait une vérité définitive que de dire que le deuxième vainqueur d’un Royal Rumble à être entré en première position (après Shawn Michaels en 1995) avait eu pour nom Chris Benoit (exploit réalisé en 2004). Mais l’éradication ultérieure de toute trace de ce personnage a anéanti cette vérité pourtant censément éternelle. De la même façon, le rôle joué à l’écran par Linda McMahon lors de l’Attitude Era a été effacé de la réalité digitale afin de ne pas nuire à sa campagne sénatoriale en 2010. Citons également la suppression de toute référence à Husky Harris lorsqu’apparut Bray Wyatt (Raw, 27 mai 2013), présenté comme un individu jamais vu jusqu’ici (traitement dont bénéficièrent également Damien Sandow, Ryback ou encore Dolph Ziggler); sans oublier des annulations a posteriori de divers règnes de champion (Daniel Bryan, Night of Champions 2013) et la disparition pure et simple de certains événements qui paraissaient pourtant définitifs, comme la mort de Vince McMahon dans l’explosion de sa limousine ou la retraite de Ric Flair.

 

On l’aura compris : aucune vérité n’est définitive. Ni celles qui portent sur l’avenir (à présent que l’Undertaker a perdu à Wrestlemania, il est même envisageable de voir John Cena dire « I quit » dans un micro), ni celles qui semblent platement descriptives (« I’m Dolph Ziggler » ne vaut qu’aussi longtemps que le personnage en question n’a pas été rebaptisé en Nicky White), ni même celles qui ont trait à un passé que l’on croit figé dans le marbre (si demain l’Undertaker assassine Michelle McCool et leur enfant avant de se donner la mort, aucune Streak n’aura existé). Car comme l’a dit un jour Platon, « au moment même où vous pensez avoir la réponse, je change la question ».

 

 

CQFD.

 

 

 

Nous espérons que ces corrigés vous auront été utiles, ou qu’au moins ils le seront quand vous repasserez votre bac l’année prochaine. Pour bien vérifier que vous avez parfaitement intégré la leçon, nous vous laissons cette dernière question, sixième et dernière question du bac, dont nous souhaitons que vous la traitiez du mieux de vos capacités en commentaires, voire pourquoi pas si vous vous en sentez l’humeur dans un article spécifique :

 

– « Les échanges sont-ils toujours intéressés ? »

 

 

Et à votre service si vous voulez aussi les corrigés des épreuves de français, hein!

 


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