Interview de Marc Mercier, suite et fin

le catch est un truc de con, fait par des cons, pour des cons.

Marc Mercier, lucide

 

Après la mise en bouche, le plat de résistance. Dans cette seconde partie, Marc Mercier évoque entre autres le milieu de catch français et l’avenir de la discipline dans l'Hexagone. Alors forcément, ça décape.

 

 

S’il reste une petite place à la FFCP, je veux bien. J’ai un projet de catchphrase assez sympa, basée sur des « oui » et des « non » que les trente personnes du public reprendraient en chœur pendant mon entrée. Si Marc pense que l’idée est bonne, bien sûr. Et je vois bien une feud entre Daniel Brillant et CM Musette.

 

 

Interview de Marc Mercier, président de la FFCP (2/2)

 

le catch est un truc de con, fait par des cons, pour des cons.

Marc Mercier, lucide

 

Après la mise en bouche, le plat de résistance. Dans cette seconde partie, Marc Mercier évoque entre autres le milieu de catch français et l’avenir de la discipline dans l'Hexagone. Alors forcément, ça décape.

 

 

S’il reste une petite place à la FFCP, je veux bien. J’ai un projet de catchphrase assez sympa, basée sur des « oui » et des « non » que les trente personnes du public reprendraient en chœur pendant mon entrée. Si Marc pense que l’idée est bonne, bien sûr. Et je vois bien une feud entre Daniel Brillant et CM Musette.

 

 

Interview de Marc Mercier, président de la FFCP (2/2)

 

 

Marc Mercier, ancienne gloire des rings français et internationaux a eu la gentillesse de nous accorder une interview-fleuve à son domicile. N’écoutant que sa passion, notre rédacteur de poche Major Tom a passé une paire d’heures en compagnie du fantasque président de la FFCP et nous rapporte ici le contenu de leur conversation. Comme d’habitude avec Marc Mercier, ça dépote et la langue de bois n’est pas de mise. Et comme d’habitude, il faut également savoir le lire entre les lignes. Car ce saltimbanque né n’a pas son pareil pour brouiller les pistes et se mettre en scène, à la manière d’un artiste naviguant dans les eaux troubles du show-business.

 

 

Mes auteurs préférés ? Pagnol, Zola, Les Cahiers du Catch et Baudelaire.

 

 

 

Vous reprenez la fédération en 2006. Avez-vous bénéficié de la mode du catch dans les cours de récré ?

 

Je reconnais que le produit américain a été une manne. Les mômes se sont intéressés au catch parce qu'il y avait les Américains à la télévision, c'est tout. J'en ai bénéficié, comme tout le monde.

 

À quoi ressemble la FFCP aujourd'hui ?

 

Ben… comme les autres…

 

Pas de différence ?

 

Si, quand même ! Je suis le seul et unique patron en Europe. Chaque année, je prends 100 000 euros de ma poche que je mets dans la cagnotte pour faire travailler les catcheurs. Interrogez ceux qui ont travaillé avec moi sur la dernière tournée d'été que j'ai produite. Ils vous diront que je suis un mec super bien, et vous n'entendrez aucune critique à mon égard, car ils voyaient bien que je perdais 4 000 euros tous les soirs, et que je les payais tous les matins. Je suis un vrai professionnel. J'aurais pu arrêter dès le deuxième jour de tournée, j'ai continué parce que je m'étais engagé.

 

La tournée d'été a donc été un échec ?

 

Oui. Il y a deux ans, je me suis gavé, et là j'ai tout perdu. Le catch est mort, et ils l'ont tué. Je dis la vérité sur Facebook, je montre les arènes vides (NDRL : 200 personnes par soir, environ), j'attends qu'on me dise « hahaha, c'est vide chez vous ». Pourquoi, chez vous c'est plein ? C'est vide partout en ce moment. Tout le monde s'en fout du catch, les gens c'est le football qu’ils veulent. Et le spectacle aussi c'est mort, d'ailleurs, il suffit de regarder la dernière tournée de Johnny ou de Yannick Noah… On est en période de crise. J'avais des filons avec Sarkozy à l'époque, mais maintenant c'est même plus la peine, Hollande a d'autres choses à faire, et il a bien raison d'ailleurs. Cela dit, c'est peut-être con de dire ça, mais si Marine Le Pen passe, là ça repartira. Eux ils aiment ça… J'ai beaucoup travaillé avec le père Le Pen dans ma jeunesse.

