Pour l’Amour d’un Zombie

Le monde entier est un théâtre.

William Shakespeare

 

L'autre jour sur la tribune nous évoquions plaisamment Pride and Prejudice and Zombies, cocasse ouvrage dans lequel Seth Grahame-Smith s'est amusé à détourner avec malice le roman niais pour gonzesses de Jane Austen. Et nous nous dîmes qu'il serait bien plaisant d'écrire une pièce de théâtre en alexandrins avec des zombies.

 

N'écoutant que sa bêtise, Henri Death releva le défi. Au programme : des zombies, donc, mais aussi de l'amour, un amant dans le placard, le booking de Wrestlemania XXX, de sombres secrets détenus par Mae Young, ainsi qu'un mystérieux slip. D'avance, pardon.

 

 

Et le Molière de la meilleure pièce est attribué à…

 

 

Pour l’Amour d’un Zombie

 

Le monde entier est un théâtre.

William Shakespeare

 

L'autre jour sur la tribune nous évoquions plaisamment Pride and Prejudice and Zombies, cocasse ouvrage dans lequel Seth Grahame-Smith s'est amusé à détourner avec malice le roman niais pour gonzesses de Jane Austen. Et nous nous dîmes qu'il serait bien plaisant d'écrire une pièce de théâtre en alexandrins avec des zombies.

 

N'écoutant que sa bêtise, Henri Death releva le défi. Au programme : des zombies, donc, mais aussi de l'amour, un amant dans le placard, le booking de Wrestlemania XXX, de sombres secrets détenus par Mae Young, ainsi qu'un mystérieux slip. D'avance, pardon.

 

 

Et le Molière de la meilleure pièce est attribué à…

 

 

Pour l’Amour d’un Zombie

 

Drame en deux actes

 

Personnages :

 

Lucie-Phyllis de la Blaine aux Ragyes, femme oisive.

Gonzague-Honoré de la Blaine aux Ragyes, époux de Lucie-Phyllis.

Jean Cultout, ami du couple.

Hermès-Eugène Yttale, amant de Lucie-Phyllis.

Mae Young, ancienne catcheuse.

 

Acte Premier

 

Scène première – LUCIE-PHYLLIS, HERMÈS-EUGÈNE.

 

Paris, dans un appartement bourgeois. La scène est divisée en deux parties, séparées par une cloison qui dispose d'une porte.

Côté jardin, la chambre. On y voit un lit près duquel est un placard. Lucie-Phyllis et Hermès-Eugène, allongés côte à côte, y somnolent. En fond de scène est une large fenêtre par laquelle on distingue les toits de la ville.

Côté cour, un vestibule équipé de deux portes : l'une débouche sur la chambre et l'autre sur les coulisses. Dès après le lever du rideau, on entend des coups à cette porte.

 

LUCIE-PHYLLIS, éveillée en sursaut.

Hermès, éveillez-vous ! Quelqu’un est à la porte !

 

Hermès-Eugène ne réagit pas.

 

Je vous dis que l’on frappe !

 

Il réagit faiblement, d'un murmure presque inaudible.

 

UNE VOIX, derrière la porte.

Votre grand-mère morte…

 

LUCIE-PHYLLIS

Mais oui ! La pauvre vieille est morte l’an passé.

Vous ne m’apprenez rien ! Laissez-moi donc pioncer !

 

LA VOIX

Laissez-moi finir ! Votre aïeule décédée

Est sortie du tombeau, bien qu’elle ait calanché.

D’un pas mal assuré, elle arpente les rues.

Je l’ai vue ce matin, et j’ai eu chaud au cul !

Désormais cannibale, l’infortunée grand-mère

Aime à dévorer tout ce qui marche sur terre !

 

LUCIE-PHYLLIS

Mais enfin qui est là ? Et que racontez-vous ?

 

LA VOIX

 Mais madame c’est moi, votre ami Jean Cultout !

 

Pendant la conversation, Hermèes-Eugène s’est réveillé. Il affiche une mine tout à fait incrédule.

 

LUCIE-PHYLLIS, chuchotant.

Jean Cultout ! Le meilleur ami de mon époux !

Si jamais il vous voit dans notre appartement,

Mon mari le saura et d'un funeste élan,

Il coupera vos bourses et cassera mes dents !

