La Malédiction du 2014

Curse you, all men whose coil is strong.

I recognise the sparrows heart beneath the theatre of misery.

Disbelievers shalt by dawn be forced to forever mourn.

Emperor, Curse You All Men !

 

Il y a de bons PPV à la WWE. Il y en a aussi de mauvais. Et il y a les autres, ceux dont on ressort en se disant « Mais… que… m’enfin… mais pourquoi ? ». L’édition 2014 du Royal Rumble est de ceux-là. La malédiction du numéro quatorze serait-elle valable aussi pour l’année 2014 ?

 

 

Mais non, vous verrez que dans dix-sept ans, tout le monde l’aimera, ce Rumble.

 

 

Nalyse du Royal Rumble 2014

 

Curse you, all men whose coil is strong.

I recognise the sparrows heart beneath the theatre of misery.

Disbelievers shalt by dawn be forced to forever mourn.

Emperor, Curse You All Men !

 

Il y a de bons PPV à la WWE. Il y en a aussi de mauvais. Et il y a les autres, ceux dont on ressort en se disant « Mais… que… m’enfin… mais pourquoi ? ». L’édition 2014 du Royal Rumble est de ceux-là. La malédiction du numéro quatorze serait-elle valable aussi pour l’année 2014 ?

 

 

Mais non, vous verrez que dans dix-sept ans, tout le monde l’aimera, ce Rumble.

 

 

Nalyse du Royal Rumble 2014

 

 

Pour ceux qui n’ont pas compris l’allusion au numéro quatorze, je vous renvoie à l’excellent article de mon estimé confrère SpanishAnnounceTable, un maître pour nous tous. Mais ne tenez pas compte du passage sur la carrière de Goldust qui est finie. C’est… euh… c’est une faute de frappe. Voilà. Une faute. De frappe.

 

Mais trêve de digressions : parlons du PPV. Vous l’avez compris, la joie n’est pas le sentiment qui agite mon cœur au moment où j’écris ces lignes. En effet, de mémoire de vieux fan de catch (mes premiers souvenirs remontent à la fin de l’année 1991), je ne me rappelle pas avoir déjà assisté à un show à l’ambiance aussi bizarre. Au fil du déroulement de la soirée, les réactions du public n’ont cessé de se dégrader, jusqu’à atteindre un niveau inédit en fin de soirée. C’est pour cette raison que j’aborderai cette nalyse sous un angle strictement chronologique. Commençons donc par le commencement.

 

Au début, tout partait bien. Le kickoff fut l’occasion de nous présenter les invités de la soirée, tout anciens vainqueurs du Royal Rumble : Jim Duggan, qui remporta la première édition du légendaire match, Ric Flair, vainqueur de l’édition 1992, qui devint directement champion, le titre étant vacant à l’époque et Shawn Michaels, fin stratège qui nous révéla les techniques les plus subtiles permettant de gagner un Rumble (il suffit de faire en sorte de ne pas passer par-dessus la troisième corde et de ne pas poser les pieds par terre). Nous assistâmes également à une petite scène sympathique pendant laquelle certains catcheurs tirèrent leur numéro d’entrée dans la bataille. Les taquineries allèrent bon train. Ah ah ah.

 

 

Désolé, Alberto. Le sort a parlé : c’est vous qui devrez faire la blague du je te montre le mien si tu me montres le tien mais en fait je parle du numéro d’entrée et pas du zizi.

 

 

Puis vint le premier match, celui qui était donc présenté avant le programme principal, qui mettait en jeu le titre par équipe et qui opposait, le coquin, les frères Rhodes aux New Age Outlaws. Première impression étrange de la soirée : Guillaume Flingue et le Chien de la Route ont effectué avant le match une promo typiquement face, sous les acclamations d’une bonne partie du public, le tout en invoquant la D-Generation X, comme si on était encore en 2000. Je m’interroge sur l’alignement de cette équipe censément heel, mais dont le seul comportement heel fut d’annoncer pendant une interview avec Renee Young qu’ils allaient faire une fête, mais qu’elle n’y était pas invitée… Mais passons, ce n’est qu’un détail au vu du reste de la soirée.

