Le déclin de l’Empire floridien

Ce que l'on appelle échec n'est pas la chute, mais le fait de rester à terre.

Mary Pickford

 

La TNA entre (encore) dans une nouvelle phase avec les départs actés de Hulk Hogan (en vrai) et d’AJ Styles (en kayfabe). Avec son plus grand événement de l’année, le but affiché était de contrecarrer le malaise ambiant. Sans illusions ni effets d’annonce au sujet de « quelque chose qui va bouleverser la compagnie à tout jamais ». Au final ce fut un PPV emblématique des défauts récurrents de la fédération d’Orlando.

 

 

Si je t’assure, on la joue en totale impro ce soir.

 

 

Nalyse du syndrome global de la TNA à travers Bound for Glory 2013

 

Ce que l'on appelle échec n'est pas la chute, mais le fait de rester à terre.

Mary Pickford

 

La TNA entre (encore) dans une nouvelle phase avec les départs actés de Hulk Hogan (en vrai) et d’AJ Styles (en kayfabe). Avec son plus grand événement de l’année, le but affiché était de contrecarrer le malaise ambiant. Sans illusions ni effets d’annonce au sujet de « quelque chose qui va bouleverser la compagnie à tout jamais ». Au final ce fut un PPV emblématique des défauts récurrents de la fédération d’Orlando.

 

 

Si je t’assure, on la joue en totale impro ce soir.

 

 

Nalyse du syndrome global de la TNA à travers Bound for Glory 2013

 

 

« Putain c’est ça le show de l’année ? » Les mots ne sont pas les miens, mais ceux de Thibaud C., illustre expert de la discipline catchesque aujourd’hui plus ou moins rangé de la passion. Il les a répétés à l’envi durant le visionnage d’un spectacle à la construction particulièrement bancale, constellé de segments et matchs qui auraient pu être recevables pris individuellement, mais ne sont qu’ingrédients d’une soupe indigeste mis bout à bout. Neuvième Bound For Glory, neuf raisons d’en être déçu. À noter que je n’ai pu empêcher mon coéquipier de visionnage d’y aller de ses commentaires avisés.

 

 

Dur de haranguer une foule fantôme

 

 

NON, la pyrotechnie et les entrées spéciales ne sont pas un luxe.

 

Puisque nous nous trouvions devant le plus grand évènement TNA de l’année nous étions en droit d’attendre des animations et des à-côtés rendant plus attrayante et mémorable la déclinaison de la carte. Or, le tout s’est déroulé dans une froide uniformité, sans feux d’artifice ni fleurs ni couronne. Sensation de banalité renforcée par la très courte rampe d’accès menant au ring. Guère le temps d’établir des interactions avec les spectateurs ou de laisser monter la température. En comparaison, le générique de Games of Thrones est un sommet d’intensité.

 

Le (bon) mot de Thibaud C. : « Bon on leur demande pas tous de faire une entrée à la Undertaker, mais un minimum quand même. »

 

 

Tu sais c’est moi Superconnasse, celle qui a tout pour aller au titre, mais préfère être la garde du corps de la nymphe de service.

 

 

NON, la multiplication de segments « in ring » n’aide pas forcément à rendre un show historique.

 

Le pay-per-view n’affichait pas encore une heure au compteur que déjà l’ambition initiale était balayée. Assistions-nous à un épisode grand format d’Impact ? La faute à la mise en place besogneuse d’une feud entre Bad Influence et Eric Young/Abyss (si encore le duo de hells avait été ajouté au match de championnat, on aurait compris), aux habituelles interviews backstage si linéaires et prévisibles qu’elles ne suscitaient aucune réaction de la foule, à ce débriefing post-cérémonie entre Sting et Kurt Angle… Tout semble anecdotique et non avenu quand ne domine pas carrément l’impression de segments écrits dans l’urgence. Ainsi le retour enfin officialisé à long terme d’Abyss, bonne nouvelle en soi, intervient après tant de retournements de situation hasardeux que l’on ne porte plus grand intérêt au personnage. Au moins en a-t-on fini pour de bon avec l’avatar Joseph Parks… Quant au segment portant sur l’intronisation de Kurt Angle au Hall of Fame de la TNA, il aurait pu être recevable pour lancer une rivalité, si c’est le but, au cœur d’un show hebdomadaire. Comment comprendre sa présence un soir où les deux interlocuteurs étaient censés être focalisés sur leur opposition à venir ? Transparaît un certain malaise doublé d’une belle incohérence (voir par ailleurs).

