Wrestling Class Heroes

As soon as you're born they make you feel small
By giving you no time instead of it all
Till the pain is so big you feel nothing at all
A working class hero is something to be

John Lennon, Working Class Hero

 

Bonjour à toutes et à tous et bienvenue à la Spanish Announce Table, le seul endroit où sont nées les légendes, où les carrières ont été brisées et où je remplace pour cette review Jyskal et Le Charentais, dont nous sommes sans nouvelles depuis le 7 mai, jour où ils ont été élégamment couverts de goudron et de plumes par quelques membres du CDC Universe sans doute politiquement trop enthousiastes.

 

 

– John, quelques mots sur votre prochain divorce ?

– Je n'ai rien à déclarer. Cette rumeur comme quoi je me contenterais d'effectuer au lit toujours les cinq mêmes manoeuvres est absolument sans fondement.

 

 

Nalyse d'Over The Limit

 

As soon as you're born they make you feel small
By giving you no time instead of it all
Till the pain is so big you feel nothing at all
A working class hero is something to be

John Lennon, Working Class Hero

 

Bonjour à toutes et à tous et bienvenue à la Spanish Announce Table, le seul endroit où sont nées les légendes, où les carrières ont été brisées et où je remplace pour cette review Jyskal et Le Charentais, dont nous sommes sans nouvelles depuis le 7 mai, jour où ils ont été élégamment couverts de goudron et de plumes par quelques membres du CDC Universe sans doute politiquement trop enthousiastes.

 

 

– John, quelques mots sur votre prochain divorce ?

– Je n'ai rien à déclarer. Cette rumeur comme quoi je me contenterais d'effectuer au lit toujours les cinq mêmes manoeuvres est absolument sans fondement.

 

 

Nalyse d'Over The Limit

 

Le pay per view que la WWE offrait à voir ce dimanche s'intitulait "Over The Limit" et ce titre était indiscutablement le plus mal choisi de tous ceux possibles. Car s'il ya bien une chose à laquelle on a assisté ce dimanche, c'est à un exposé, clair et concis, des limites du business model de la WWE par la compagnie elle-même.

 

Avant même le Pay Per View, tout avait déjà mal commencé dès le lendemain d'Extreme Rules. On trouvait les RAWs particulièrement paresseux dans l'écriture, presque baclés. La Creative Team semblait complètement démotivée et en pilotage automatique. La plupart des angles présents à l'antenne et censés nous donner envie d'acheter le Pay Per View était scénarisés à la va-vite, voire écrits avec les pieds, quand ils l'étaient. Et pire encore, un angle mineur, a priori sans impact sur ce dimanche, était le seul qui n'était pas scénarisé par-dessus la jambe : celui du licenciement du Big Show. Inutile de dire donc qu'il n'y avait nul besoin d'être un génie pour comprendre qu'il impacterait sur ce Pay Per View.

 

 

[Spoiler Alert]

Avec une chemise de cette couleur, c'est clair, le Big Show va faire le tour de France et son objectif, c'est le maillot jaune.

 

 

D'ailleurs, le symptôme le plus caractéristique de toute cette paresse sautait aux yeux ce vendredi à Smackdown. Durant toute la partie introductive du show bleu, on découvrait un CM Punk qui faisait un bien étrange boulot : celui d'assurer de la Heat à l'adversaire de John Cena pour ce dimanche alors qu'il aurait été bien plus logique qu'il intervienne dans le show pour vendre son propre match, qui avait un enjeu assez fort : le championnat du monde contre Daniel Bryan.

 

Le plus étrange, c'est que cette construction scénaristique bancale qui a mené au Pay Per View n'a quasiment – je mets toute l'histoire du Big Show et de John Laurinaitis à part – pas impacté le produit qui nous a été offert ce dimanche. Pourquoi ? Parce que la qualité de la production de la WWE et notamment sa faculté à mettre à l'écran de très bons segments vidéos qui résument l'histoire avant les matchs est exceptionnelle. On en est à un tel niveau d'excellence que même le pire peut devenir plus qu'acceptable, où même une histoire mal racontée pendant des semaines peut produire un segment de cinq minutes qui raconte une bonne épopée. On nage donc en plein paradoxe et il me paraît essentiel de le relever à l'instant même où la WWE s'enorgueillit d'annoncer que son show du lundi passera à une durée de trois heures.