 

Donc, pour revenir à nos moutons, sachez qu’au terme d’un match plutôt bon mais dans lequel ils montrèrent qu’ils étaient loin du niveau des champions, les rescapés de l’Attitude Era ont gagné. Après un tag fait sans que les champions le voient, certes, mais sans tricherie aucune. Cody Rhodes et Goldust, équipe la plus appréciée de ces dernières années juste après la Team Hell No, ont donc perdu leur titre dans un pré-show, dans un match pratiquement pas préparé par une feud digne de ce nom, et contre une équipe de vétérans sur le retour qui établit au passage le record du plus long espace de temps entre deux titres : ils avaient remporté le précédent en novembre 1999 !

 

 

Insérer ici la blague de votre choix, à condition qu’elle repose sur une fine allusion comme quoi cet homme fait caca. Parce que là, vu sa position, on dirait qu'il fait caca. Ah ah. Si. Regardez bien. Caca. C'est rigolo.

 

 

Alors certes, il s’agit probablement d’un moyen de débarrasser les frangins du titre pour mieux préparer une future rivalité entre eux (une petite graine fut d’ailleurs plantée en ce sens pendant le Royal Rumble Match), mais n’auraient-ils pas mérité davantage d’exposition ? Et une équipe plus jeune n’aurait-elle pas fait l’affaire pour déposséder les champions ? Une victoire prestigieuse n’aurait sans doute pas fait de mal aux Real Americans… Mais nous aurons l’occasion d’évoquer à nouveau le problème du conflit de générations à la WWE.

 

 

Toujours à l’affût du scoop, les Cahiers du Catch sont fiers de vous présenter les prochains WWE Tag Team Champions.

 

 

Bref, cette petite déception passée, il était temps de s’intéresser au vrai début du PPV. Le premier match fut celui qui opposait Daniel Bryan à Bray Wyatt. Il fut un peu long, souffrit de quelques longueurs mais a finalement été d’une intensité assez impressionnante et, même si le public qui chantait « this is awesome » et « holy shit » a peut-être un brin exagéré la qualité du match, il n’en reste pas moins que Bryan a sans doute permis à Wyatt de livrer son meilleur match à ce jour. Et même si le vaillant Daniel dut s’incliner suite à un Sister Abigail porté sur la barricade (et sur sa couenne), force fut de constater que le PPV commençait sous les meilleurs auspices.

 

 

<Papy> auspices à la raie ?

<Papy> (Mysterio)

C’est un jour comme les autres sur la tribune des Cahiers du Catch.

 

 

Et puis c’est au cours du deuxième match que l’ennui s’installa pour un bon moment. N’attendant même pas le début officiel du combat, Brock Lesnar s’en prit à son adversaire, le Big Show, au moyen d’une chaise et s’acharna sur lui pendant de longues minutes. Courageux jusqu’au bout, bien que guère plus en état de combattre qu’une fillette née sans jambes, Show accepta (semble-t-il) finalement que l’arbitre fasse sonner la cloche et parvint à résister un peu en plaçant son célèbre coup dit du « gros coup de poing dans ta gueule ».

 

Hélas, trop diminué par le beatdown d’avant match, il fut bien forcé de s’incliner à la fin d’un match qui dura au final moins de deux minutes, et qui fut encore suivi d’un beatdown à la chaise. Il est vrai que cette pénible séquence aura eu le mérite de bien insister sur le caractère de monstre destructeur impitoyable de Lesnar (quoique, depuis le temps, on commence à comprendre que ce garçon n’est pas un modèle de bonhommie et de convivialité) mais permettez-moi de faire partie de ceux qui prennent très peu de plaisir à voir un type taper un autre type avec une chaise pendant dix minutes…

 

 

Je vous en prie, prenez une chaise. Dans la gueule.

 

 

Séquence très oubliable, donc, mais il se murmure que le Big Show se serait blessé à la main en house show peu avant le Rumble, il est donc fort possible que la WWE ait dû changer ses plans à la dernière minute pour lui éviter un vrai match. Si l’information est vraie, on leur pardonnera donc cet ennuyeux passage, qui me rappela l’interminable beatdown infligé à Vince McMahon par la famille Hart à Wrestlemania XXVI. Ah oui et sinon, Lesnar s’invite dans la course au titre, puisque Heyman a déclaré que son client allait défier le vainqueur du match de championnat de ce soir.