Car s'il se sait trompé, il sera très violent.

Courez dans le placard et restez-y caché

Le temps de congédier ce sinistre grand niais

Qui, de toute évidence, a encore trop bu.

 

HERMÈS-EUGÈNE

 J’y vais d’un pas alerte, mais resterai-je nu ?

 

LUCIE-PHYLLIS

Nous n’avons pas le temps de chercher votre slip.

Allez donc vous cacher, et tant pis pour vos fripes !

 

Hermès-Eugène va dans le placard, nu, sa virilité cachée aux spectateurs par les éléments du décor, qui sont à hauteur de taille. Lucie-Phyllis, vêtue d’une nuisette, se lève, enfile une robe de chambre, traverse le vestibule et ouvre la porte avec colère. On voit Jean, l’air terrorisé.

 

Scène II – LUCIE-PHYLLIS, JEAN, HERMÈS-EUGÈNE, caché dans le placard.

 

LUCIE-PHYLLIS

Monsieur Cultout, je suis très fâchée contre vous !

Vous m’avez réveillée en hurlant comme un fou

Des propos délirants ! Et vous osez en plus

Vous moquer de grand-mère ! Vous n’êtes qu’un minus !

 

JEAN

Mais je ne vous mens pas ! Je l’ai vue de mes yeux !

 

Il entre, avise le fauteuil le plus proche, qui se trouve dans la chambre et s'y laisse tomber, épuisé.

 

Et ce n’est pas la seule ! Car ils sont très nombreux !

Les zombies, chère amie ! Ils marchent parmi nous !

Les morts se sont levés. Ils ont faim comme des loups.

 

Il s’aperçoit que la porte est restée ouverte.

 

Mais fermez donc la porte, infortunée femelle !

Voulez-vous qu’ils dévorent nos yeux, nos cervelles ?

 

Lucie-Phyllis, exaspérée, claque la porte et la ferme à clé.

 

JEAN, voyant au sol un slip.

 

Tiens ? Est-ce un slip ? Je croyais votre époux parti

En voyage d’affaire aux États-Unis ?

 

On entend des râles très légers provenant de la rue. Curieuse, Lucie-Phyllis va jeter un œil par la fenêtre.

 

LUCIE-PHYLLIS

Horreur épouvantable ! Étonnement intense !

Vous aviez bien raison ! Une cohorte immense

De monstres décharnés arpente le pavé.

Leurs yeux pendent de leurs orbites explosées

Leurs organes n’ont plus d’internes que le nom

Sur leur peau grisâtre sèche un sang brun-marron

Leurs os percent leur peau ! Ce sont bien des zombies !

Mais qu’est-il arrivé ?

 

JEAN

Je l'ignore, madame. En ce riant lundi

Comme chaque matin je suis sorti très tôt

Pour prendre mon café dans un petit bistrot

Avec un pain au lait et un verre de jus.

Et en rentrant chez moi s'imposa à ma vue

La horde sanguinaire des morts animés.

Mon troquet favori étant dans le quartier,

Je décidai vite de me rendre chez vous

Pour y trouver refuge loin de ces morts fous.

Mais dites-moi, ce slip…

 

LUCIE-PHYLLIS, l'interrompant.

Il est à mon mari !

 

JEAN

Depuis une semaine il traîne donc ainsi ?

Par terre et pas plié ? Votre femme de chambre

Devrait être punie, frappée sur tous les membres !

 

LUCIE-PHYLLIS

Elle n'y est pour rien, car cette négligence

Est de mon propre fait : voulant de toute urgence

Retrouver un bijou que j'avais égaré,

J'ai de mes propres mains les tiroirs retournés.

 

Jean saisit le slip et le renifle. Il a un mouvement de recul.

 

JEAN

Mais c'est beaucoup plus grave car d'après son odeur,

C'est là un slip sale, sans être pinailleur

Que votre employée de maison inconséquente

Rangea dans un tiroir. Il ne sent pas la menthe…

 

On entend tout soudain des raclements provenant de l'intérieur du placard. Lucie-Phyllis tousse pour essayer de les couvrir.

 

JEAN

Qu'avez-vous, mon amie, seriez-vous donc grippée ?

 

LUCIE-PHYLLIS

Toute la nuit sur le balcon j'ai tricoté.