 

 

Un slogan qui parle du peuple ? Une cravate rouge ?

Oh, putain, Laurinaitis a tout piqué à Mélenchon. On n'est pas sorti de l'auberge.

 

 

Continuons d'ailleurs cet exposé sur les limites du business-model de la WWE en parlant du show sans en parler vraiment, car c'est la fédération elle-même qui nous l'impose vu la forme saugrenue qu'avait Over The Limit. Le pre-show diffusé sur YouTube présentait à la fois le dark-match du Pay Per View et un rebond scénaristique. Quelques mots d'abord sur le Kane vs Zack Ryder qui faisait donc office de mise en bouche. C'était plutôt un bon match et même si la victoire finale de Kane ne faisait aucun doute, le match, de plus de cinq minutes, a permis de mettre en valeur les deux compétiteurs (on notera notamment deux périodes de temps forts de Ryder). Il constituait un excellent résumé des lacunes du produit WWE en ce moment : beaucoup de talents avec des vraies aptitudes in-ring mais trop peu d'occasions pour eux de montrer ce dont ils sont capables, surtout quand ils sont dans le roster surchargé de RAW.

 

Là encore, relever ce point précis au moment où la WWE annonce le passage du show rouge à trois heures n'est pas anodin et constitue un élément de réflexion pour le futur. Mais revenons au présent et à l'annonce par Eve d'une Battle Royale pour un title shot au choix pour la ceinture IC ou la ceinture US. Et, là, c'est le drame. Puisqu'en termes de production de show télévisé, le résultat est une catastrophe. Contemplons la chronologie du bazar : l'annonce de l'événement a lieu durant le pré-show, les entrées des catcheurs aussi. Globalement, le ban et l'arrière-ban du roster actif à la WWE entrent dans le ring (à l'exception des quelques "débutants" en plein push que sont Cesaro, Tensaï & Sandow) et tous se préparent pour la Battle Royale. Retentit alors la musique de Christian qui effectue son retour sous les vivats de la foule. Générique de fin. Surtout, ne manquez pas le PPV qui débute.

 

 

Ce soir, Kane vs Zack Ryder.

Surtout, ne manquez pas l'affrontement immense que constitue ce véritable choc entre deux générations de jobbers !

 

 

Et le Pay Per View commence alors avec la Battle Royale qui est en cours car amputée du jingle précédent le Pay Per View. L'objectif marketing est clair et lisible : donner au spectateur le sentiment que tout peut arriver n'importe quand à la WWE et qu'il faut absolument ne rien manquer de ce que la fédération diffuse, notamment sur YouTube. Mais on ne m'empêchera pas de penser que c'était maladroit voire même carrément insultant pour le spectateur. Imaginez que vous commandiez un PPV de la WWE. Vous payez, vous allumez votre téléviseur à l'heure dite et découvrez à l'écran un match dont vous n'avez même pas vu le début ! Hallucinant de maladresse enevrs ceux qui constituent la source principale de revenus de la WWE.

 

Bon, la Battle Royale en quelques mots. On notera, comme à l'habitude dans ce genre d'exercice, un assez gros fouillis dans le ring et pas beaucoup d'histoires racontées avant qu'il n'y ait plus qu'une demi-douzaine de compétiteurs. On remarquera aussi que deux catcheurs n'étaient dans le match que pour y jouer le rôle de ring general et s'assurer que tout le plan de booking se déroulait comme prévu. Le premier des deux compétiteurs à qui ce travail était dévolu, c'était William Regal, un vétéran accompli. Plus surprenant, le second du duo était Tyson Kidd. Et j'avoue que j'en suis plutôt satisfait car le Canadien est probablement l'un des trois meilleurs performers in-ring de la fédération et que les occasions de le voir évoluer sont trop rares. Bravo donc à la WWE de lui avoir donné un peu de temps d'antenne et surtout pour avoir réalisé que Kidd est un des très rares catcheurs au contact desquels tout un roster se bonifie.