 

 

Promis, après la dette, le chômage, l’éducation, la justice et la sécurité, priorité sera donnée au catch français. Et en 2017, on la joue Extreme Rules avec le Boucher de Neuilly ! Je n’ai pas peur de son crochet.

 

 

« Ils », c'est la concurrence ?

 

Oui, ils ont tué le catch, toutes ces merdes. Je vais vous expliquer, c'est simple : un plateau de catch, si vous déclarez vos salariés, votre personnel, vous en avez pour 22 000 euros. Si vous voulez avoir une marge, il faut le vendre 30 000 à 35 000 euros. Les mecs le vendent 500 à 1 000 euros. Aucun n'est vraiment professionnel, en dehors de Flesh Gordon et moi qui ne vivons que de ça. Seulement deux patrons. Booster est dans les assurances, ou je ne sais quoi… Je ne vis que de ça ; quand je ne travaille pas, je n'ai pas d'argent. Eux y vont pour s'amuser, ils ne cherchent pas à gagner de l'argent. Et les combats… Je mets des clips avant mes combats. À vous de juger si c'est bien ou pas, regardez ce que font les autres !

 

On schématise parfois les fédés françaises en disant que la ICWA fait du catch « à l'américaine », vous « à l'européenne »… Quelles sont les différences ?

 

Et une pute qui vous suce la bite, qu'elle soit Américaine ou Française, elle vous suce la bite, non ? C'est le même métier, voyez-vous ! Qu'est-ce que c'est que ces conneries ? Catcheur américain, catcheur français, attendez… Le catch c'est du catch, la différence est dans l'organisation. Tous ces patrons de merde ne sont patrons que pour se mettre des ceintures autour du cou, comme Booster. Le problème, il est là ! Quand j'ai pris la FFCP, je n'ai fait qu'un seul combat en « Marc Mercier », pour sortir un connard qui m'est rentré dans la gueule pendant un championnat du monde, qui m'a blessé, que j'ai blessé. J'ai ensuite continué à catcher parce qu'il fallait un patron sur le ring, en cagoule en tant que « Rock Caroli »… C'était pas Marc Mercier ! Tous les soirs, je perdais mon combat, j'étais disqualifié. J'aurais pu me faire mousser, je ne l'ai pas fait. Aujourd'hui, White Storm est le champion FFCP, la ceinture, elle est chez lui à Narbonne. Et elle restera dans sa valise, vous comprenez ?

 

 

Marc a raison. Ici, à ce cours de fellation organisée à l’intention d’un groupe de prostituées, une Américaine, une Française, une Russe, une Espagnole, une Polonaise. L’art de la pipe est bien international et, partout dans le monde, consiste en effet à sucer la bite de son partenaire ou de son client. Un mauvais point pour notre rédacteur, qui devra pour la peine suivre lui-même un cours de fellation.

 

 

Comme sont vos relations avec Flesh Gordon ? Elles ne sont plus bonnes, aujourd'hui ?

 

Non, non, non… Je l'ai ridiculisé dans une interview en 2011, où j'amène toutes les preuves de ce que j’affirme. Jacky Richard, qui est un escroc – c'était un bon catcheur à l'époque, cela dit – est devenu un peu le porte-flingue de Flesh Gordon, avec un autre mec qui est mort, une grosse merde, Petit Pierre ; Jacky avait dit des choses sur moi dans une interview. Je les ai ridiculisés. Tous les mecs – Miseria, White Storm, Shanna… – sont partis de chez lui et venus chez moi, en disant « Monsieur Mercier, on a honte de travailler pour lui. »

 

Et avec Booster ?