Seule. Pensant à mon mari. J'aurais pris froid…

 

Ce sont maintenant de violents coups qui sont donnés dans le placard.

 

JEAN

Qu'est-ce donc, sapristi ?

Il sort un revolver de sa poche.

Sortez, cambrioleur !

Vous pensiez qu'aujourd'hui vous seriez un violeur ?

Non, ignoble gredin ! L'arme de la justice

Est prête à vous frapper, dans l'aile ou bien la cuisse !

Sortez !

 

Il fait mine d'ouvrir le placard.

 

LUCIE-PHYLLIS

Non, malheureux !

 

JEAN

Madame !

LUCIE-PHYLLIS

Arrêtez donc !

 

La porte du placard explose. En sort Hermès-Eugène, transformé en zombie. Jean pointe son arme sur sa tête. Lucie-Phyllis s'interpose entre les deux hommes.

 

LUCIE-PHYLLIS

Lâchez votre arme, inconscient ! Baissez ce canon !

 

HERMÈS-EUGÈNE

Argh beuhar rrr rrr rrr beuha beuhar beuhar.

 

JEAN

Il faut l'exécuter dans les règles de l'art !

 

LUCIE-PHYLLIS

Vous ne comprenez pas. Cet homme est mon amant !

Vous briserez mon coeur tout en l'exécutant.

 

Hermès-Eugène saisit Lucie-Phyllis par le cou et essaie de la dévorer tout vive. Jean lui tire dans la cervelle. Le sang gicle et éclabousse tous les personnages. Hermès-Eugène s'écroule et, après quelques soubresauts, cesse tout à fait de bouger.

 

LUCIE-PHYLLIS, s'arrachant les cheveux.

Ah ! Horreur ! Infortune ! Affliction et tristesse !

 

Elle se calme.

 

Mais vous avez bien fait. Pardon de ma rudesse.

L'homme que j'ai aimé, son âme a disparu.

 

JEAN

Son esprit fut rongé, lui zombie devenu.

Et cependant madame, avec circonspection

Je devine aujourd'hui vos coupables actions.

Quoi ! Vous dont la vertu forçait l'admiration,

Vous adonner ainsi à la fornication !

Vous comprendrez, madame, que par amitié,

Je doive à votre époux dire la vérité.

 

LUCIE-PHYLLIS

Je comprends et j'admire votre honnêteté.

Mais laissez-moi pourtant calmement vous conter

Quelles sont les raisons du honteux adultère.

 

Elle s'assied sur le lit et, perdue dans ses pensées, pose négligemment un pied sur le cadavre de Hermès-Eugène. Sévère mais compréhensif, Jean croise les bras et l'écoute.

 

Vous le savez, ce n'est pas un très grand mystère :

Mon époux est connu dans la sphère publique

Comme un époux aimant, un homme sympathique.

Pourtant dans le privé c'est une brute épaisse

Qui aime à me frapper le visage et les fesses…

Ce n'est que grâce à un habile maquillage

Que je dissimulai l'odieux bousillage

Dont mon violent époux se rend souvent coupable.

Tant cet homme est nerveux et se montre irritable,

Et démonte mon corps de toutes les façons…

 

JEAN

Cet homme si gentil ne serait donc qu'un con ?

 

LUCIE-PHYLLIS

Vous entendîtes bien.

 

JEAN

J'en suis sur le derrière !

 

LUCIE-PHYLLIS

Me jugez-vous alors de façon moins amère ?

 

JEAN

J'ai bien saisi, ma foi, pourquoi vous avez dû

Chercher un autre homme pour vous faire le cul.

Votre secret sera gardé par devers-moi

Comme fait l'ivrogne qui garde son renvoi.

 

On entend un bruit de clé tournant dans une serrure.

 

LUCIE-PHYLLIS

Ciel ! Mon mari ! Pourquoi est-il rentré si tôt ?

Et ce cadavre, ici, que vous tuâtes tantôt !

Je vais le retarder. Cachez ce macchabée.

Et puis ce slip aussi ! Car un mari trompé

Est toujours soupçonneux.

 

JEAN

Bien ! Qu'il en soit ainsi !

Cependant je crains fort qu'en me voyant ici

Sortant de votre chambre, votre cocu époux

N'en soit contrarié, et jaloux comme un pou.