Maigre consolation pour Dixie & sa bande, même la WWE est parfois tombée dans ce travers des longues promos au soir de Grandaddy of Them All. Citons sans exhaustivité l’épisode du Piper’s Pit à WrestleMania V ou plus récemment (WM 21) l’interaction grand-guignol entre Eugene, Hulk Hogan et les nécessairement méchants Arabes. Des incongruités qui n’avaient pas empêché les shows en question d’être globalement réussis.

 

Le (bon) mot de Thibaud C. : « Ah ouais le retour d’Abyss ? Il était parti ? Les bookers se rappellent qu’il est Champion TV ? »

 

 

Hé toi là-bas je t’ai vu en train de t’endormir.

 

 

NON, choisir de faire débuter un quasi no-name contre un autre no-name ne place pas sur un piédestal le vainqueur de l’affrontement.

 

Je n’ai pas honte de le reconnaître, sans l’éclairage catchuel de l’Ultimate Georges Michaels, je n’aurais pas percuté qu’Ethan Carter III était l’ancien vainqueur de NXT alias Derrick Bateman. Une notoriété au moins aussi importante il est vrai que celle de stars « extérieures » dont la compagnie pensait recueillir les fruits : Doc (Luke Gallows), Mike Knox, Quinton Jackson, King Mo, Tito Ortiz et tant d’autres coups d’épée dans l’eau depuis deux ans. Ne présageons pas du succès de l’ancien élève du laboratoire WWE, d’autant qu’on lui accorde un gros push d’entrée. Pensez donc ! En lieu et place d’un catcheur établi prêt à jobber pour lancer sa carrière à Orlando sur les bons rails, on a dépêché un frêle combattant local. Devant le spectacle de ces deux inconnus, le public se montre logiquement amorphe et indifférent. Et avec ça l’opposition s’éternise au lieu d’un simple squash en trois prises, trois mouvements. Un moment qui figurera en bonne position le jour de la sortie d’un bêtisier de l’histoire de BFG.

 

Le (bon) mot de Thibaud C. : « Ho là là, mais c’est une blague ? Norm Fernum ! Norm Fernum à Bound For Glory ! On dirait une crevette ! »

 

 

Merci d’être venu aussi nombreux… Non je déconne.

 

 

NON, les meilleurs cadrages du monde ne peuvent travestir la réalité.

 

Les chiffres ont fini par tomber. Seul un tiers des 12 000 sièges de la Viejas Arena ont été pourvus. Le climat autour de la Ligue 2 du catch américain ressemble étrangement à celui de la WCW à la fin des années 1990/début 2000. Et pourtant la production ne ménage pas ses efforts pour masquer les trous dans les gradins. Ainsi les multiples plans de foule se limitant au premier cercle autour du ring ou des commentateurs tendaient à faire croire à une ambiance de folie au moindre chant lancé. Las, tout ceci respire la fébrilité, celle d’une équipe en perte de confiance, en chute constante d’audience, en proie à de multiples économies budgétaires. La qualité technique de certains membres de son roster masque encore un peu ses lacunes et retarde l’échéance, mais le fonctionnement sous forme d’une compagnie modèle tel que décrit par Jeff Jarrett en son temps n’est plus d’actualité.

 

Le (bon) mot de Thibaud C. : « Je pense qu’ils auraient dû faire comme les Girondins de Bordeaux pour remplir la salle : un menu McDo acheté, deux places offertes ! »

 

 

Ah ah, dire qu’il y a des idiots qui se sont emmerdés à imiter Spider-Man pendant des années.