 

Booster c'est autre chose, c'est un manipulateur. Quand je mets quelqu'un à l'affiche, comme Artemis, Ragnarok, des gens comme ça, la semaine d'après il les prend et il fait pareil. C'est moi qui paye le plus cher, 45 % au-dessus d'eux ; lui, il les paye 30 à 40 euros, les mecs… Je fais ma tournée, Booster voit qu'ils viennent tous chez moi et il l'a mauvaise. Et ensuite, c'est très grave, il lance des trucs à mon sujet. Je veux bien qu'on dise que je suis un alcoolique, que j'ai fait de la prison, tué des gens, que j'étais un grand bandit… On le voit en politique aujourd'hui, je vous le dis ouvertement : je suis anti-socialiste à mort, ce sont pour moi les plus grands fascistes de l'histoire, les plus grands escrocs. On le voit par exemple, avec ce machin dégueulasse pendant cinq ans contre Nicolas Sarkozy – on peut ne pas être d'accord avec lui, mais pas à ce point-là ! -, et aujourd'hui les gens l'ont bien dans le cul, et profond. Le catch c'est pareil. Tous les jours, j'ouvrais mon ordinateur en me disant « c'est pas possible de raconter des conneries pareilles », mais tous les meilleurs sont chez moi ou veulent l'être, comme Tristan Archer. Et ils me font confiance ! Et quand ils travaillent avec moi, qu'on part en tournée, je ne les mets pas dans des hôtels Formule 1, mais dans une villa à 5 000 euros la semaine avec piscine, sauna, jacuzzi, mes couilles… pour qu'ils soient confortables.

 

 

Croire, obéir, combattre !

 

 

Eux me disent « toi, tu es vraiment un grand patron ». Booster leur paye un casse-croûte et une chambre au Formule 1, à trois dans la chambre. Ce qu'ils disent ne tient plus la route ! Ils sont allés très loin sur Twitter, j'ai été obligé d'aller moi aussi très loin, et ils ont eu très peur. Ils s'attaquaient aux juifs par exemple, j'ai prévenu la LICRA. J'ai fait un encart sur ma page Facebook pour dire que ces mecs-là étaient des néo-nazis, ça les a tués.

 

En attendant, ils ont tué le catch en escroquant le public. Moi jamais, je lui ai toujours donné du beau – j'étais le premier en France à avoir des ponts de lumière à 80 000 euros -, j'ai investi de l'argent là-dedans, j'ai commencé à vendre des plateaux à 40 000 euros, et derrière on me disait « non, parce qu'on peut avoir des superstars à 1 000 euros ».

 

Vous ne pensez pas que cette rivalité ICWA/FFCP/WS contribue à tuer le catch en France ?

 

Je n'ai aucune animosité envers les merdes. Je ne m'en fous s'ils se tirent une balle dans le pied. J'ai 56 ans, d'autres intérêts dans ma vie que ce petit milieu du catch français, donc je n'en ai rien à foutre. C'est comme monsieur Agius, cette merde – c'est une merde pour moi, c'est un mec à qui on a donné un micro, ça s'arrête là. Quand je fais une réunion en 2007 avec toutes ces merdes, Agius, Gordon, Booster, je fais venir un traiteur, j'achète des alcools – je suis soi-disant alcoolique, mais Agius se vide deux bouteilles de Ricard. À l'époque on était tous syndiqués, donc je leur parle du syndicat des artistes, que mon père a monté avec Jean Marais et Michel Boussoufi ; je leur dis « on va reprendre le truc ». Ils n'ont pas compris qu'être syndiqué c'était une démarche personnelle, ça voulait dire payer sa carte, mais qu'il n'y avait pas de patron, c'était FO Artiste, pas moi ! « Mercier, il veut encore être le patron ! », « Je ne veux pas être le patron, bande de cons, je dis qu'il faut qu'on contrebraque les Américains ! »

 

 

Ben quoi « deux bouteilles de Ricard » ? C’était l’apéro, non ? #VoitPasTropOùEstLeProblème

 

 

Mon père a fait voter une loi en 1981, que vous trouverez sur internet. Monsieur Goldman, monsieur Gainsbourg, monsieur Bruel, monsieur Renaud Séchan ont fait voter une loi à 50/50 sur la variété française et la variété étrangère sur les radios, mon père a fait la même ! À partir de là, si je mets les télévisions en référés lundi matin, à partir de mardi on est à 50 % avec les Américains, ils arrêtent tout, parce que je me porte partie civile et ce sera des millions d'euros que les chaînes devront payer. Mais je ne le ferai pas, parce que je connais les plus grands producteurs, je sais qu'ils arrêtent. Le catch est terminé, ils n'en veulent plus.

