Au bonheur des smarts

I see skies of blue and clouds of white

The bright blessed day, the dark sacred night

And I think to myself

What a wonderful world!

The Ramones, What a wonderful world  (cliquez pour apprendre l'espagnol avec El Jefe et la Gatina!)

 

Le monde est merveilleux. Pourquoi? Parce que les smarts ont pris le pouvoir, voilà pourquoi.

 

 

– Non, on ne dit pas WWE Universe. Ni même fans. On dit smarts.

– Tu crois m'apprendre quelque chose, Punk? Je sais ce que c'est, les smarts.

– Ah ouais?

– Oui. C'est des petits chocolats multicolores.

 

 

Nalyse de Raw du 17 novembre

 

I see skies of blue and clouds of white

The bright blessed day, the dark sacred night

And I think to myself

What a wonderful world!

The Ramones, What a wonderful world  (cliquez pour apprendre l'espagnol avec El Jefe et la Gatina!)

 

Le monde est merveilleux. Pourquoi? Parce que les smarts ont pris le pouvoir, voilà pourquoi.

 

 

– Non, on ne dit pas WWE Universe. Ni même fans. On dit smarts.

– Tu crois m'apprendre quelque chose, Punk? Je sais ce que c'est, les smarts.

– Ah ouais?

– Oui. C'est des petits chocolats multicolores.

 

 

Nalyse de Raw du 17 novembre

 

 

Ce n'est pas un mouvement progressif, régulier et soigneusement calculé jusque dans ses moindres détails. C'est plutôt un processus anarchique, constellé de petits pas en arrière et de grands bonds en avant. Mais enfin, quels que soient son rythme et son déroulement, l'évolution est inexorable: la smartisation de la WWE est en marche!

 

 

Même les hipsters s'y mettent.

 

 

Qui sont les smarts? Vaste question, et difficile réponse, tant ce concept recouvre de visions différentes. Disons pour faire court et pour ne pas tomber dans un débat casuistique, que les smarts sont des fans qui ont entièrement intégré le fait que le spectacle qui nous est présenté est totalement scripté, qui se passionnent non seulement pour le produit télévisuel en tant que tel mais aussi pour ses à-côtés (histoire personnelle des performers, bruits de couloirs, révélations d'anciennes stars, etc.) et qui s'interrogent longuement sur le booking global de la WWE, sur la psychologie et la qualité technique de ses combats, sur les trajectoires des catcheurs, et ainsi de suite.

 

Les smarts sont souvent critiques envers la WWE, et lui adressent de façon récurrente un certain nombre de reproches. L'une des principales doléances concerne le manque d'interactivité d'une WWE qui serait sourde aux exigences du public et pusherait trop souvent des performers médiocres tandis que d'autres, plus méritants, se morfondraient en midcard voire plus bas.

 

 

Comme toute tribu primitive, les Smarts ont pour coutume de dévorer leurs idoles pour s'imprégner de leur force.

 

 

Autre leitmotiv des smarts: à une époque où, en deux clics, n'importe qui peut découvrir le moindre match ayant eu lieu à la WWE au cours des dernières décennies, celle-ci continue régulièrement de réécrire l'histoire en gommant des événements passés dont le souvenir lui apparaît gênant.

 

Enfin, un troisième motif d'irritation: obnubilée par de curieuses aspirations à la respectabilité mainstream, la fédération n'assumerait pas entièrement son statut d'entreprise consacrée au catch, d'où des mesures risibles comme la manie de donner de nouveaux noms aux choses et de prohiber l'emploi de certains termes aussi emblématiques que "wrestling", "wrestler" ou "belt". On peut rapprocher cette dernière critique de celle portant sur l'interdiction, PG Era oblige, de toute expression un peu corsée. Auparavant, un catcheur disait à un autre: "Je vais prendre ta ceinture, et te botter le cul au passage!"; désormais, une Superstar dit à une autre: "Je vais te prendre ton championnat, et te botter l'arrière-train au passage!". Ce n'est pas spécialement scandaleux, mais c'est quand même le genre de petit détail qui incite tout spectateur âgé de plus de sept ans à lever les yeux au ciel.

 

 

– Bon, j'en ai marre d'être méprisé des smarts, alors j'ai décidé de dire un truc vachement grossier pour qu'ils m'aiment!

– OK, John, vas-y.

– Voilà: regardez comment elle est longue, ma zigounette!

– Hmm. Y a un truc qui cloche dans cette phrase, mais je ne saurais dire quoi.