 

 

 

Robes de chambre Battle Royale !

 

 

Cependant, le vrai propos de la battle royale se racontait juste après le départ de Kidd du ring avec Christian qui subit les assauts conjoints du Miz et de David Otunga. Deux heels clairs qui s'allient contre une superstar qui revient, ça sent le face-turn à plein nez pour celui que la WWE n'a jamais considéré que comme le meilleur ami d'Edge. Sa victoire, après un joli finish un peu enthousiasmant grâce à une séquence sur le tablier du ring avec le Miz, semble confirmer le changement d'alignement. Mais dès la fin du match, l'enthousiasme retombe quand il est annoncé que Christian combattra Santino.

 

Evidemment, ce n'était qu'un subterfuge scénaristique et Christian changera d'avis plus tard pour obtenir un match contre Cody Rhodes dans la soirée mais c'est le parfait symptome d'un twist scénaristique censé apporter une surprise qui s'avère totalement inutile, inefficace et même contre-productif. Et si je m'attarde sur ce détail, ce n'est pas par hasard puisque je vais désormais quitter l'ordre chronologique traditionnellement dévolu aux reviews de shows pour parler des matchs de la carte selon leur qualité. Et là, en termes de rebondissement à deux balles, y a du lourd, environ deux quintaux, soit le poids de forme du Big Show.

 

 

Oui, je sais, j'ai l'air benêt, voire même carrément idiot. Mais n'oubliez pas que mon patron fait bosser Michael Cole pour tous les shows et ne laisse commenter à Jim Ross que sa fédération de développement. J'ai vraiment l'air con; OK, j'assume mais, à votre avis, le suis-je vraiment ?

 

 

Tout en bas (et vraiment tout en bas) de l'échelle, on va retrouver le main-event du soir : John Cena contre John Laurinaitis. Qu'en dire ? Lamentable est le mot qui me vient à l'esprit mais ce n'est définitivement pas le bon, c'était pire encore. Il n'y a littéralement rien à sauver de ce match, mais alors rien du tout.

 

L'action in-ring était athlétiquement médiocre. Ce n'est certes pas une surprise quand on considère que l'un des deux compétiteurs est un ancien lutteur à la retraite depuis douze ans mais bon, il n'empêche que toutes les solutions utilisées par la WWE pour dissimuler cette lacune physique étaient des mauvaises idées. Et entendons-nous bien, je ne parle pas de fausses bonnes idées qui ont foiré pour une raison ou pour une autre. Non, c'étaient juste de vraies mauvaises idées, de celles dont on pouvait, par avance, se douter qu'elles seraient mauvaises.

 

Premier artifice déployé dans l'arsenal de booking : le finish, soi-disant une surprise, à savoir une irruption du Big Show dans le match, le colosse commence à rudoyer Laurinaitis, le jette littéralement en pature à John Cena et en profite pour assommer le Marine, assurant ainsi la victoire du heel grâce à sa trahison. Sérieusement, qui n'avait pas vu venir ce finish ?

 

 

No matter if John Cena wins or loses, we will make him look like TERMINATOR.

 

 

Second artifice : pour compenser les lacunes en termes d'intensité physique, la WWE a fait de ce combat un comedy-match. Et un comedy match en main-event d'un Pay per View, c'est une mauvaise idée parce que ça apporte de la légéreté au match et dévalorise donc, de fait, son enjeu et par ricochet l'enjeu de tous les matchs qui le précèdent.

 

Ensuite, il faut aussi faire un aveu : John Cena n'est pas bon dans ce genre d'exercice. Il a probablement beaucoup de qualités mais pas celles qui font de Santino Marella (ou de Colt Cabana ou de Kikutaro) un des meilleurs du monde dans le domaine. Pour faire un bon comedy match, il faut un excellent sens du timing et un humour très fin qui permet de ridiculiser l'adversaire sans pour autant s'en moquer. C'est très important parce que la moquerie, c'est le début de la méchanceté et qu'un babyface doit faire une caricature de son adversaire qui ne peut pas être perçue par le public comme cruelle. Ce serait aller contre son alignement. Et dimanche soir, John Cena avait tout simplement laissé le dernier terme du triumvirat qui régit sa vie au vestiaire. Il y avait à Over The Limit chez Cena un peu de Hustle, trop peu de Loyalty et absolument aucun Respect.