 

Revenons-en à la concurrence…

 

Ces mecs-là ont tué le métier. Est-ce que vous me voyez à la télévision ? Je suis toujours un mec propre, on peut me reprocher mon discours, quand on est un homme public on accepte les critiques. Mais est-ce que vous voyez ma femme, mon fils, mon père ? Est-ce que vous me voyez dans des situations embarrassantes ? Jamais. Je suis bien habillé, propre, je parle de mon métier avec passion, je dis la vérité au maximum. Booster vous le voyez, dans sa petite maison pourrie en train de bouffer des patates chaudes avec sa femme, ses gosses qui gueulent, le chien qu'est là… Ça casse le catch, ça ne représente pas le côté artistique du tout. On m'a reproché d'être un menteur, un mythomane, je vous explique : à l'époque, on inventait des histoires dans le catch comme dans la chanson. Johnny a eu mille accidents de voiture qui n'ont jamais eu lieu, Claude François a failli mourir sur scène mille fois alors qu'il était en pleine forme physique. On alimentait une presse people, pour que les gens viennent. Le spectacle est un métier de menteurs. Monsieur Booster a dit la vérité. « Non, non, les mecs sont payés trente euros, on prépare tout, c'est du bidon ! » Il a tout cassé. Maintenant quand vous mettez une ceinture en jeu, on sait que c'est bidon, ça sert à quoi de payer ?

 

 

Ah ça, ce n’est pas Marc que vous verrez poser en famille sur Facebook.

 

 

Et ce n’est pas non plus parmi ses photos que vous trouverez trace de ses chiens.

 

 

Revenons à la FFCP. Parmi vos talents, certains seraient susceptibles de s'exiler aux États-Unis, et d'avoir du succès comme peut en avoir aujourd'hui Tom La Ruffa/Sylvester Lefort ?

 

Impossible. Charles Aznavour, qui était une star mondiale disait « je fais des concerts aux États-Unis, mais ça me fait chier, mon public il est en France. » Pourquoi aller s’exiler là-bas ? Qu'est-ce que les États-Unis ont de plus que nous ? Ah mais attendez, dans ce cas, ils peuvent tous y aller ! Ils iront catcher là-bas plutôt qu'ici, mais je ne vois pas l'intérêt ! Je dis à mes mecs « n'allez surtout pas vous foutre dans la gueule du loup là-bas, ils vont vous prendre du pognon… »

 

Il est donc impossible pour un Français de réussir à la WWE ?

 

Mais attendez vous rêvez ? Vous êtes un bobo ou quoi ? Vous croyez que ça marche comment ? Vous êtes déjà allé aux États-Unis, vous avez vu comment c'est aux aéroports ? Pas comme à Roissy ! Vous ne rentrez pas comme ça ! Il y a un Français qui est en prison depuis cinq ans pour avoir dit qu'il venait pour mettre une bombe ! Dans une cellule sécuritaire et il est loin d'en ressortir, on ne rigole pas ! Les Américains ont des syndicats puissants qui contrôlent ce genre de business comme Frank Sinatra contrôlait le business artistique avec la mafia américano-italienne. Aucun Français, aucun Autrichien. Un Français comme Duprée qui est là-bas, il n’est pas Français, pas Canadien, il est Américain, il est né aux États-Unis ; je le connais très bien et mon père a catché d'innombrables fois avec le sien. Ils n'accepteront jamais.

 

Et les Anglais, les Regal, Barrett, ou les Irlandais comme Sheamus ?