 

 

Longtemps, la WWE a traité cette frange de son public par l'indifférence (pour plus de développements, relire par exemple notre article sur la novlangue instaurée par Vince). Mais récemment, elle a semblé se rendre compte que les smarts constituaient un groupe de plus en plus nombreux et influent. De plus en plus de "casual fans" se retrouvent, parfois par hasard, sur tel ou tel site de smarts (d'ailleurs, c'est comme ça qu'on a tous démarré: on ne naît pas smart, on le devient). Et une fois au sein de l'IWC, ils adoptent rapidement tout ou partie de ses marottes. La communauté smart ne cesse de s'agrandir.

 

Cette montée en puissance se manifeste depuis des années par le refus de prendre pour argent comptant certains récits que la WWE s'efforce de nous conter. Ainsi, bon nombre de smarts rejettent en bloc le personnage ultra-positif joué par John Cena et le huent copieusement depuis des années, alors même que les bookers souhaitent que Cena, emblème de la compagnie, soit considéré comme un héros par le public. A l'inverse, en 2009, Randy Orton, pourtant présenté comme un heel à la fois sadique et lâche, suscitait de gigantesques pops de face à la moindre apparition (sans doute en partie parce qu'il était opposé in kayfabe au clan McMahon), si bien que le public l'a littéralement porté vers un face turn qu'apparemment il ne souhaitait pas spécialement. Ces mêmes smarts accordent une grande importance au "workrate" (à savoir la technique in-ring des catcheurs) et vouent un culte aux anciennes idoles indy comme CM Punk et Daniel Bryan, qu'ils soutiennent en toutes circonstances, même quand la WWE décide de les faire passer pour quantité négligeable.

 

 

Les indignés de Wall Street ont quand même de drôles de revendications.

 

 

Vince et ses sbires ont semble-t-il fini par comprendre que les smarts devaient être écoutés. Primo, parce que ça la fout un peu mal quand la moitié du public réagit à l'inverse de ce qu'on attend de lui. Deuxio, parce que les smarts, ce sont souvent des adultes, donc ils ont un important pouvoir d'achat, donc leur complaire est financièrement souhaitable. Tertio, parce que certaines des marottes des smarts sont tout simplement justifiées du point de vue du booking: mettre en avant de bons workers, faire progresser les jeunes les plus talentueux, construire des histoires cohérentes, tout cela rend le spectacle meilleur et donc plus attrayant pour la totalité des spectateurs, qui seront plus nombreux devant leur télé et plus nombreux à acheter des ppv si le récit est de qualité.

 

Cette prise de conscience, dont nous avons cru en août déceler l'une des manifestations avec l'intronisation au sein de la Creative Team du blogueur smart Kevin Eck, avait été magnifiquement matérialisée par la fameuse promo fondatrice de CM Punk le 27 juin dernier. Ce soir-là, les paroles de celui qui ne se faisait pas encore appeler "Best in the world" ont coulé comme du miel dans les oreilles pleines de cérumen des membres de l'Internet Wrestling Community. Punk, en quelques minutes, avait réussi à parler des autres fédérations de catch (qui n'ont jamais droit de cité à la WWE) et surtout attaqué frontalement, ou presque, la frilosité de la WWE, qui met en permanence les mêmes mecs en avant, sans se soucier de la lassitude des fans. John Cena, de même que Triple H, deux des cibles favorites des smarts, en avaient particulièrement pris pour leur grade.

 

 

Si la vie était bien faite, on démarrerait un nouveau calendrier à partir de ce jour-là.

 

 

Evidemment, dans les mois qui suivirent, tout n'a pas été parfait au royaume du smartisme, et mon camarade lecharentais détaillera bientôt les déceptions engendrées par le "Summer of Punk" annoncé. Mais les smarts avaient goûté au fruit défendu, et étaient devenus accros.

 

Malgré tous ses efforts pour les caresser dans le sens du poil (auto-ironie, respect exprimé envers l'idole Punk, emploi de termes grossiers traditionnellement interdits pour sortir de son personnage trop enfantin, opposition à VKM, matchs plus techniques que d'habitude), John Cena était hué comme jamais auparavant.

 

A l'inverse, chaque apparition de CM Punk suscitait des explosions de râles orgiaques, quand bien même le Punkster semblait rentrer dans le rang (il se rallia par exemple à Triple H et, en compagnie des très corporate Cena, Sheamus et Orton, moqua le mouvement de grève de ses collègues, alors que tout dans son personnage indiquait qu'il aurait dû en être le leader).

