L’Icône

Shawn Michaels is the greatest wrestler of all time.

Phrase prononcée à diverses occasions par Hulk Hogan, l’Undertaker, Ric Flair, Chris Jericho, Triple H, Kurt Angle, Jim Ross, Vince McMahon. Liste non exhaustive.

 

Si l’influence d’un catcheur se mesure à l’estime en laquelle le tiennent les plus grandes stars de la profession, Shawn Michaels n’a pas de souci à se faire dans ce concours…

 

 

Aux grands hommes, la patrie reconnaissante.

 

 

Les dix catcheurs les plus influents de la WWE (6/10) :

Shawn Michaels

 

Shawn Michaels is the greatest wrestler of all time.

Phrase prononcée à diverses occasions par Hulk Hogan, l’Undertaker, Ric Flair, Chris Jericho, Triple H, Kurt Angle, Jim Ross, Vince McMahon. Liste non exhaustive.

 

Si l’influence d’un catcheur se mesure à l’estime en laquelle le tiennent les plus grandes stars de la profession, Shawn Michaels n’a pas de souci à se faire dans ce concours…

 

 

Aux grands hommes, la patrie reconnaissante.

 

 

Les dix catcheurs les plus influents de la WWE (6/10) :

Shawn Michaels

 

 

Avant de commencer, un rapide rappel de la liste des dix nominés pour lesquels il vous faudra voter en fin de concours :

 

Stone Cold Steve Austin

John Cena

André le Géant

Bret Hart

Hulk Hogan

Shawn Michaels

The Rock

Triple HHH

Bruno Sammartino

The Undertaker

 

 

Il existe des tâches plus aisées que défendre les chances de Shawn Michaels dans un concours visant à désigner le catcheur le plus influent de tous les temps. A première vue, la cause est presque désespérée : si le Kid de San Antonio aurait été, sans l’ombre d’un doute, un candidat très sérieux au titre de « meilleur catcheur » de l’Histoire, il paraît difficile d’asséner qu’il aura été plus « influent » que n’importe lequel de ses collègues. Michaels ne possède pas la notoriété mainstream de Hulk Hogan ou du Rock, il n’est pas un pionnier comme Sammartino ou André, il n’est pas l’incarnation ultime d’une époque comme Austin ou Cena, il ne projette pas la même mystique que l’Undertaker, ne dirige pas la WWE en sous-main comme Triple H et n’a pas fait main basse sur le concept d’excellence comme Bret Hart. Pourtant, ce défi peut être relevé, à une condition : il convient, avant de se lancer dans le panégyrique du plus sexy des bigleux, de se demander ce que recouvre exactement le terme central de notre questionnement, à savoir l’influence. Et c’est une fois ce petit exercice effectué que l’on comprend que le talent incomparable de Shawn Michaels, couplé à son exceptionnelle longévité et à sa versatilité sans pareil, fait justement de lui le catcheur le plus influent à avoir jamais lacé des chaussures de combat.

 

 

Sur cette image, il y a le meilleur catcheur qui fut, est et sera. Ah, et y a Bret Hart aussi.

 

 

Mes camarades ont beau jeu de mettre en avant le pedigree de leurs poulains en termes de nombre de followers Facebook, d’imaginary brass rings (pour reprendre la formule employée par CM Punk dans sa fameuse promo shoot de 2011 afin de dénigrer l’importance des titres de champion), de gloire acquise en dehors des rings, etc. Mais l’influence d’un catcheur, c’est aussi — ET SURTOUT, à mon sens — le cœur de son métier, à savoir ce qu’il fait dans le ring. Sans grands catcheurs pour faire vivre ses récits en livrant des matchs inoubliables, la WWE ne serait qu’une coquille vide. L’enrobage est important, mais le contenu est fondamental. Et dans un ring, Shawn Michaels aura été, un quart de siècle durant, l’étalon-or du catch. Les tours de force de Bruno, André ou Hogan, les vociférations d’Austin ou du Rock, les marches funèbres du Taker, les opérations caritatives de Cena, les manœuvres backstage de Triple H, les proclamations d’excellence de Bret Hart, tout cela est, sans doute, essentiel pour la communication, l’image, la célébrité de l’entreprise qui les emploie. Mais une fois toutes ces strates de marketing écartées comme les feuilles d’un artichaut, il reste le noyau, la base, le fondement du catch : le match, dans sa double dimension technique et narrative. Et là, Michaels aura exercé son magistère sur la WWE près d’un quart de siècle durant, multipliant non seulement les combats les plus fascinants mais aussi les gimmicks les plus contrastés. Mille fois imité, jamais égalé, Shawn Michaels EST le catch dans son essence même.