 

D’ailleurs, parlons-en, de ce match. Je l’ai écrit plusieurs fois en ces colonnes : le catch d’Orton a tendance à provoquer en moi un mélange languide d’ennui et d’indifférence. Cena m’intéresse bien davantage, à condition qu’il travaille avec un adversaire techniquement à la hauteur. Eh bien je vous le dis tout net : ce combat fut pour moi une torture. Lent, long, dénué de rythme, prévisible, le match n’éveilla une vague étincelle d’intérêt chez moi que lorsque les deux belligérants s’amusèrent à s’emprunter leurs finishers respectifs. Mention spéciale à Randy Orton, très crédible lorsqu’il résiste à un STF pendant de très longues secondes pour aller chercher les cordes, mais se met à taper pour signifier son abandon lorsqu’il est pris dans la même prise quelques minutes plus tard, comme par hasard au moment où l’arbitre vient d’être malencontreusement assommé et ne peut donc constater son abandon… Une bonne partie du public semblait partager mon peu d’intérêt, scandant des « boring » et « this is awful » à tour de bras, ainsi que les noms d’autres catcheurs (un certain Daniel Bryan en tête, mais nous y reviendrons) et allant jusqu’à, humiliation suprême à la WWE, chanter « we want divas » !

 

Seule nouvelle notable à retenir : Orton a gagné grâce à une distraction des joyeux drilles de la Wyatt Family. Et le gars Bray eut le plaisir de présenter John Cena à sa sœur. Le barbu chapelu et ses compères s’invitent donc dans une feud contre le porte-étendard de la fédération. S’ils s’avèrent travailler depuis le début pour l’Autorité, cela pourrait expliquer pas mal de choses (notamment leurs tentatives de convertir Daniel Bryan) et ouvrir des perspectives intéressantes pour les futures histoires. Il se pourrait d’ailleurs que la clique de Triple H ait besoin d’un nouveau groupe d’hommes forts, les signes de fissures dans le Shield se faisant fort présents ce soir, d’abord lors d’une promo où Ambrose et Reigns s’engueulèrent légèrement alors que Rollins faisait office de réconciliateur porteur de paix et d’unité puis, plus tard, lors du Rumble Match. Voici en tout cas une bonne raison de regarder Raw.

 

 

Allez les mecs, on intervient, sinon toute la salle va s’endormir.

 

 

Passons maintenant au Royal Rumble Match. Alors, donc, du coup, comme prévu, CM Punk était le premier dans le ring. Le hasard du tirage au sort faisant bien les choses, le deuxième entrant n’était autre sur que son ennemi personnel Seth Rollins. Cette édition 2014 fut d’une qualité satisfaisante, sans toutefois atteindre des sommets. On y trouva tous les bons ingrédients d’un Royal Rumble. Laissez-moi vous en présenter les faits qui en sont les plus notables à mon humble avis (que je partage) :

 

Cody Rhodes s’en est pris directement à Damien Sandow en entrant sur le ring. C’est toujours agréable de voir que des tensions existent toujours entre des catcheurs qui ont été autrefois en feud. Cela donne l’impression que les catcheurs ne sont pas juste des personnages vides qui oublient tout leur passé à chaque nouvelle rivalité. Le gars Sandow fut d’ailleurs le premier éliminé, par la grâce de Punk.

 

Kane a bien participé au Rumble. S’il n’a pas pris la peine de ressortir une tenue de catch pour l’occasion (il se présenta en pantalon de costume), il a en revanche bien pris le temps d’aller à la salle de muscu, puisqu’on ne l’a pas vu avec un physique aussi affûté depuis longtemps. De là à y voir le signe qu’il s’est préparé pour remonter sur le ring à plusieurs occasions, il n’y a qu’un pas, que je franchis d’un pied agile. Hop. Quant à sa participation au match, elle fut de courte durée puisqu’il a été très rapidement éliminé par Punk. Il revint d’ailleurs à la fin du match pour éliminer ce pauvre CM, qui avait pourtant réussi à rester sur le ring presque cinquante minutes. Et, histoire de montrer qu’il n’était pas venu pour régler le chauffage, il lui administra un chokeslam à travers la table des commentateurs espagnols (qui devraient commencer à s’interroger sur le sérieux de leur fabriquant de mobilier). La feud va donc continuer, et on est bien curieux de voir comment Kane va se comporter sur le ring avec son tout nouveau physique d’athlète.

