FFCP, une histoire de catch

Le catch nous sert à part égale une part de rêve et une part d'enfance.

Marc Mercier

 

Cette semaine, une fois n’est pas coutume, les Cahiers du Catch délaissent quelque peu les aventures des super-héros de la WWE et braquent leurs projecteurs sur la plus vieille fédération de France, la mythique Fédération Française de Catch Professionnel. Présentation de la FFCP, interview-fleuve de son président, focus sur sa tournée d’été… les jours qui viennent seront placés sous le signe du bleu-blanc-rouge.

 

Cocorico, baby !

 

 

Présentation de la Fédération Française de Catch Professionnel

 

Le catch nous sert à part égale une part de rêve et une part d'enfance.

Marc Mercier

 

Cette semaine, une fois n’est pas coutume, les Cahiers du Catch délaissent quelque peu les aventures des super-héros de la WWE et braquent leurs projecteurs sur la plus vieille fédération de France, la mythique Fédération Française de Catch Professionnel. Présentation de la FFCP, interview-fleuve de son président, focus sur sa tournée d’été… les jours qui viennent seront placés sous le signe du bleu-blanc-rouge.

 

Cocorico, baby !

 

 

Présentation de la Fédération Française de Catch Professionnel

 

 

Le catch français ne se porte pas bien, ce n’est pas nouveau. Le tsunami catchesque qui a déferlé sur le pays de Voltaire et de Bigard en 2008 est devenu une timide vaguelette venant mourir doucement sur le sable des plages désertées du sport-divertissement. Cette époque où tous les gamins se prenaient pour John Cena et l’Undertaker dans les cours de récré est révolue, tout comme celle où les fédérations poussaient comme des champignons pour profiter de l’élan suscité par la mode du catch dans l’hexagone. Ce qui est un mal pour un bien tant certaines d’entre elles proposaient un produit de bien piètre qualité peu susceptible de redorer le blason d’une discipline mal aimée au pays des Lumières. Conséquences de cette contraction du marché, la loi de Darwin s’est appliquée naturellement et les structures les moins solides ont disparu, même si quelques scories sont encore à déplorer. Ne subsistent plus en France que quelques grandes fédérations historiques, au passé suffisamment glorieux pour résister tant bien que mal à la crise qui frappe le milieu de l’échange de la torgnole en slip de cuir, ainsi qu'une poignée de jeunes et sérieuses compagnies. Parmi ces survivants, la Fédération Française de Catch Professionnel (FFCP) n’est pas la dernière à tirer son épingle du jeu. Grâce à son prestigieux passé, bien sûr, mais aussi et surtout grâce à la volonté de fer de son président actuel, l’inénarrable Marc Mercier, ancienne vedette du catch français (et au-delà) qui dirige de main de maître la FFCP depuis 2006.

 

 

En bleu-blanc-rouge

 

 

C’est en 1933 qu’est née la FFCP. C’est à dire il y a une éternité. La fédération, qui est une des plus anciennes au monde encore en activité, si ce n’est la plus ancienne, a été créée par un certain Raoul Paoli. Avec son ami Henry Deglane, champion olympique de lutte gréco-romaine aux JO de Paris de 1924 qui a découvert le catch aux États-Unis, ils sont les premiers à populariser la discipline en France. Très proches de ceux de la lutte amateur (La FFCP est alors affiliée à la Fédération Française de Lutte et en constitue la branche professionnelle.), les combats sont très statiques. Pas question de s’envoler depuis le haut de la troisième corde : le catch de l’époque se résume à un enchaînement de prises au sol, de clés de bras et d’immobilisations. Old school, baby ! Mais le public accroche et ne manque pas une occasion de se rendre au Vel’ d’Hiv’ pour assister aux exploits de ces athlètes baraqués issus de la lutte ou de l’haltérophilie. Dans les années 50, l’Ange Blanc et le Bourreau de Béthune popularisent le sport-divertissement comme il ne l’a jamais été et ne le sera probablement plus jamais. Et le 23 mars 1960, quand Raoul Paoli passe l’arme à gauche, Roger Delaporte devient le président de la FFCP et va profiter à plein de l’âge or du catch en France pendant quelque deux décennies.