 

Rien n'a donc été mis en place pour éviter que le Main Event soit la catastrophe annoncée et il l'a véritablement été, laissant au spectateur l'amère impression d'avoir perdu vingt minutes de sa vie.

 

 

Si la vignette précédente ne vous a pas fait rire, je vous rappelle quand même que Ryback est un VRAI gimmick en 2012.

 

 

Fort heureusement, le match précédant celui-ci avait relevé le niveau. Ryback contre Camacho (avec Hunico). Non, je déconne, ça ne valait guère mieux : un match non annoncé sur la carte, dépourvu de toute storyline et ridiculement court. Le personnage de Ryback n'est pas, à mon sens, le plus excitant que la WWE ait sorti de sa boite à gimmicks et il est totalement contre-productif de lui donner pour unique mission d'aplatir comme des crèpes des jobbers qu'on ne voit jamais à l'antenne – Camacho, quand même … Juste pour savoir, vous vous souvenez d'avoir vu un match de Camacho en solo à la WWE ?. Là encore, c'était lamentable.

 

Le résultat était d'autant plus navrant que le match entre le Miz et Brodus Clay (qui dépeint, lui aussi, à sa manière une sorte de géant indestructible comme Ryback) représentait une bonne variation sur ce même thème. Bien entendu, Brodus, en pleine phase ascendante, a gagné mais le match, un peu plus long, avait été calibré et pensé pour que chacun ait son temps fort et son temps faible. Brodus a été vraiment excellent d'ailleurs durant ce moment, impeccable dans le rôle du Big Man sonné mais qui ne met pas encore un genou à terre. Le catch, ce n'est pas que donner des coups, c'est aussi savoir en recevoir et ce soir Brodus a montré qu'il était capable des deux, ce qui change considérablement de la longue fournée de nouveaux "big men" que a WWE nous a servis ces derniers temps, d'Ezekiel Jackson à Mason Ryan en passant par Ryback.

 

 

Brodus Clay dispose, contrairement à Ryback, d'un gimmick extrêmement évolué : ami des enfants, potelé et vétu de couleurs vives (Casimir) + Funky entouré de danseuses voluptueuses (Georges Clinton).

 

 

Autre point de satisfaction de ce Pay per View, le match des divas. Il fut long (plus de cinq minutes, sept exactement) et plutôt bon. La victoire de Layla est logique compte tenu de l'impératif imposé par la ceinture obtenue dès son retour. On pourra éventuellement reprocher au match un aspect assez étrange: j'ai souvent eu l'impression que Beth facilitait trop les manoeuvres de son adversaire, initiant les contres par ses mouvements plutôt que de les faciliter. Pour résumer ce sentiment diffus, je dirais qu'on voyait trop que Beth était dans le ring pour mettre over Layla et pas assez qu'elle était là pour gagner le match. Mais Layla a bien fait ce que Beth lui a laissé l'occasion de réaliser et pour un match de divas, le niveau était loin du zéro absolu auquel la WWE nous a, hélas, habitués dans la division.

 

 

C'est maintenant officiel : Beth a profité de sa blessure pour s'entrainer avec les pompiers de Paris.

 

 

Pour en terminer avec les matchs pas tout à fait réussis, il convient de citer le Christian/Cody Rhodes pour le titre Intercontinental. Ce n'est pas vraiment qu'il offrait un niveau in-ring trop bas. Au contraire, c'est plutôt qu'il était trop court, qu'un combat plus acharné pour le titre IC n'aurait pas forcément fait de mal. Mais comme la ceinture n'était pas le propos principal du match (c'était le retour de Christian), il n'y a pas non plus lieu de le déplorer trop longtemps, surtout que la victoire de Christian semble ouvrir les portes à des matchs supplémentaires avec Cody, ce qui sera un programme plutôt alléchant.