 

Les bookers parurent ne pas savoir sur quel pied danser, il y eut pas mal d'épisodes de valse-hésitation, et on crut même que la WWE sombrerait dans ses vieux travers et enterrerait cette tentative de rébellion, car la storyline tourna bientôt autour de Triple H et John Laurinaitis pour un énième épisode de "Mic Mac chez les Vinnie Mac" (une photo de Fabrice à celui qui reconnaîtra la référence)… Mais la Smart Revolution était une vague de fond, impossible à circonscrire. Toutes les exigences des smarts s'engouffrèrent dans la brèche ouverte par Punk, et les ronds de cuir ne purent que reculer, et reculer encore. Ce à quoi on assiste actuellement, c'est la capitulation progressive de la Creative Team face aux smarts. Le Raw de ce lundi en fut une éclatante illustration.

 

 

Cours camarade. Le nouveau monde est devant toi.

 

 

Il démarra, ce Raw, par une promo de Punk, redevenu Champion WWE la veille à la faveur de sa victoire sur Alberto Del Rio à Survivor Series. Et quelle promo, messieurs dames! Jouant sur du velours, devant une salle tout entière acquise à sa cause, Punk, aux anges, enchaîna astucieusement ses chevaux de bataille traditionnels: moquerie des termes "WWE Universe" et "Sports Entertainment" pour montrer qu'il n'a rien perdu de son mordant en reprenant le titre, délire sur les Ice Cream Bars pour faire hennir de contentement ses fans, promesse d'en finir avec Laurinaitis, incarnation du petit chef sans envergure et sans imagination…

 

La salle lui mangeait dans la main, et il aurait pu pérorer longtemps sans l'entrée de sa Némesis. Laurinaitis joue de mon point de vue excellemment son rôle, notamment parce qu'il n'en fait jamais trop dans le côté "méchant boss". La confrontation parvint au résultat voulu: même quand la WWE, incarnée par Laurinaitis, croit donner aux fans ce qu'ils veulent, à savoir un rematch Punk-Del Rio pour le titre WWE, elle se montre décalée par rapport aux attentes du public (attentes que Punk, lui, comprend parfaitement) puisqu'elle n'organisera ce match que la semaine prochaine. Punk a toujours un coup d'avance, il est la voix des sans-voix, et c'est dans ce registre qu'il pourra tenir le rôle difficile de champion du monde face et pourtant rebelle envers la direction.

 

 

– OK Punk, fort bien. Del Rio est là et veut son rematch, tu veux lui offrir ce rematch, le public veut ce rematch… Eh bien, je décide que ce rematch va avoir lieu LA SEMAINE PROCHAINE!

– Putain, c'est désastreux, t'arrives même pas à imiter correctement Teddy Long.

 

 

Punk, tendant l'oreille, se fit notamment le porte-voix de l'exigence WE WANT RYDER hurlée par le bon peuple. Ryder constitue évidemment un autre exemple éclatant de l'influence de l'IWC. Voilà un lowcarder encore jeune qui a réussi à percer par lui-même en créant un show YouTube devenu rapidement un must see, à tel point que des foules de plus en plus nombreuses se sont mises à lui vouer un culte absolument sidérant. On se souvient que dimanche, à Survivor Series, les chants WE WANT RYDER éclaboussèrent l'opener, qui opposait pourtant deux des meilleurs catcheurs du moment. Deux catcheurs d'ailleurs nettement supérieurs à Ryder, qui n'a encore jamais démontré, à l'exception peut-être de son title shot à l'ECW contre Christian en 2009, qu'il était capable de fournir un bon match d'un quart d'heure en un contre un.

 

Mais Ryder est désormais paré de toutes les vertus, on veut le voir, on le réclame même quand le Rock en personne prend le micro à la fin de Survivor Series, comme nous l'a montré un clip diffusé lundi! Oui, le Rock, après sept ans d'absence, s'empare du micro une fois le ppv terminé, devant une salle qui pourtant lui a réservé un accueil dément et a adoré le Rock Bottom qu'il vient de porter à l'honni John Cena… et alors que le Great One se met à parler, une bonne partie du public lance un WE WANT RYDER! Hé bien, smarts, vous voulez du Ryder, vous allez en avoir. Ce n'est évidemment pas Zack Ryder que la WWE voulait initialement envoyer porter les couleurs du camp face dans la US Title Picture. La compagnie a essayé sans succès de pusher le musculeux Alex Riley, puis le monstrueux Mason Ryan, puis le sublime John Morrison, mais rien à foutre, ils resteront chez eux ce soir. Les smarts veulent que Zack grimpe dans la hiérarchie, alors les bookers, vous êtes gentils mais vous rangez vos bodybuilders, et vous nous donnez ce que nous exigeons! Nous l'ordonnons!