 

Pareil ! Ce sont des Américains ! Quand Alain Delon jouait Le Gitan, il n’est pas gitan, il est Alain Delon. Ce sont tous des Américains, Rey Mysterio est un Américain ! Votre culture de catch, elle vient de ce que les patrons du catch américain vous racontent ! De ce qu’il veulent. On vous dit que le patron de la WWE, c'est machin, mais ce n’est pas lui ! Ce sont les grosses sociétés financières, les holdings qui sont derrière. Quand vous êtes côtés en bourse comme la WWE, qui d'ailleurs ne s'appelle pas WWE en bourse, mais WWE consulting je ne sais plus quoi (NDLR : World Wrestling Entertainment, Inc), ce ne sont pas les petits catcheurs qui sont derrière, ce sont de grands et puissants patrons, comme L'Oréal en France ou autres. Ce sont ceux qui ont cette manne financière qui gèrent la WWE. Si on avait la même chose, on ferait pareil, je ferais des scénarios toutes les semaines et on tournerait là-dessus…

 

 

BWARG ! BWARG !

 

 

En résumé, le message c'est « tout le monde peut essayer, personne ne peut réussir » ? 

 

Vous avez un mec en France, La Miseria, « Blue Falcon » aujourd'hui. Quand vous regardez son travail, c'est dix fois mieux que Rey Mysterio. Pourquoi il n'y est pas ? Quant à Shanna, avec qui je suis en guerre, je me suis engueulé sévère avec elle, c'est la meilleure. Pourquoi elle n'est pas aux États-Unis ? Quand je lui ai dit qu'elle n'irait jamais à la TNA ou ailleurs, ce n'était pas elle que je visais, elle n'a pas compris. Ce n'est pas pour son talent, elle est bien meilleure que certaines catcheuses américaines. Elle est bien plus jolie que certaines catcheuses américaines, et c'est une vraie artiste ! Je l'ai reçue mille fois chez moi, il faut voir comment elle s'habille, c'est une fille qui est propre, qui s’entraîne, qui est une vraie sportive. Je lui reconnais d'innombrables qualités, à part d'être une casse-couilles, donc généralement tous les deux ans je me fâche avec elle et après ça va mieux. Si je l'appelle dans six mois sur un gros projet à 500 euros la soirée, elle viendra, rassurez-vous ! Mais aux États-Unis, elle n'ira pas parce que les Américains n'accepteront pas !

 

 

Effectivement, Shanna s’habille SUPER BIEN ! Et y a baston à la rédac' pour aller l'interviewer.

 

 

Et donc l'expérience La Ruffa ne réussira pas ?

 

Mais jamais de la vie ! Il va revenir. Et il dira « ça me gonfle, j'en ai marre. »

 

Comme Di Léo ?

 

Quelle merde, lui. La Ruffa, je ne l'aime pas en tant qu'homme, mais comme catcheur, il est parfait. Il en impose, même si c'est quand même un petit mec. N'empêche qu'il aurait sa place sur un ring WWE ! Il ne percera pas à moins que les syndicats changent.

 

Et André ?

 

C'est autre chose, c'était à l'époque des frères Rougeau. La structure n'était pas la même, les investisseurs n'étaient pas là, il n'y avait que quelques mecs, des anciens du catch – comme Martinson, que vous n'avez pas connu et qui était patron avec les Rougeau. Je les ai bien connus. Mon père a fait le Madison Square Garden. Duranton, Delaporte, Bollet, des dizaines ont catché là-bas à l'époque, mais c'était eux les vedettes mondiales. 

 

Vous n'aimez donc pas le catch américain actuel ?

 

Ce n'est pas que ça ne me plaît pas, je ne le regarde pas. Pas plus que le catch français, d'ailleurs. Je suis un business man, quand j'ai fini mon travail, je vais faire d'autres choses. Je lis, par exemple. Ce qui me choque d'ailleurs quand je vais chez les catcheurs ou les patrons, c'est qu'il n'y a jamais aucune bibliothèque chez eux. Ça me choque un peu. J’ai d'autres centres d'intérêt, voire professionnels que le catch.

 

 

Marc exagère un peu. Ici, une photo exclusive de la bibliothèque de Lucas Di Léo.