 

 

NON, on ne peut pas trahir un concept que l’on a soi-même créé.

 

Au milieu de la multitude de stipulations crasseuses expérimentées par la TNA (que le nostalgique des reverse battle royal me jette la première bière), une s’était au moins démarquée et avait conquis smarts et newbies : l’Ultimate X Match. Créé à une époque où la compagnie daignait encore se démarquer de la WWE au lieu de la parodier, ce type de matchs a offert légion de moments glorieux. L’agilité des compétiteurs est mise à rude épreuve avec cette nécessité de jouer à « cochon suspendu ». Or trêve de cette contrainte pour cet opener, une échelle introduite en milieu de match fait office de nouveau strapontin pour décrocher le sésame. Sans aucun préavis, sans aucune légitimation. Comme de nombreux amateurs de la sphère Internet du catch, je suppose que la présence de Samoa Joe n’est pas étrangère à ce contournement de règles. On se souvient tous des tentatives infructueuses de la Samoan Submission Machine de s’accrocher aux câbles lors de Destination X 2006. Soit, mais n’y avait-il pas un meilleur sort à réserver à un Joe sur une carte ne comportant en tout et pour tout que sept affrontements ? En cédant à cette facilité, la TNA se tire une balle de plus dans le pied. Une de trop ?

 

Le (bon) mot de Thibaud C. : « Alors en fait Manik il a le style de Suicide, la tenue de Suicide, la ceinture X-Division de Suicide, mais c’est Manik hmmm ok c’est clair. »

 

J’en pisse de joie.

 

 

NON, faire gagner les ceintures Tag Team aux guignols de service n’est pas un bon moyen pour crédibiliser les titres.

 

Dans ma tendre enfance, j’étais un fan ultra des Bushwackers. Au-delà de leur comportement sauvage et de leurs manœuvres pas crédibles pour un sou, je croyais naïvement que dans un grand jour ils pourraient toucher aux titres suprêmes. Pourtant inimaginable de couronner les rigolos de service en un temps où des formations au moins aussi populaires et plus talentueuses comme High Energy, Beverly Brothers ou même les Rockers (officiellement) ne touchaient au Graal. Il régnait une espèce de convention pour ne pas décerner les ceintures au tout-venant. Puis advint Too Cool, Eugene, le Spirit Squad, Santino Marella ou Eric Young Champion Tag Team… féminin. Jouer les pitres n’est plus rédhibitoire à l’acquisition de trophées. En soi une bonne chose quand les pop ou heat provoqués le justifient. Mais à dire vrai, rien ne légitime que Robbie E, sous-Zack Ryder en nuisance, possède l’un des palmarès les plus garnis du roster actuel. Quid de l’âge d’or des teams à la TNA ?

 

Le (bon) mot de Thibaud C. : « Hmm, Il n’a même pas une émission de télé-réalité sur YouTube Robbie E ? »

 

 

Je ne fais que passer, je cherche mon frère avocat, personne ne l’a vu ?

 

 

NON, les finishs originaux ne sont pas nécessairement les plus beaux.

 

Mis à part le final du main event plutôt bien amené (encore que certains trouvent à y redire) et dans une certaine mesure celui du championnat féminin, la plupart des conclusions ont été poussives voire incompréhensibles. Je n’inclus pas dans ce constat le Ethan Carter III/Fernum qui était davantage un segment de promotion qu’un véritable combat. Point positif, la TNA a rangé au placard ses chers « petits paquets » pour aller chercher plus loin. Beaucoup plus loin. Tel l’abandon d’un Sting en mode deux de tension sur sa propre prise, après un match plutôt court et peu physique. Mention passable également pour la perte de connaissance, semble-t-il réelle, de Kurt Angle après le sauvetage abracadabrantesque de Bobby Roode par Brian Hebner. Incompréhension devant le succès clean de Bromans et carton rouge pour le décrochage victorieux de Chris Sabin alors que Jeff Hardy se trouvait à proximité pour le contrecarrer. Visiblement la Charismatic Enigma n’en avait cure.