 

 

À l’époque, le monde était déjà méchant. Et Delaporte aussi.

 

 

Delaporte et les années folles

 

Né en 1928, Roger Delaporte est un sportif accompli. Après le football, le rugby, la boxe ou la lutte gréco-romaine, ce touche à tout est vite attiré par le catch, une jeune discipline qui le passionne. Et c’est sur les rings parisiens qu’il devient une vedette de cette « lutte professionnelle » qui compte déjà quelques personnages hauts en couleur. Avec André Bollet ou Paul Villar (le Boucher de la Villette), il règne en heel sur le catch par équipe et fait les beaux jours de l’ORTF qui retransmet les exploits de Delaporte et de ses compères. Dirigeant dans l’âme, il rachète l’Élysée Montmartre laissé à l’abandon puis prend la tête de la FFCP à la mort de Paoli, en 1960. Le catch est alors au sommet de sa gloire en France. Et si la FFCP n’est plus fédérale, mais bien associative ou sociétaire, la fédération demeure sous la houlette de Delaporte une place forte du catch français.

 

L’âge d’or que l’on évoque lorsqu’il s’agit de qualifier les années 50 et 60 n’est pas une expression toute faite et vide de sens. Les héros que sont alors l’Ange Blanc et le Bourreau de Béthune, son pendant maléfique, remplissent les salles parisiennes. L’Élysée Montmartre fait le plein trois soirs par semaine (du jeudi au samedi), mais n’est pas la seule enceinte mythique à accueillir des athlètes en slip : le Cirque d’Hiver ou la Mutualité ne sont pas en reste et c’est sept jours sur sept que le catch est à l’affiche à Paris, quand il n’est pas à l’honneur en banlieue de la capitale ou en province. Mieux encore : ils sont plus de 15 000 à accourir au Vel’ d’Hiv’ pour ne rien perdre des acrobaties de l’Ange Blanc pour son premier match dans cette arène chargée d’histoire. Il s’y impose contre le Boucher de Béthune malgré une intervention illicite de… Roger Delaporte.

 

 

Le gentil en blanc, le méchant en rouge sombre, le catch des années 50, c’est simple au premier coup d’œil. En gros, rien n'a changé.

 

 

Dans les années 60, surfant sur la vague de cet engouement populaire, la télévision (l’ORTF) retransmet les exploits de l’Ange Blanc et du Bourreau de Béthune en prime time (si si) et la France entière assiste avec gourmandise aux affrontements de ses héros. Le regretté Roger Courderc est aux commentaires, accompagné de Léon Zitrone et d’un certain Thierry Roland, jeune journaliste sportif. Bref, le catch produit des vedettes à tour de bras, passionne les foules et s’impose dans la culture populaire. C’est en bleu de travail que l’on se rend à l’Élysée Montmartre. Roger Delaporte est alors un catcheur reconnu et un promoteur de talent qui dirige avec brio la FFCP. Il découvrira notamment un jeune champion, à la fin des années 70, Marc Mercier, qui fera les beaux jours de la fédération en remportant titre sur titre dans les années 80. Mais cette triste décennie, incontestablement la plus gerbitive en matière de mode et de musique, voit le catch décliner sévèrement dans l’hexagone. Incapable de se renouveler, la discipline patine et le public se lasse d’autant plus que les Américains dynamitent un sport-divertissement vieillissant à grands coups de mise en scène hollywoodienne. En 1986, Roger Delaporte jette l’éponge et met en sommeil la FFCP. Elle n’en sortira qu’en 2006, réveillée par un doux baiser de son petit prince Marc Mercier, ou par une grande claque dans la tronche, les historiens ne sont pas formels sur ce point.

 

 

C’était pas une baffe. Juste une caresse un peu stiff.