 

LUCIE-PHYLLIS

Vous dites vrai ! Aussi vais-je vous demander.

Pendant quelques instants, aussi de vous planquer.

Je vais l'entraîner dans une salle à manger

Et vous pendant ce temps discrètement fuirez.

 

JEAN

Mais madame, les zombies sont toujours dehors !

Voulez-vous à ce point me condamner à mort ?

 

LUCIE-PHYLLIS

C'est bien juste et exact. Vous allez donc sortir,

Puis vous re-rentrerez,  faisant mine de fuir

Devant l'abjection comme si maintenant,

Pour la première fois, vous arriviez céans.

 

Elle va dans le vestibule au moment où Gonzague-Honoré entre. Elle se jette à son cou, non sans avoir fermé la porte de la chambre. Pendant le prochain échange de répliques, on le voit cocassement essayer de soulever le cadavre, n'y point parvenir, tenter de le jeter par la fenêtre alors que le loquet est coincé… La pantomime est laissée à l'appréciation du metteur en scène. Lucie-Phyllis ouvre la porte à Gonzague-Honoré.

 

Scène III – LUCIE-PHYLLIS, GONZAGUE-HONORÉ, JEAN, caché dans le placard, HERMÈS-EUGÈNE, mort.

 

LUCIE-PHYLLIS

Mon amour, mon époux, que faites-vous ici ?

Je ne vous attendais point avant mercredi.

 

GONZAGUE-HONORÉ

Hélas ma tendre amie, tous ces événements

M'ont fait craindre pour vous, j'en ai claqué des dents !

 

Il entre.

 

LUCIE-PHYLLIS

La nouvelle de la résurrection subite

Des morts parisiens s'est propagée bien vite.

 

GONZAGUE-HONORÉ

Vous vous fourrez le doigt jusque dans l'omoplate !

Car, voyez-vous, ma mie, même chez les Croates

Le phénomène immonde a été constaté.

Car il concerne bien toute l'humanité.

Et… Je fus le témoin, stupéfait, incrédule,

Du début de la chose, sous la canicule,

Du soleil américain. Mais je veux m'asseoir,

Car j'ai beaucoup marché, dehors, sur le trottoir.

Et j'ai beaucoup couru, lutté et combattu

Pour que les monstre ne dévorent pas mon cul.

 

Il se dirige vers la chambre. Paniqué, Jean s'enferme dans le placard avec le cadavre, prenant garde, par dégoût, à ne toucher que ses vêtements. Ne sachant qu'en faire, pour garder les mains libres, il met le slip sur la tête. Gonzague-Honoré entre et s'écroule sur le lit. Lucie-Phyllis regarde partout, se demandant où est Jean.

 

GONZAGUE-HONORÉ

Oui ! J'ai vu des mes yeux la naissance improbable

De ces monstres sinistres.

 

LUCIE-PHYLLIS

Mais qui en est coupable ?

 

GONZAGUE-HONORÉ

J'avais dit, pour prétexte, que j'étais parti

En voyage d'affaires aux États-Unis…

 

LUCIE-PHYLLIS

Et vous avez menti ? Vous n'y étiez donc pas ?

 

GONZAGUE-HONORÉ

J'étais bien où j'ai dit, mais à Wrestlemania.

 

LUCIE-PHYLLIS

Vous m'avez bien menti, et partîtes sans moi !

Pour assister au show le plus chaud des grands shows !

Vous ne m'aimez donc plus. Je ne suis qu'un fardeau

Pour votre coeur de pierre et ce n'est pas gentil.

N'ai-je dont tant vécu que pour cette infamie ?

Et n'en suis-je réduite aux travaux ménagers

Que pour voir si vite flétrir tant de lauriers ?

Ô cruel souvenir de nos amours passées !

Oeuvre de tant de jours en un jour effacée !

Mais au fait, quel rapport ?

 

GONZAGUE-HONORÉ, soupçonneux.

Et quelle est cette odeur ?

 

LUCIE-PHYLLIS

Une odeur, dites-vous ? C'est celle de la peur..

 

GONZAGUE-HONORÉ

Ça sent le sexe et la mort ! Le foutre et le sang !

 

Il renifle les draps.

 

On forniqua ici ! Vous avez un amant !