 

 

Non non, je ne vais pas refaire de match. Je voulais juste humilier Batista.

 

 

Alexander Rusev, de NXT, a fait ses débuts dans le roster principal et, même si aucune élimination n’est à porter à son crédit, il a fait plutôt forte impression, présenté qu’il était en homme fort qu’on ne peut sortir qu’en s’y mettant à plusieurs. Ce gros raciste de Swagger ne put d’ailleurs s’empêcher de s’attaquer directement à lui parce que par chez lui, on n’aime pas trop les étrangers. Quelques plaisantins s’amusèrent à chanter « USA ! USA ! » pendant leurs échanges de coups, comme pour mieux dire « Regardez comme nous aussi on est racistes ! Ah ah ah ! »

 

 

Génétique : des chercheurs américains parviennent à créer un hybride d’Umaga et de Vladimir Kozlov.

 

 

Rusev permit d’ailleurs au virevoltant Kofi Kingston de se livrer à sa traditionnelle séquence rumblo-acrobatique : projeté hors du ring, Kofi atterrit directement dans les bras du Bulgare, qui le déposa sur la barricade proche du ring afin d’être plus à son aide pour le rouer de coups avant de s’en aller, le cœur lourd. Kingston réussit à prendre son élan sur la fine barricade et à sauter directement sur le ring. On s’attendait à un truc du genre, mais ça fait toujours plaisir.

 

Dolph Ziggler et Sheamus ont fait leur retour, tous deux sous une belle acclamation, en particulier pour le rouquin.

 

Kofi Kingston a retiré une botte à Jack Swagger.

 

Kevin Nash était le quatorzième entrant. On ignore cependant s’il s’est demandé à lui-même par SMS de participer au match. Sa carrière étant derrière lui, on peut raisonnablement penser que la malédiction s’abattra sur lui sur le plan personnel plutôt que sur le plan professionnel. Il mourra donc bientôt.

 

Goldust a éliminé son frère involontairement, juste avant sa propre élimination, qui le fit retomber tout près de lui. Les caméras ne se sont malheureusement pas attardées sur eux. L’on attendra Raw pour voir si c’est là le début d’une feud qui pourrait mener à un match à Wrestlemania.

 

Contrairement aux rumeurs, Jake Roberts n’était pas là. Point de serpent donc, mais un taureau puisque Tororigolo participa au match et se paya même le luxe d’être responsable de l’élimination de Fandango.

 

 

Entré avec dépit, le taureau est regardé avec dédain. Ça en fait, des animaux.

 

 

Antonio Cesaro a fait swinguer le Miz et Seth Rollins.

 

Suivant l’exemple de Kane (pour la tenue) et de Jerry Lawler (pour le fait de se pointer dans le ring directement de la table des commentateurs), JBL a participé au match. Il s’est vu hélas éliminé rapidement car il a eu la faiblesse de penser que ses adversaires auraient assez de savoir-vivre pour lui laisser prendre le temps d’enlever sa veste. Heureusement, comme le souligna malicieusement Michael Cole, il n’a pas battu le record de la plus courte participation, toujours détenu par Santino Marella.

 

Le Shield a fait preuve d’une admirable solidarité et a travaillé ensemble à  plusieurs reprises (notamment pour éliminer le Great Khali). La rupture sembla toutefois consommée lorsque Dean Ambrose tenta de sortir Reigns en fourbe avant de se faire arrêter et engueuler par Rollins, toujours garant de l’unité sans faille du Bouclier. Ce dernier dut bien le regretter puisque Reigns en profita pour éliminer ses deux camarades, comme le premier Scapin venu. Comme l’on pouvait s’y attendre, Roman Reigns fut d’ailleurs l’homme du match, éliminant plusieurs catcheurs de gros calibre (Ziggler, Kingston, Nash, Cesaro et bien d’autres). Notons qu’avec pas moins de douze éliminations, il bat le record jusque-là détenu par Kane depuis 2001, le bestiau !

 

 

Fulguro-poing !

 

 

Batista a fait son entrée en numéro 28, tout comme en 2005, où il remporta le match. Il fut accueilli avec une pop honorable mais également plusieurs huées.