 

Le (bon) mot de Thibaud C. : « Le temps passe, mais rien n’y fait : le People’s Elbow reste le finish le plus crédible de l’histoire du catch. »

 

 

– Déconne pas Kurt je me sens à l’étroit dans ce club.

– Je ne suis pas digne je te dis, je n’ai été que quatre fois Champion WWE, une fois Champion World Heavyweight, une fois Champion WCW, cinq fois Champion TNA…

– Et Champion US, X-Division, Intercontinental, European, Hardcore, Tag Team, King of the Ring, King of the Mountain…

– Mais mon échec au titre TV me poursuit en cauchemar, tu peux le comprendre ça ?

 

 

NON, on ne peut pas refuser quelque chose qu’on a déjà accepté.

 

Imaginez la scène : une personnalité publique se rend à l’Élysée pour recevoir la Légion d’honneur. Elle sourit aux photographes, fait la bise à tout le monde, réalise un discours bien propret et démagogique à l’attention de ses congénères, se laisse apposer une petite brochette sur la veste puis quitte les lieux. Le lendemain, en conférence de presse, elle déclare subitement que ses accomplissements ne justifient pas cette distinction. Impensable ! Et pourtant Kurt Angle vient précisément de réaliser un acte semblable vis-à-vis du Hall of Fame floridien, sans qu’un évènement notable soit intervenu entre temps entre les deux séquences. Un peu comme si on recrachait la cerise après avoir avalé tout le gâteau. Un peu comme si on attendait la fin de fête d’anniversaire d’un ami pour lui dire qu’on le considère comme un gros con. Enfin bref vous voyez l’idée, un segment qui a intérêt à donner une suite digne de ce nom sous peine d’être nommé au What The Fuck Moment de l’année.

 

Le (bon) mot de Thibaud C. : « En même temps moi non plus je ne voudrais pas être associé au Hall of Fame de la TNA »

 

 

Besoin d’une rallonge Bobby ?

 

 

NON, Dixie Carter ne sait toujours pas réaliser une intervention cohérente.

 

Quitte à reproduire la storyline à succès d’un catcheur-star menaçant de quitter la compagnie avec la ceinture suprême sous le bras, Dixie Carter a aussi copié-collé le rôle de la dirigeante prête à tout pour s’assurer que le contrevenant n’arrive pas à ses fins. À la manière d’un Vince et John Laurinaitis s’amenant aux abords du ring à Money In The Bank 2011, elle a donc montré le bout de son nez… à un moment du combat où Bully Ray dominait. Plus à une aberration près, elle a ensuite transmis une chaise… qu’on venait tout juste de lui passer, étrange travail à la chaîne pour l’usage de l’arme la plus courante dans le monde du catch. Le tenant du titre n’a naturellement pas tiré plus avantage que cela de l’offrande. Il a alors fallu mettre la pression sur Earl Hebner pour le contraindre à ne pas frapper les trois coups fatidiques. Dans un premier temps véhémente, Dixie est ensuite passée en mode pot de fleurs. Prostrée sur la rampe, elle n’a rien trouvé de mieux qu’admirer le final aux premières loges. Voir ou intervenir il faut choisir.

 

Le (bon) mot de Thibaud C. : « Déjà si Dixie ne se mettait pas des robes de clocharde on pourrait lui pardonner son jeu d’actrice. »

 

La nuit tombe sur San Diego, le sourire d’un AJ Styles victorieux au milieu du public ne trompe personne. L’horizon est sombre sur la Californie, état que la compagnie n’aura bientôt plus l’occasion de visiter au train où vont les choses. L’an prochain Bound For Glory fêtera sa première décennie, espérons que cela donnera lieu à un top 10 des meilleurs moments du show.

 

 

Pff encore raté ! J’avais bien potassé « Le heel-turn pour les nuls » pourtant.

 

 


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