 

LUCIE-PHYLLIS

Du formica ? Enfin, mais vous déraisonnez !

C'est en chêne massif qu'est notre mobilier.

 

GONZAGUE-HONORÉ

Tais, toi, créature impudique et capiteuse !

Tu as baisé ici, et tu n'es pas honteuse !

Mais je ne comprends pas pourquoi à ces effluves

De sexe débridé, chaud comme le Vésuve

Se mêle aussi l'odeur, âcre et carbonisée

De la bile, du sang et de la chair brûlée.

Que s'est il passé ?

 

LUCIE-PHYLLIS

Mais rien du tout, mon mari…

 

GONZAGUE-HONORÉ

Je ne te crois pas car tu n'as pas d'alibi !

Tu mens ! Parleras-tu, abjecte salopasse ?

 

Il lui fait une clé de bras. Jean sort du placard, laissant tomber le cadavre d'Hermès-Eugène, ainsi que son slip. Il menace Gonzague-Honoré de son revolver.

 

JEAN

Désolé mon ami, vous êtes à la masse.

Lâchez cette femme qui ne peut se défendre.

 

GONZAGUE-HONORÉ, à Lucie-Phyllis.

C'est donc par mon ami que tu te faisais prendre…

 

JEAN

Je vous respecte trop, vous et Lucie-Phyllis.

Pour qu'en votre absence j'y mette mon pénis.

Je ne vins qu'en ami, pour trouver un refuge.

 

LUCIE-PHYLLIS

C'est l'autre mon amant ! Si vous êtes un juge,

Soyez-le pour moi et faites confiance à Jean.

 

GONZAGUE-HONORÉ, relâchant son épouse et très abattu.

Soit. De toute façon nous sommes tous perdus.

Tous ces zombies dehors feront frire nos culs.

 

JEAN

Tout n'est pas tout perdu ! Écoutez-moi plutôt

Il faut unir nos forces et donc tourner le dos

A vos mesquins petits problèmes conjugaux.

Si vous ne voulez pas qu'on finisse en gigots.

 

LUCIE-PHYLLIS et GONZAGUE-HONORÉ, ensemble.

Cet homme a raison !

 

LUCIE-PHYLLIS, à Gonzague-Honoré.

Mais vous m'expliquiez comment

Le monde a basculé. Racontez ce moment.

 

Ils s'asseyent tous.

 

GONZAGUE-HONORÉ

J'assistais donc au trentième Wrestlemania.

Je me réjouissais fort de voir de beaux combats.

La soirée avait lieu, et c'est très important,

Dans le pays cajun : la Nouvelle Orléans.

La patrie du vaudou et des forces occultes,

Des morts qui ressuscitent et autres sombres cultes.

Le main event me faisait bander comme un âne

Car l'Undertaker affrontait Daniel Bryan.

Et l'impensable advint. Le Deadman, dominé

Sous les chants "yes yes yes" ne put que s'incliner.

L'arbitre fit le compte : un, deux, trois et basta.

La streak était brisée. L'Enfer se dechaîna.

Et l'esprit du Taker, qu'il ne contrôlait plus,

Devint l'épicentre de l'ensemble des flux

Malfaisants et obscurs, sombres et délétères

Qui déjà s'écoulaient aux cieux et sur la Terre.

De noirs nuages se rassemblaient au-dessus

Du stade et de la ville et des petits talus.

Enfin dans un éclair on entendit un gong

Et chaque spectateur tressauta dans ses tongs.

Dans chaque cimetière, dans morgues et hôpitaux,

Les morts se relevaient, ayant faim de cerveaux.

Et c'est dans la panique et la consternation

Que je revins en France dans un prompt avion

Sans même avoir songé, tant j'étais paniqué

À demander que l'on remboursât mon billet.

 

JEAN

Votre récit est clair.

 

LUCIE-PHYLLIS

Maintenant tout s'explique.

 

GONZAGUE-HONORÉ

Vous ne savez pas tout. Dans ma fuite héroïque… 

 

Il ôte son gant et révèle une vilaine plaie à la main.

 

Je fus mordu.

 

LUCIE-PHYLLIS

C'est affreux !

 

JEAN

C'est horrible !

 

GONZAGUE-HONORÉ

C'est moche.