 

Ceci dit, projetons-nous allègrement à la fin du match. Fermez les yeux. Non, les deux. Voilà. Maintenant, imaginez.

 

Batista vient d’entrer, en vingt-huitième position. Le public, fébrile, sait que la fin est proche. Il ne reste plus que deux participants, et le chouchou du public, Daniel Bryan, n’est toujours pas là. Mais la foule veut y croire encore. Elle est déçue lorsque Big E Langston entre en avant-dernière position. Les chants « yes » résonnent rapidement dans toute la salle et sont de plus en plus forts. Le public est à cran. Et puis la sirène retentit, pour la dernière fois de la soirée. Une musique se fait entendre, bien faible derrière la bronca du public. Un homme apparaît. Il n’est pas très grand, est capable d’un catch virevoltant, mais il est aussi désespérément glabre. Rey Mysterio s’avance vers le ring, sous les sifflets assourdissants que le public destine non à sa personne propre, mais à ceux qui ont pris la décision de ne pas intégrer Daniel Bryan à la bataille.

 

Le jeu des éliminations se poursuit sous une ambiance apocalyptique. Jamais un final de Royal Rumble ne s’était déroulé dans une atmosphère aussi délétère. Les huées les plus violentes et les cris à la gloire de Daniel Bryan rendent quasi-inaudible l’impact des corps épuisés sur le plancher du ring. Au moment où Roman Reigns sort ses compagnons du Shield, le public décide de prendre fait et cause pour lui. Batista le cueille d’un spinebuster qui augmente encore d’un cran le mécontentement général. Sheamus réussit à provoquer un cri de joie général en administrant un brogue kick à l’Animal, mais ce sera le dernier de la soirée. L’Irlandais, acclamé quelques minutes plus tôt avec une joie enthousiaste, sera pour le reste du match traité comme le pire des heels. Son geste traditionnel de se frapper la poitrine, d’habitude source d’applaudissements, est aujourd’hui rythmé par des « no ! » exaspérés. Les actions sont désormais accueillies au mieux avec indifférence. Le seul à provoquer un peu de pop est Roman Reigns, pourtant le seul heel encore présent sur le ring. Il parvient finalement à évacuer Sheamus.

 

Ne restent donc plus que Batista et lui. C’est acquis : celui qui a les faveurs d’un public dépité est sans conteste le heel. Les spectateurs se mettent à scander son nom. Ne s’étant visiblement pas bien renseigné sur l’homme qui est en face de lui, Batista lui administre un spear bien mollasson, juste avant de se faire rendre la pareille, à la grande joie du public. La comparaison n’est pas à l’avantage du vétéran. Au moment où le jeune loup s’apprête à éjecter Batista, ce dernier renverse le mouvement, profite de l’élan engagé par Reigns et le projette par-dessus la troisième corde. La cloche sonne. Fin du match. Batista a remporté le Royal Rumble pour la deuxième fois et s’en va vers le main event de Wrestlemania XXX.

 

Daniel Bryan n’a non seulement pas gagné le match, mais il n’y a même pas participé.

 

Chez lui, confortablement installé dans son canapé, Mick Foley regarde le show en mangeant des chips. Il pousse un cri de rage. Sa femme, dans la pièce d’à côté, lui demande ce qui ne va pas. Mick Foley ne répond pas. Il en est physiquement incapable. Les muscles de son visage refusent obstinément de lui obéir. Le spécialiste du catch hardcore réalise que les blessures physiques ne feront jamais autant de mal que celles du cœur. Il se saisit de son téléphone portatif dernier modèle et twitte violemment son indignation à la face d’un monde qui, il le sait, ne sera plus jamais le même :

 

 

Mick Foley a mal à son catch.

 

 

Alors que penser de tout cela ? Très franchement, je n’en sais rien.

 

Analysons les faits objectivement, pour autant qu’on puisse être objectif dans cette histoire. Daniel Bryan est un excellent catcheur, sans doute un des meilleurs à la WWE actuellement. Il est aussi très bon en promo, très charismatique, et il a réussi à se mettre le public dans la poche. Il déclenche aussi les réactions les plus délirantes d’enthousiasme depuis des années. Il commence également à se faire connaître en dehors du cercle relativement fermé des amateurs de catch, et son célèbre « yes ! yes ! yes » est de plus en plus repris à l’extérieur du milieu catchesque, notamment dans le monde du sport. Beaucoup voient en lui le prochain très grand de la WWE, un homme qui marquera son époque comme le firent en leur temps Hulk Hogan ou Steve Austin. Ces gens-là auraient adoré le voir remporter le Rumble puis le match de championnat à Wrestlemania. On les comprend.