 

 

Aujourd'hui, c'est un métier plus qu'une passion ?

 

C'est un métier, mais je n'ai pas assez de sept jours pour le faire. J'ai rendez-vous avec de grandes personnalités du show-business pour leur faire avaler mon truc. Et ça ne fonctionne pas, d'ailleurs ; et pourtant ils aiment mon produit.

 

À l'image du catch américain, à vous entendre…

 

Le catch c'est terminé. Ça fait plus de trente ans que ça dure, 1980-2013, un produit va rarement au-delà de trente-cinq ans, donc c'est mort. Le catch fonctionnera aux États-Unis, mais doucement, comme en Europe aujourd'hui. La grosse machine, c'est terminé, c'est le début de la fin. D'ailleurs, si vous allez à Bercy, vous vous apercevrez qu'il y a beaucoup de sièges vides.

 

 

Notre journaliste a été vérifier immédiatement. En effet, il y a beaucoup de sièges vides à Bercy.

 

 

Ça pourrait revenir, d'après vous ?

 

Dans vingt ans, trente ans… ce sont des effets de mode. Mais avec une autre fédération, d'autres systèmes ; le système en lui-même est cuit. Pour parler de ce que je connais le mieux, la France : le catch est considéré comme vulgaire, il est mal perçu par les gens. Il y a eu cet effet de mode, mais on s'est aperçu que les catcheurs étaient des bouchers, des charcutiers, des brancardiers, en un mot des amateurs. On allait voir un cracheur de feu, une pom pom girl, mais pas un vrai artiste qui arrive avec des gardes du corps, une belle bagnole… Il faut changer le produit. Vous connaissez Jean-Claude Camus ? Je travaille avec lui depuis dix-huit mois sur une tournée mondiale, pour aller niquer les Américains chez eux. Mais ça nous coûte énormément d'argent. On voulait faire le démarrage en 2014, au Palais des Sports de Paris, mais les télés sont frileuses et ne veulent pas venir. Si les télés sont frileuses sur un produit à 500 000 euros en collaboration avec la société de mon fils et celle de Camus, c'est qu'elles ne voudront plus jamais de catch en France. Moi, je ne vais pas au bistrot du coin manger, mais chez Costes, dans des restaurants comme ça, toutes les semaines, où je dîne avec des gens importants devant quelques bouteilles de champagne. On est très amis, on discute, mais ils me disent « ton truc n'est pas viable ».

 

Combien de catcheurs en vivent aujourd'hui, en France ?

 

Zéro. Personne. Di Leo par exemple est à trente euros chez Booster, et il a dit « j'arrête tout ». C'est tous des Jospin en vérité, « je quitte définitivement le monde du catch », et ils reviennent « je fais mon come-back à Trifouilly les deux couilles, place du marché. » Qui connaît à part vous Lucas Di Léo en France ? À part dix fans sur internet, vous le mettez à l'affiche, il n’attire personne. J'ai mis des gros, moi, à l'affiche.

 

 

Marc exagère un peu. C’est très sympa Trifouilly-les-deux-couilles. Y a même un PMU à côté de l’église.

 

 

Lesquels, par exemple ?

 

Je ne sais pas si je remplissais grâce à eux, mais j'avais Tiny Iron, Bambikiller, Kovac, des mecs comme ça ; je faisais 3500 personnes. Ce sont des vrais catcheurs, ces mecs-là, avec Johnny Moss, P.A.C ; et les étrangers en vivent, car ils travaillent avec le Japon, l'Afrique, l'Amérique du Nord, dans des petites fédérations… Ils gagnent leur vie, 3 000 euros par mois.

 

Quels sont vos projets pour l'avenir ?