Et vous devrez bientôt sortir de votre poche

Votre arme salvatrice et, d'un coup ajusté

Vous aurez pour devoir, afin de vous sauver

D'exploser ma cervelle, et puis de m'enterrer.

 

JEAN

 J'en ferai tout ainsi, au nom de l'amitié.

 

Tristement et lentement, il sort son arme. Soudain, un nouvel éclair s'allume dans le regard de Gonague-Honoré. Il crache du sang, se met à hurler et saute sur Jean, qui laisse échapper son arme. Lucie-Phyllis crie de terreur et de désespoir. Jean, se débattant, saisit le bras de Gonzague-Honoré. Un éclair aveuglant illumine alors la salle (on demandera à  l'éclairagiste de fournir le maximum de puissance). Tous s'écroulent à terre. Rideau.

 

ACTE II

 

Scène première – JEAN, LUCIE-PHYLLIS, GONZAGUE-HONORÉ, HERMÈS-EUGÈNE.

 

Au lever du rideau, les personnages sont étendus à terre. Jean est le premier à reprendre conscience.

 

JEAN

Mais qu'est-il arrivé ?

 

LUCIE-PHYLLIS, s'éveillant à son tour.

Je n'ai pas tout compris…

 

GONZAGUE-HONORÉ, s'éveillant d'un coup.

Je me sens mieux, ma foi ! Et regardez ici !

 

Il montre sa main, tout à fait saine.

 

Ma main est intacte, me voilà tout guéri !

 

JEAN

La chose est singulière…

 

Tous se lèvent.

 

LUCIE-PHYLLIS

Notez qu'elle arriva

Lorsque d'un geste adroit, vous saisîtes son bras.

Comme si une force à l'esprit bienveillant

Vous donnait le pouvoir de le rendre vivant.

 

JEAN

Attendez… Se pourrait-il que… Mais essayons !

 

Il touche la main d’Hermès-Eugène, qu’il n’avait auparavant manipulé que par ses vêtements. Nouvel éclair. Hermès-Eugène se redresse d'un bond, l'air en forme quoique désorienté.

 

HERMÈS-EUGÈNE

Que m'est-il arrivé ? Comment suis-je vivant ?

Pourquoi ne suis-je plus ce zombie si méchant ?

J'étais dedans les limbes et j'ai vu l'autre monde

Que des âmes perdues à des lieues à la ronde.

Et maintenant je suis fier et droit devant vous,

Quoiqu'avec une légère raideur au cou.

 

Apercevant et reconnaissant Gonzague-Honoré, il se cache derrière un fauteuil.

 

Monsieur, je vous assure, qu'avec votre femme,

Jamais il n'exista une amoureuse flamme.

Nous sommes bons amis, pour nous pas d'adultère !

 

GONZAGUE-HONORÉ

Soyez en paix, ami, car j'ai vu la lumière.

Je suis mort quelque temps et cette expérience

M'a fait réaliser toute mon inconscience.

Je fus un mauvais mari, jaloux et violent.

Il était naturel qu'elle prît un amant.

Je vous laisserai vivre votre amour en paix.

Soyez heureux ensemble. Mon coeur est trop laid.

Mais au moins érigez la pudeur en principe

Et d'un geste élégant, remettez votre slip.

 

Le jeune homme s'exécute. Lucie-Phyllis dépose un chaste baiser sur la joue de Gonzague-Honoré qui sourit tristement, puis se réfugie dans les bras de son amant.

 

JEAN

Tout ceci est bien beau, mais je ne comprends pas

Comment je vaincs la mort rien qu'en touchant des bras !

 

La porte qui donne vers l'extérieur s'ouvre avec une lenteur extrême. Une lumière diffuse entre par cette ouverture. Une vieille femme vêtue de blanc entre d'un pas mal assuré. Elle a une auréole sur la tête.

 

Scène II – JEAN, LUCIE-PHYLLIS, GONZAGUE-HONORÉ, HERMÈS-EUGÈNE, MAE YOUNG.

 

GONZAGUE-HONORÉ

L'Ange de la Miséricorde !

 

JEAN

Non ! Attendez !

 

LUCIE-PHYLLIS

Mais…  Je vous reconnais ! Vous étiez décédée !

 

GONZAGUE-HONORÉ, JEAN, HERMÈS-EUGÈNE et LUCIE-PHYLLIS, ensemble.