 

C’est aussi un fait objectif que depuis six mois la WWE a décidé de ne pas lui donner le titre, et même qu’elle l’en éloigne.

 

Sortons maintenant de l’objectivité, et demandons pourquoi, nom d’un petit bonhomme, la WWE a booké le Rumble de cette façon.

 

Hypothèse n°1 : les mecs de la WWE, c’est rien qu’une band de nuls

 

Ils n’ont donc pas compris que Bryan était adulé et qu’il avait le potentiel pour entrer dans la grande histoire du catch. Et comme ils sont très très bêtes, ils refusent obstinément de faire décoller sa carrière, parce qu’ils sont persuadés qu’il n’ira jamais plus loin que Kofi Kingston. Bryan est donc la victime de l’incompétence des abrutis qui n’ont pas compris que faire de lui le vainqueur du Rumble était le meilleur choix possible.

 

 

– Que s’est-il passé ?

– Il s’est fait violemment sodomiser par Vince McMahon. Appelez une ambulance !

 

 

Hypothèse n° 2 : les mecs de la WWE, ils font confiance à Bryan, mais là, c’est pas le moment

 

Parce que le trentième anniversaire de Wrestlemania approche, qu’on parle de plus en plus d’un retour de Hulk Hogan, d’un dernier match du Warrior et de la signature de Sting à la WWE. Parce que ce Wrestlemania historique sera placé sous le signe de la nostalgie, et qu’on pense que faire revenir les vieilles gloires attirera davantage le grand public que mettre en avant ce jeune gars au look improbable. Pour toutes ces raisons, le push stratosphérique de Bryan viendra, mais pas tout de suite.

 

Hypothèse n°3 : les mecs de la WWE, ils aiment bien Daniel Bryan, mais il ne fait pas vendre

 

Bien. Alors commençons par exemple par regarder les courbes d’audience de Raw pour l'année passée :

 

 

Source : http://www.gerweck.net/

 

 

À première vue, on voit bien que les meilleures audiences se font en début d’année, lorsque CM Punk et le Rock sont champions WWE. On note également un pic d’audience lors du Raw qui suit directement Summerslam, mais que le chiffre ne dépasse plus jamais trois pour le reste de l’année. La chute semble donc commencer en gros au moment où il est en feud avec Orton. On peut donc se dire que Daniel Bryan plombe les chiffres quand il est dans la course au titre. Mais on peut aussi estimer que c’est Randy Orton qui fait baisser l’intérêt du public quand il est champion… Ceci dit, pour pouvoir interpréter ces chiffres, il faut les comparer avec les années précédentes. Allez hop c’est parti, j'ajoute les chiffres de 2012 et 2011 :

 

 

Source : http://www.gerweck.net/

 

 

Et du coup, les hypothèses du paragraphe précédent ne veulent plus rien dire, parce que la courbe suit en gros la même évolution tous les ans : les meilleurs scores se font en début d’année, jusqu’à Wrestlemania puis baissent. On peut observer une remontée en fin d’été, autour de Summerslam, puis la tendance revient à la baisse, sauf événement exceptionnel (comme l’alliance du Rock et de Cena aux Survivor Series en 2011).

 

Regardons maintenant les taux d’achats de PPV des trois dernières années.

 

 

Source : http://corporate.wwe.com/

 

 

Les PPV les moins achetés en 2013 sont Night of Champions et Battleground. Dans les deux cas, Daniel Bryan est dans le main event. Mais dans les deux cas aussi, il affronte Randy Orton. En outre, faire porter le chapeau du manque d’intérêt des téléspectateurs à l’un ou l’autre serait d’une absolue mauvaise foi tant, on s’en souvient, le reste de la carte de ces PPV était peu enthousiasmant. On peut noter au passage que Summerslam, où Bryan était déjà dans le main event (face à Cena) fait un score inférieur à l’édition 2012, mais comparable à celle de 2011.