 

J'ai un projet, c'est le seul truc qui peut sortir le catch de la merde en France. Un projet à 90 millions d'euros, qui s'appellerait la « Catch Academy ». Une télé-réalité. Certaines maisons de production seraient intéressées pour un truc social. Sauf que j'ai déposé le projet, personne ne peut me le prendre, et c'est pour ça qu'Alexia Laroche-Joubert a refusé, parce qu'elle serait dans l'obligation, sur un projet de huit mois, de me donner 45 millions d'euros ; et ça la fait chier. Si j'arrive à négocier ce projet, on fera des apprentis catcheurs français de vraies vedettes, comme dans la Star Academy, et on partira en tournée, on fera du 5 000 personnes tous les jours. Sauf que tout sera cloisonné, les autres ne pourront pas travailler, ou seront obligés de monter des sociétés comme moi. Sinon je les dénoncerai pour concurrence déloyale. Le projet est écrit depuis quatre ans et ça peut se concrétiser, même si c'est aujourd'hui compliqué, car les chaînes n'ont plus rien et refont tout le temps la même chose ; mais après la cuisine, ils vont venir chez moi.

 

 

Regardez comme elle est croquante et croustillante, cette corde à linge !

 

 

En ce moment, je fais des médias bobo, j'ai été approché par les Inrock la semaine dernière, je vais faire Lapix dans C à vous, Le Petit Journal m'a contacté, mais je n'ai rien à leur donner… Mon fils, polytechnicien, a repris la société, et ses associés sont tous des polytechniciens ou des centraliens. Ils ont un autre horizon mental que ces connards du catch, et que moi aussi d'ailleurs. En février, nous ferons sans doute un show au Bikini à Toulouse, avec un DJ… Il faut changer le concept du catch.

 

Et la Catch Academy ?

 

Je rouvre aussi la Catch Academy en octobre, mais ça marche moins… Les mecs veulent faire du catch, et ça fait trop mal. Les mecs arrivent avec de la musique et une cagoule. Je leur dis « tu m'enlèves ça, la musique, tu me la mets à la poubelle, va mettre un survêtement. » C'est du sport, donc ils ne restent pas. Mais je vais vous dire… vous voulez vraiment que je sois transparent ? Alors écoutez bien : le catch est un truc de con, fait par des cons, pour des cons. Comme certaines émissions de télévision. Je suis un professionnel, je n'ai jamais été attiré plus que ça par le catch, c'était une suite logique de ma carrière de sportif ; j'en ai fait un métier, car j'estimais que c'était mieux que d'aller travailler à l’usine. Je ne me suis jamais branlé sur le catch, j'ai préféré d'autres choses. Si le catch continue à me rapporter beaucoup d'argent, je continue, s’il continue à m'en coûter beaucoup, j'arrête. Et on n'entend plus jamais parler de moi, du moins dans le catch. J'ai mille projets dans les affaires, je suis un homme d'affaires, il n'y a pas que le catch ! J'avais même l'idée de produire des chanteurs, mais c'est un peu compliqué, si vous ne produisez pas du chanteur connu, c'est très dur au départ de faire un vrai spectacle devant deux cents personnes ; ça coûte de l'argent… On en revient au problème du plateau de catch.

 

 

Fin apocryphe et un chouille private*

 

Notre interview s'achève ici. Merci beaucoup, monsieur Mercier.

 

Merci à vous. J'ai juste une question de merde, un doute qui me ronge depuis la début de votre interview de merde : vous avez un lien de parenté avec Hornswoggle ? Non parce que ce mec, c'est une vraie merde. Mon père a bien connu le sien, un nain de merde qui catchait de temps à autres pour lui au Madison Square Garden.

 

* pour qu'elle ne le soit plus : selon la légende urbaine, l'auteur de l'interview, Major Tom, est un petit être haut comme deux pommes (pas trois, deux) que nous appelons affectueusement le nain.

 

 

Le mot de la fin :

 

Merci mille fois à Marc Mercier de nous avoir accordé cette passionnante interview. Et bon vent à tous les catcheurs, arbitres et techniciens de la FFCP. Enfin, que tous les patrons des fédérations françaises se fassent des bisous. En bon bisournous, nous n'aimons pas la guerre. Elle nous fait bien trop peur et nous ne supportons pas la vue du sang.

 

 

« Le catch est un truc de con, fait par des cons, pour des cons. »

Il n’a peut-être pas tout à fait tort…

 

 

 


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