 

Vous êtes Mae Young !

 

MAE YOUNG

Oui c'est bien sous ce nom

Que du temps de ma vie j'avais quelque renom.

Je suis venu ici, désormais pur esprit

Car votre destinée devra être accomplie,

Mon cher Jean.

 

JEAN

Moi ? Une destinée ? Mais pourquoi ?

 

MAE YOUNG

Laissez-moi vous dire qui vous êtes pour moi.

Vous le savez sans doute, j'ai eu des enfants,

Dont certains restèrent cachés pendant longtemps.

Hornswoggle, une main, et le pape François.

Naquirent de mon ventre fécond autant qu'adroit.

 

JEAN

Le pape aussi ?

 

MAE YOUNG

Oui. Ainsi que le précédent.

Et bien d'autres en sus. Car j'ai donné naissance

À plus de cent enfants, qui ont bien de la chance.

Ma propre mère était, vous ne le savez pas,

La mère de Jésus.

 

JEAN

Sainte Marie ?

 

MAE YOUNG

Voilà.

Ma sainte mère me donna pour mission

De devenir catcheuse à la télévision. 

Car Dieu avait appris, grâce à tous ses espions

Que le Mal naîtrait dans une fédération :

La WWE, car c'était elle.

Quand le Taker naquit, le Mal devint réel.

C'etait l'Antéchrist ! Il était dans notre monde

Et je devais l'empêcher d'accomplir l'Immonde.

Mais j'étais déjà vieille et malgré mes pouvoirs

Je me sentais trop faible et je perdais espoir.

Aussi décidai-je de faire plein d'enfants

Qui seraient les élus du Seigneur, combattants

Du Bien contre le Mal et aux pouvoirs magiques.

Le jour où je compris que la fin de la streak

Marquerait bien le début de l'Apocalypse

J'implorai Triple H, qui dégustait des chips,

De ne jamais la briser. Il me congédia

Me traitant de harpie, de tronche de caca,

De vilaine radasse et de vieille catin.

Lui qui aurait eu l'âge d'être mon bambin !

Et quand j'ai eu ouï-dire qu'à Wrestlemania

La streak serait brisée… Je choisis le trépas.

Le pire étant certain, je choisis de mourir

Pour plus sereinement regarder l'avenir.

Mon âme désormais sise au côté des astres

Je pouvais par magie limiter le désastre

En guidant en esprit mes enfants adorés.

Me voici devant toi, Ô mon fils estimé

Pour te montrer la voie du chemin de la route.

Va imposer tes mains et sème la déroute

Dans les rangs des zombies, aux côtés de tes frères.

Ensemble vous vaincrez. Vous vaincrez les Enfers !

 

Les personnages se mettent à chanter sur l'air de l'Amérique de Joe Dassin.

 

JEAN

Mes amis, je dois m'en aller,

Je n'ai plus qu'à jeter mes clés

Car ils m'attendent depuis que je suis né

Les zombies-euh !

 

J’abandonne sur mon chemin

Mes vieux amis que j'aimais bien

Cela commence par un peu de chagrin

Les zombies-euh !

 

TOUS

Les zombies-euh, les zombies-euh, ils sont méchants, ils sentent mauvais !

Les zombies-euh, les zombies-euh, si c'est un cauchemar, je le saurai !

Tous les sifflets des trains, toutes les sirènes des bateaux

Ont chanté mille fois les râles infernaux

Des zombies-euh !

 

JEAN

Mes amis je vous dis adieu

Je devrais vous pleurer un peu

Pardonnez-moi si je n'ai dans les yeux

Que des zombies-euh !

 

Mae Young exécute un solo de guitare endiablé.

 

Je reviendrai je ne sais pas quand

Fatigué et mes vêtements

Pleins de vomi et couverts du sang

Des zombies-euh !

 

TOUS

Les zombies-euh, les zombies-euh, ils sont méchants, ils sentent mauvais !

Les zombies-euh, les zombies-euh, si c'est un cauchemar, je le saurai !

Tous les sifflets des trains, toutes les sirènes des bateaux

Ont chanté mille fois les râles infernaux

Des zombies-euh !

 

Pendant que les autres personnages reprennent le refrain, Mae Young sort, suivie de Jean.

 

FIN


Publié

dans