 

Passons maintenant aux vrais points de satisfaction de ce PPV, les trois grands bons matchs pour les titres mondiaux masculins, individuels et par équipe. On peut reprocher énormément de choses au Jack Swagger & Dolph Ziggler vs Kofi Kingston & R-Truth de ce dimanche : un build-up quasi inexistant et surtout une originalité limitée. Ce match s'inscrit en effet dans une interminable série d'affrontements individuels entre les participants qui ont, ces dernières années, croisé le fer des mois durant pour les titres secondaires à RAW ou Smackdown ou même pour la ceinture par équipes (avec un léger changement dans le casting, Truth remplacant Bourne). Mais, en ce qui concerne l'action in-ring et l'histoire racontée, les quatre savent y faire. Le scénario était classique : la bande de sales types travaille en équipe parfaitement, surtout dans le dos de l'arbitre, malmène un des deux coéquipiers qui parvient par miracle à faire un hot tag et permet ainsi un sursaut d'énergie côté babyface avant que la séquence précédente ne recommence … Et ainsi de suite jusqu'à la séquence finale où Kofi arrache la victoire sur Ziggler. Il n'y a absolument rien à redire sur ce match où chacun a été très à l'aise dans son rôle et où l'action in-ring était aussi efficace en termes de spectacle qu'en termes d'histoire racontée.

 

En ce qui concerne le Fatal Four-Way pour la ceinture poids lourds, c'était lui aussi un très bon match. Je ne suis pas souvent amateur de l'exercice parce que, c'est l'inconvénient d'un tel match, il est très souvent composé de séquences d'actions à deux ou à trois tandis qu'un compétiteur est hors du ring vendant une blessure comme invalidante jusqu'au moment où il revient dans le ring, in extremis, pour briser un tombé. Mais le match de ce soir était vraiment une excellente performance. Il y avait quelques séquences très inventives dans certains mouvements : je pense notamment à cet instant où Orton, dans sa posture reptilienne caractéristique frappe le sol avant de porter un RKO qui devient une opportunité en or pour Alberto Del Rio de porter son cross-armbreaker. Ajoutons à cela un vrai rythme soutenu et sans à-coups, des mouvements spectaculaires, des contres, un Chris Jericho au mieux de sa forme et là, encore, on avait une copie plus que passable rendue par quelques-uns des meilleurs performers de la WWE. La victoire finale de Sheamus, qui conserve son titre, fortifie le champion et ouvre probablement la voie à deux rivalités entre ces quatre-là, elles aussi prometteuses au vu de leurs derniers affrontements dans le ring.

 

 

Petite question par simple curiosité : les chaussettes Cobra de Santino Marella sont-elles vendues par paire par WWE.com ?

 

 

Et puis, il y a eu le match que toute l'Internet Wrestling Community attendait avec le pantalon sur les genoux et l'impatience joyeuse qui caractérise les enfants à la veille de Noël. CM Punk vs Daniel Bryan pour le WWE Championship. Allez, soyons fous, soyons un peu lyriques : de qui parle-t-on là ? De deux types passionnés par l'art du ring qui ont consacré toute leur jeunesse à perfectionner leur talent au quatre coins du monde. Des champions qui ont laissé du sang et de la sueur sur les rings japonais, australiens, français, anglais, allemands, portoricains et que sais je encore. Des commis voyageurs de la révolution qu'a constituée au début des années 2000 l'apparition d'un scène indépendante unifiée. Deux indy wrestlers, parmi les plus doués de leur génération, qui ont su gravir un à un les échelons de la WWE pour se retrouver à son sommet. Des Wrestling Class Heroes, comme dirait John Lennon, des types qui se sont fait tout seuls et qui ne sont pas les créatures que Vince McMahon a pensées pour l'entertainment des masses laborieuses.