 

 

Mercier et le renouveau

 

En 2006, Marc Mercier ranime la FFCP, conscient que le catch doit évoluer s’il souhaite survivre face à l’ogre américain. Son premier objectif : créer une école de catch, la Catch Academy, former de nouveaux athlètes français et organiser des tournées en respectant les critères d’une discipline qui fait désormais la part belle au spectacle. Biberonné aux shows produits au pays de l’Oncle Sam, les spectateurs veulent que ça pète. Les moyens mis en œuvre par le nouveau président, techniques et médiatiques, contribuent alors à moderniser le milieu. Dès sa création, la Catch Academy est un succès (entre 50 et 100 catcheurs y sont formés chaque année), notamment grâce à sa vocation socio-éducative qui voit la fédération accueillir des jeunes sans emploi issus des quartiers défavorisés. L’initiative rencontre un succès certain, alors que l’engouement pour l’échange de baffes en slip semble de retour en France. Fort d’un vestiaire jeune, mais motivé, la FFCP part en tournée sur le territoire national entre 2007 et 2009 et organise la bagatelle de 260 shows du nord au sud du pays. Le succès est au rendez-vous, le public répond présent et les médias braquent à nouveau leurs projecteurs sur cette vieille fédération qui renaît de ses glorieuses cendres. La Catch Academy, aujourd'hui en stand-by, se porte à merveille et ses vertus pédagogiques et éducatives attirent même l’œil du gouvernement, qui s’intéresse de près aux projets de Marc Mercier en faveur des jeunes de banlieue.

 

 

Et dans les Hardcore Matchs, vous avez droit au karcher ?

 

 

Motivé par le succès du Catch Academy Tour, Marc Mercier voit plus grand et investit. Il souhaite que la FFCP passe à la vitesse supérieure et lorgne désormais sur les salles de plus larges dimensions comme les Zéniths et les Palais des Sports. Dès 2009, la fédération compte sur la participation de quelques grands noms du catch européen, et entre 2010 et 2011, les troupes de Marc Mercier partent à nouveau sur les routes hexagonales pour une nouvelle tournée intitulée « Les Superstars du Catch ». Une fois de plus, c’est un succès : 48 spectacles sont organisés, réunissant chaque soir entre 2000 et 6000 spectateurs. Mais l’horizon s’obscurcit : le catch a mauvaise presse et sa réputation s’écroule à mesure que les accidents se multiplient dans les cours de récré. La discipline n’a plus la cote, et le marché s’effondre peu à peu. Résultat, malgré tous les efforts de la FFCP et de son président, la tournée d’été 2013, dans les arènes du sud de la France, est un échec cuisant. Les moyens mis en œuvre et un plateau de qualité (qui comprend notamment la jeune et talentueuse arbitre bordelaise Artémis d’Ortygie) n’y changent rien : les travées sont vides, le public boude un sport-divertissement passé de mode. C’est la crise.

 

 

Sur cette photo, il ne manque que les catcheurs de la FFCP pour restituer fidèlement l’ambiance de la tournée des arènes.

 

 

Amer, Marc Mercier songe alors à jeter l’éponge et à fermer définitivement la FFCP. Il n’a pas de mots assez durs pour qualifier la concurrence, responsable selon lui de ce déclin inexorable et n’a pas vocation à perdre de l’argent indéfiniment. Mais l’ancien champion du monde n’est pas de ceux qui baissent les bras au premier revers et après mûre réflexion, il décide de jeter une dernière fois ses forces dans la bataille. La FFCP travaille donc actuellement sur une nouvelle tournée, en région parisienne, qui devrait se dérouler entre novembre 2013 et juin 2014. Si l’expérience est concluante, les athlètes, dont le Champion de la fédé Marc Sébire, partiront à nouveau sur les routes françaises dès l’été prochain. Un baroud d’honneur à quitte ou double. Qui symbolise bien l’énergie débordante et la volonté de la FFCP version Mercier.

 

 


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