 

Bref, bien que n’étant pas spécialistes des médias (si certains s’y connaissent davantage et ont des commentaires plus enrichissants à faire sur ces chiffres, merci à eux de nous éclairer dans les commentaires), j’ai tout de même l’impression qu’il est bien difficile de voir dans la présence ou non de Daniel Bryan dans la title picture un indicateur fiable de hausse ou de baisse de l’intérêt des téléspectateurs.

 

Hypothèse N°4 : les mecs de la WWE, ils jouent avec nos nerfs

 

Et donc ils jouent à fond la carte de la frustration pour mieux nous faire exulter lorsque Bryan sera enfin champion. Depuis six mois, donc. Mais ils ont prévu un gros truc, et il peut se passer plein de choses d’ici Wrestlemania. Après tout, il est vrai qu’on a déjà vu des cas où le vainqueur du Rumble remettait sa place de challenger en jeu, et où le combat pour le titre à Wrestlemania était transformé en triple threat.

 

Un élément peut laisser penser que la frustration du public est voulue. Cet élément, c’est Bryan lui-même qui nous le donne via son compte Twitter, peu après le PPV. Regardez les deux messages du haut (ceux sur le temps qu’il fait, on s’en fout) :

 

 

Source : capture d’écran de mon téléphone.

(au passage, follow me on Twitter sans hésiter : vous verrez, je suis un habile observateur de la nature humaine. @HenriDeathCDC)

 

Voilà. Donc, de deux choses l’une. Soit Daniel Bryan est assez crétin pour prendre le risque de critiquer ouvertement son employeur en public alors que, quoi qu’on en dise, sa situation au sein de la plus grosse fédération de catch du monde (j’ai dit « grosse », je ne parle pas de qualité) est très enviable, soit il agit en accord avec celle-ci, auquel cas ça sent tout de même très la préparation d’une storyline où l’idole des smarts se retrouverait à nouveau en rivalité directe contre l’Autorité, avec ce rôle d’outsider brimé qui lui va si bien.

 

Ces hypothèses étant exprimées, voulez-vous mon avis personnel ?

 

 

Euh… Non.

 

 

Je vais vous le donner quand même. Je pense que la WWE a envie de jouer à fond la carte des vieilles gloires sur le retour à Wrestlemania, et qu’elle s’est dit que donner le Rumble à Batista serait un excellent coup publicitaire, et que dans un show où les grands anciens seraient mis en avant, il serait contre-productif de choisir ce moment précis pour donner un push énorme à Daniel Bryan. Peut-être même que, dès SummerSlam, il avait été décidé d’attendre. En attendant, on provoquerait sciemment la frustration des fans pour mieux les mettre en joie au moment où Bryan aurait enfin le droit d’endosser le rôle de champion dominant tout le roster de son talent.

 

Mais le plan leur a pété dans les mains. Il est absolument inenvisageable de penser que la WWE, Vince McMahon en tête, n’a pas conscience du phénomène énorme qui est en train de se créer avec Daniel Bryan. Mais à force de frustrer ses fans et de retarder son accession durable en tête de la fédération, et en mettant autant en avant Batista, qui est apparu dans une forme très relative (que ce soit en promo ou sur le ring) ils sont allés trop loin (précisons que plusieurs rumeurs disent que la victoire au Rumble faisait partie de son contrat). Le deuxième PPV le plus important de l’année qui se finit sous les huées du public, ça la fout mal. Le tweet de Foley (même s’il est fort possible qu’il ait été lui aussi fait en accord avec la WWE, comme élément de storyline) repris partout (même la BBC en a parlé), ça donne aussi une image désastreuse. La WWE passe pour une compagnie qui, non seulement ne donne pas ce qu’il veut à son public, mais est à deux doigts de se foutre ouvertement de sa gueule.

 

Il est évident que Vince et son équipe feront tout pour que Wrestlemania ne se termine pas d’une façon aussi déplorable (ce qui risque fort d’arriver si le match est bel et bien un combat entre Batista et Orton). Bonne chance à eux.

 

 

Bon, allez, d'accord, on va vous dire la vérité. En fait, Daniel Bryan ne veut pas être champion parce que les poils qui se coincent dans une ceinture, ben ça fait vachement mal.


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