 

Une telle histoire, de telles trajectoires similaires qui s'étaient déjà croisées, c'était une mine d'or inépuisable pour le storytelling d'avant-match. Mais bien évidemment, la WWE n'en a rien fait à l'antenne, préférant se concentrer sur le build-up de Cena/Laurinaitis jusqu'au dernier moment. Et cette absence, compensée sur le site web de la fédération, est en toute honnêteté l'une des seules lacunes du match de ce dimanche, avec le commentaire vraiment mauvais. On ne sentait pas assez l'enjeu humain qui se cachait derrière la ceinture et si cette dimension avait été mieux exploitée, qui sait si on n'aurait pas vu l'un des meilleurs matchs de tous les temps.

 

 

Yes Yes Yes…

 

No No No.

 

 

Oui, je sais, vous me trouvez prompt à dégainer le superlatif mais la qualité du match était réellement exceptionnelle, fluide sans jamais sembler chorégraphié, technique par bien des aspects lors des phases de soumission mais parfois aussi très stiff notamment lors des séquences de coups de pied. Et on n'avait absolument aucun build-up sur ce que signifiait vraiment le combat. Bien entendu, ce match n'égale pas en intensité dramatique un Shawn Michaels vs Undertaker à Wrestlemania, mais il n'y avait aucun ressort scénaristique pour lui servir de base, pas de match glorieux l'année d'avant, pas d'invincibilité qui tienne depuis des lustres, pas de retraite à la clé, rien ou si peu. Et le match a tenu toutes les promesses, toutes les anticipations avec un storytelling de haute tenue dans le ring, des prises impeccablement portées et une multitude de clins d'oeil placés ici ou là à destination des fans de longue date. On entendra ainsi un "I have Till five" de CM Punk qui brisera une prise portée dans les cordes qu'au compte de quatre. On verra aussi Daniel Bryan Danielson porter une parfaite abdominal stretch à Punk, la prise qui lui avait fait remporter sa première victoire contre son adversaire du soir.

 

Et surtout, ce qui rend ce match exceptionnel, c'est que Punk et Bryan l'ont disputé exactement de la même manière qu'ils l'auraient fait dans un ring de la ROH, ou de l'IWA Mid-South il y a quelques années. Ils ont tous les deux opté pour un style par le passé et ils ont su l'imposer au plus haut niveau de la WWE sans faire de réelle concession. Leur style in-ring, différent de celui de la majorité du roster de la fédération, est resté le même. Chacun catche avec cette manière particulière qu'ont accumulée les grands lutteurs indépendants cette génération. On ressent dans les mouvements la fascination qu'exerce sur eux le style old-school anglais et l'influence de gens comme William Regal, Dave Taylor ou Fit Finlay. On mesure par l'intensité de certains coups l'influence japonaise et les nuits passées dans les dojos. On découvre surtout une manière très old-school de construire les matchs, inspirée par les vieux territoires US. Le storytelling du match en dit quelque chose, il a offert une magnifique démonstration du "less is more" cher aux vieux routiers du business : l'action hors du ring fut limitée au strict minimum et le storytelling du match était réduit à sa plus simple expression (Punk travaille la jambe, Bryan l'abdomen et le haut du corps).

 

 

Yes Yes Yes…

 

No No No.

 

 

Mieux encore, le finish est une démonstration du talent des deux pour raconter une histoire. Bryan est le premier des deux compétiteurs à placer son finisher, après plus de 25 minutes de match, et ce faisant il n'obtient la soumission de Punk que quelques secondes après s'être fait river les épaules au sol pour le compte de trois. La fin est un exemple assez classique de finish controversé qui ouvre des possibilités pour le futur mais c'est surtout la manière dont l'histoire a été menée qui fut exemplaire et inhabituelle. Pas un seul finisher pendant 25 minutes… Depuis combien de temps n'aviez-vous pas vu ça à la WWE ? Et depuis combien de temps le finisher appliqué n'avait-il plus été fatal à celui qui le porte ? C'est là qu'est la vraie force de ce match : c'est que non seulement il tente d'imposer un style in-ring un peu différent (ce n'est quand même pas tous les jours qu'on voit autant de mouvements de types projections, souplesses, etc… réalisés tandis qu'est portée une clé à la tête, au bras ou à la jambe) mais surtout, il s'affranchit de la grammaire habituelle de la WWE pour raconter une histoire. L'exemple le plus frappant de ce changement dans la syntaxe est une utilisation fort parcimonieuse du finisher qui permet à chacun de sortir de la confrontation plus fort qu'auparavant.