 

Cet homme a été le heel le plus haï d’une époque et le face le plus adulé d’une autre. Il aura joué avec le même succès le beau gosse surdoué à l’ego surdimensionné (un rôle qui n’était pas vraiment de composition, d’ailleurs) que le leader d’une stable emblématique, le déconneur bon enfant, l’époux vengeur, le larbin humilié, le vieux guerrier en quête d’un dernier défi qu’il sait mortel, et j’en passe. En matière de variété des rôles endossés, seul Triple H, parmi ses neuf adversaires, peut se targuer d’une diversité comparable. Mais The Game, malgré tout son talent, n’évolue pas dans la même catégorie que son vieil acolyte en termes d’excellence et de richesse technique.

 

Car Michaels se trouve tout en haut de l’échelle pour ce qui concerne le travail entre les cordes. Il aura d’abord porté sur les fronts baptismaux un nouveau style de catch par équipes, rapide et aérien, avant de se lancer en solo et d’écrire, entre autres morceaux de bravoure, la légende de l’Iron Man Match, du Ladder Match et du Hell in a Cell, pardonnez du peu. Highflyer de tout premier ordre à ses débuts, il se sera mué au fil des années en brillantissime technicien du catch au sol mais aussi en brawler intrépide, tirant le meilleur d’un gabarit très moyen pour sa profession, et n’hésitant jamais à subir les bumps les plus dangereux pour notre bon plaisir. Irréprochable dans le storytelling et le selling (voire l’overselling quand la situation le commandait) il a toujours eu un don exceptionnel pour nous faire accrocher à son personnage, dont chaque geste, chaque mimique, chaque mot, a toujours parfaitement collé à l’histoire du moment.

 

 

Le secret de la sincérité des mimiques de Shawn, c’est que personne ne lui a dit que le catch était scripté.

 

 

Et puis, bien sûr, non content d’offrir au public, sur quatre décennies, pléthore de combats épiques en weekly, il aura mille fois mérité le titre officieux de Mr Wrestlemania, par ses performances fabuleuses sur le Grandest Stage. Je ne vais pas vous égrener les faits saillants de cette carrière miraculeuse, démarrée à la WWE à l’âge de 23 ans en 1988 et glorieusement achevée en 2010 en main event de Wrestlemania (pour ça je vous recommande chaudement l'article très complet que lui avait consacré Sarah-Gatina ici), mais je ne résiste pas au plaisir de simplement coller ici la liste des participations de HBK au « Match of the Year » élu par Pro Wrestling Illustrated :

 

PWI Match of the Year (1993) vs. Marty Jannetty on Monday Night Raw on May 17

PWI Match of the Year (1994) vs. Razor Ramon in a Ladder match at WrestleMania X

PWI Match of the Year (1995) vs. Diesel at WrestleMania XI

PWI Match of the Year (1996) vs. Bret Hart in an Iron Man match at WrestleMania XII

PWI Match of the Year (2004) vs. Chris Benoit and Triple H at WrestleMania XX

PWI Match of the Year (2005) vs. Kurt Angle at WrestleMania 21

PWI Match of the Year (2006) vs. Vince McMahon in a No Holds Barred match at WrestleMania 22

PWI Match of the Year (2007) vs. John Cena on Raw on April 23

PWI Match of the Year (2008) vs. Ric Flair at WrestleMania XXIV

PWI Match of the Year (2009) vs. The Undertaker at WrestleMania XXV

PWI Match of the Year (2010) vs. The Undertaker in a Career vs. Streak match at WrestleMania XXVI

 

(eh ouais je vous ai mis les liens qui vont bien, c’est cadeau : les highlights en HD quand je les ai trouvés, les matchs en entier quand il n’y avait que ça)

 

C’est absolument sidérant, et ça l’est encore plus quand on sait que Michaels n’a pas catché de la mi-1998 jusqu’en 2002 à cause d’une blessure au dos. Si l’on exclut les années 1999, 2000 et 2001, il aura donc été dans le combat de l’année onze fois sur seize possibles sur l’époque allant de 1993 (année de son accession au main event) à 2010 (année de sa retraite). Et dans le lot, il y a un match contre Diesel et même un contre Vince, c’est dire ce qu’il aurait fait d’un balai… Bien évidemment, aucun autre catcheur n’atteint un score ne serait-ce qu’approchant. Pour la bonne bouche, on ajoutera qu’en 1997, année où PWI choisit comme match de l’année le fameux Hart-Austin de Wrestlemania, HBK avait été couronné par le Wrestling Observer d’un match cinq étoiles pour son Hell in a Cell contre l’Undertaker à Badd Blood.

 

 

Pour tirer le match de l’année d’un sexagénaire non catcheur, c’est simple : foutez-le dans une poubelle et laissez Shawn Michaels faire le reste.

 

 

L’influence suprême de Michaels est là, dans ses performances phénoménales et répétées sur une durée inouïe. Lors de son départ en retraite, Edge avait dévoilé un tshirt proclamant « I’ve done it all ». Sans manquer de respect au génial Canadien, ce slogan aurait bien mieux convenu à celui qui aura fièrement porté les surnoms de Mister Wrestlemania, the Showstopper, the Main Event, the Icon. De tous ces sobriquets, le dernier est le plus parlant : pour les fans de catch, et pour ses pairs, Shawn Michaels est une icône, une certaine idée de la perfection. Son influence est incommensurable, en cela qu’il a été le modèle à suivre pour plusieurs générations de collègues, tirant toujours sa discipline vers le haut par son talent, son endurance, son charisme, son investissement, son humour et son sérieux.

 

Athlète remarquable, acteur poignant ou hilarant selon les besoins du moment, lutteur fluide, entertainer-né, Michaels figure une sorte d’idéal-type du catcheur professionnel. Chaque fois qu’un nouveau jeune doué survient, on annonce l’arrivée d’un « nouveau Shawn Michaels » : ce fut le cas avec Chris Jericho, Jeff Hardy, John Morrison, Shelton Benjamin, CM Punk, Dolph Ziggler, Daniel Bryan maintenant. Chaque fois qu’un grand match se produit, on le compare à un match de Shawn Michaels. Tout Iron Man Match est inévitablement jugé à l’aune de son combat contre Bret Hart, tout Ladder Match suscite l’évocation de ses empoignades avec Razor Ramon, toute feud « sanglante et personnelle » ramène à la mémoire les guerres qu’il a livrées à Triple H et Chris Jericho, tout affrontement « pour l’histoire » est voué à être mesuré à ses duels crépusculaires face à l’Undertaker. Du Superkick à la descente du coude, de sa façon de s’empaler sur le coin du ring à son fameux saut carpé et jusqu’à son entrée en ring sous les feux d’artifice et les cris d’orgasme de son themesong Sexy Boy, il aura laissé à la postérité d’innombrables souvenirs et modèles. En fin de compte, son héritage est si riche qu’on retrouve aujourd’hui du HBK quasiment partout, dans les matchs, les promos, les entrées, les larmes d’émotion même…

 

 

  

Quand on fait son discours d’adieu, on lâche une petite larme et on se fait consoler par son meilleur ami, comme ça. Compris, les jeunes?