 

En clair, vous l'avez compris, ce match n'est pas seulement un très bon combat, c'est un manifeste co-signé par Punk et Bryan, une vraie proposition de changement stylistique que ces deux-là ont mise au milieu du ring. C'est une démonstration que le catch est un art vivant et que la formule proposée par la WWE n'est ni l'unique, ni la meilleure manière de raconter une histoire entre les cordes. C'est le même genre de propositions que celles qu'avaient faites en leurs temps Shawn Michaels et Razor Ramon à Wrestlemania X, Ricky Steamboat et Randy Savage à Wrestlemania III, Rey Mysterio et Eddie Guerrero à Halloween Havoc 1993, les Hardy Boyz et Edge & Christian lors du tout premier tag-team ladder match, Chris Benoit et Kurt Angle à Wrestlemania XVII. Le public et la fédération répondront-ils positivement à cette proposition sur le long terme ?

 

 

Yes Yes Yes…

 

No No No.

 

 

C'est la question qu'il faut se poser maintenant et il faut se la poser avec d'autant plus de sérieux que la réaction du public au match était bien meilleure que celle qu'a suscitée le main-event sans imagination de John Cena et Laurinaitis qui a, lui, dans un même match utilisé toutes les vieilles ficelles qu'on affectionne tant à Stamford. Personnalités "Bigger than life" & over-boooking (stipulation, ref bump, foreign objects, outside interférence et trahison) ? Ou minimalisme old-school avec des performeurs très talentueux ? C'est un vrai choix que la WWE va devoir se poser dans les mois qui viennent si Punk et Bryan continuent leur rivalité. Et c'est aussi un choix déterminant pour l'avenir parce que la fédération de développement de la WWE a probablement plus à fournir maintenant en termes de talents capables de marcher sur les traces de Punk et Bryan (d'Antonio Cesaro à Kassius Ohno en passant par Seth Rollins et Dean Ambrose qui ont tous fait leurs armes sur les même rings que les deux contenders au titre suprême) qu'en termes de gens capables de faire un bon match dans des cadres scénaristiques rocambolesques comme celui de ce ridicule Main-Event.

 

Il y a un Rubicon à franchir. Vince McMahon osera-t-il sauter le pas, au risque d'y perdre ce qui constitue la caractéristique de la marque qu'il a créée ? Le public, par ses réactions, sera-t-il capable d'influencer une telle décision ? Seul l'avenir nous le dira mais, moi, j'ai déjà choisi mon camp et suis plus enthousiasmé par la perspective de futurs Kassius Ohno vs Antonio Cesaro que par celle d'un Ryback vs Brodus Clay.

 

 

Yes Yes Yes…

 

No No No.

 

 

Voilà donc pour conclure un Pay Per View qui a définitivement montré quelles limites a la WWE en ce moment : de très inquiétantes limites créatives, en ce qui concerne la mise en place des Pay Per Views, de vrais soucis de booking avec le personnage de John Cena que la fédération a de plus en plus de mal à caser dans son roster traditionnel mais aussi de très bons matchs venant de la part de gens que la WWE commence à considérer comme une relève possible à ce top guy omniprésent et donc parfois irritant. Mais aussi d'éventuelles solutions. Swagger, Kingston, Ziggler, R-Truth, Orton, Jericho, Del Rio, Sheamus, Rhodes, Christian, Punk et Bryan sont probablement les acteurs dont la WWE a besoin pour faire émerger sa "next big thing", peut-être même l'un ou l'autre de ces noms sera-t-il l'élu.

 

En attendant que cela se produise, il faudra que Vince McMahon et ses équipes fassent des vrais choix pour y aboutir. En auront-ils le courage ou préféreront-ils se reposer sur le personnage de John Cena ? La question est d'autant plus importante que jamais depuis des années une compagnie de lutte professionnelle n'avait présenté un show aussi hétérogène avec une undercard si solide et un Main-Event si décevant. C'était le symptome principal de la WCW juste avant son inéluctable déclin…


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