 

 

Compris, maître.

 

 

Influent, Michaels l’aura été jusque dans ses excès. Chacun sait à quel point il a pu être une insupportable diva vers le milieu des années 1990, une sorte de rockstar cocaïnée, stéroïdée et capricieuse. Membre éminent de la fameuse Kliq, il aura alors incarné le côté sombre du catch, ce qui constitue après tout une influence comme une autre sur le business. Seule une spectaculaire rédemption à l’américaine aura permis au Born Again Christian qu’il est devenu dans la décennie suivante d’échapper au sort de bon nombre de ses comparses tombés raides morts à un âge où l’on songe généralement à se marier et à faire des gamins. Michaels, lui, a trouvé le bon Dieu, a abandonné alcool, coke et ring rats, et s’est transformé dans la vie réelle en une sorte de redneck branché sorties familiales et chasse au gros gibier. Une transformation spirituelle qui n’est pas pour rien dans sa fascinante seconde carrière (celle entamée à son retour dans les rings en 2002, à 37 ans, pour huit années formidables) et incite les jeunes à suivre son exemple s’ils souhaitent durer dans cette vie et dans ce boulot. Là encore, il constitue un modèle, certes un peu gnan-gnan, mais peut-être décisif : celui qui il y a vingt ans invitait ses camarades de vestiaire à sniffer une ligne et aller aux putes s’est mis à leur proposer de lire ensemble la Bible et de s’aérer dans la nature. Il y a là un indéniable parallèle à tracer avec l’évolution globale du monde du catch, où l’usage infini du dopage et de la drogue a fini par s’effacer devant celui des boissons énergétiques et un mode de vie (à peu près) sain. En cela, Michaels représente la transition de l’Attitude Era à la Kids Era, c’est Austin et Cena dans le même flacon!

 

 

Sympa avec les kids, certes, mais il subsiste chez lui comme un brin d’Attitude Era quand même.

 

 

Pour résumer, nous avons affaire, en la personne de Shawn Michaels, au catch dans sa forme la plus pure. Le catch, attention, ne se résume pas à la seule capacité à enchaîner les prises sans botcher, sans quoi Dean Malenko serait en bonne place dans notre liste de candidats; le catch consiste à vivre pleinement son gimmick, à le matérialiser à chaque instant et à créer, par sa technique, son savoir-faire et son implication, des matchs formidables qui marqueront les fans et les autres catcheurs pour des années. C’est cela qui fait du catch ce qu’il est, c’est cela que nous fournissent les plus grands performers, et c’est en cela que se manifeste l’influence sur le business des véritables légendes. C’est la quintessence même de la discipline : en mettre plein les yeux au public et donner l’exemple aux collègues. « Now, top that! » (Maintenant, essayez donc de faire encore mieux que ça), s’est un jour exclamé Michaels en rentrant au vestiaire après un combat particulièrement spectaculaire. Une injonction lancée par le meilleur d’entre tous à ses pairs, un appel à toujours faire mieux et plus pour le plaisir d’un public avide. Shawn Michaels en une seule phrase, quoi.

 

Alors, au moment de désigner le catcheur le plus influent de l’Histoire, oublions ces histoires de contrats de la WWE avec tel ou tel bouquet de chaînes télévisées, mettons de côté les réseaux sociaux ou les apparitions dans les films et séries de seconde zone, écartons les Hercules de foire à la coordination incertaine. Répétons nos votes du concours de popularité sur toute l’histoire de la WWE organisé en 2010 et remporté par HBK devant toutes les pointures du business. Et admettons, amis, que nul n’a été aussi influent dans le catch en tant que tel, dans ce divertissement sportif extraordinairement complexe et exigeant, que l’icône dont j’ai eu le privilège de tresser les lauriers pour votre bon plaisir.

 

 

Then. Now. Forever.


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