 

 

Il est sympa Zack, mais faut quand même admettre qu'il s'achète des sex-toys vraiment bizarres.

 

 

Et la WWE de s'incliner. Oh, elle ne le fait pas n'importe comment, la roublarde, et elle a bien raison. Il faut en toutes circonstances respecter une certaine forme de progression graduelle, et c'est d'ailleurs ce que veulent les fans (rappelons qu'ils ont unanimement voué aux gémonies les méga-push venus de nulle part du Great Khali, de Vladimir Kozlov ou de Sheamus: un push doit se construire palier par palier). Donc Zack ne va pas du jour au lendemain passer de jobber à main eventer. Par conséquent, quand il se retrouve face à un type qui était encore Champion WWE 24 heures plus tôt, eh bien il ne fait ni le malin, ni le poids. Alberto Del Rio le bousilla en trois minutes, mais le public ne s'en offusqua pas spécialement. On avait vu Zack, on avait fist pumpé avec lui, il a quand même placé une attaque ou deux, on le reverra, c'est cool, ON A GAGNÉ.

 

 

Très au fait des memes Internet, Alberto Del Rio décide de transformer Zack Ryder en Trollface.

 

 

Son adversaire, Del Rio, n'est pas vraiment dans les petits papiers des smarts, ces nouveaux bookers de Raw. Certes, personne ne lui conteste de formidables qualités de catcheur, mais son personnage stagne dramatiquement depuis des mois, titre ou pas titre. Les smarts veulent croire aux personnages qu'on leur met sous les yeux, et Del Rio, après des premiers mois où il a su imposer son style et son gimmick, s'est figé au plus mauvais moment: celui où il apparut enfin au sommet de la montagne. Son premier run de champion avait été ruiné par Cena, qui passa toute leur feud à hurler que Del Rio (qui avait gagné le titre WWE à Summerslam en cashant sa mallette) était un champion au rabais et qu'il le défoncerait le moment venu… ce qui fut fait sans coup férir à Night of Champions.

 

Son second règne n'a pas été beaucoup plus convaincant: il est redevenu champion à Hell in a Cell en employant une barre de fer; puis a sauvé son titre à Vengeance dans un Last Man Standing contre Cena grâce à Miz et R-Truth, qui attaquèrent le Marine alors que l'aristo mexicain était étendu pour le compte; et il a perdu sa ceinture dimanche d'une façon on ne peut plus clean contre Punk.

 

Mais le plus grave, ce fut cette promo de Punk à son encontre lors du Raw précédant les Series, où celui qui était alors challenger accusa le champion d'être désespérément chiant, incapable de dire quoi que ce soit d'intéressant et dénué de charisme. Sans qu'Alberto trouve une répartie satisfaisante…

 

Résumons: Cena a affaibli la ring-cred de Del Rio, et Punk en a fait de même, mettant au passage en évidence sa faiblesse au micro. Il ne lui reste pas grand-chose, au Bébert. Mais les smarts n'en ont cure. Que Del Rio retourne un peu en midcard, ça lui fera les pieds. Nous, on n'aime pas quand la WWE nous impose un type ("pushed down our throats", s'insurgent les Ricains). On aime le choisir nous-mêmes, comme on a choisi Ryder. Que Del Rio se reconstruise en midcard, et on sera peut-être derrière lui. En attendant, pas de pitié. Fais ton rematch la semaine prochaine, perds et redescends d'un niveau, gars.

 

 

La WWE a tout tenté pour mettre over Alberto Del Rio. Même lui offrir une victoire contre Zack Ryder.

 

 

Car les smarts ont qui aduler dans le rôle du heel à opposer à CM Punk. Dolph Ziggler, qui a bien pris soin de rappeler backstage, en promo avec Vickie, qu'il avait techniquement gagné deux matchs aux Series, est en ce moment dans un véritable état de grâce. Et la puissante fratrie smart n'est pas loin de se ranger à son blond panache. Voilà un gars qui a survécu à plusieurs gimmicks pourries, qui n'a jamais baissé les bras, qui n'a jamais cessé de s'améliorer, qui est devenu à force de travail l'un des meilleurs workers de la compagnie, qui connaît la grande Histoire (à preuve ses sauts carpés en hommage à HBK) et qui semaine après semaine nous offre depuis près de trois ans des matchs d'excellente facture. Ziggler, qui par-dessus le marché apparaît plus sûr de lui depuis quelques semaines, est prêt à lâcher son titre US à Ryder et monter d'un cran, tandis que Del Rio fera le chemin inverse. Il l'a admirablement prouvé ce lundi dans un match époustouflant contre CM Punk. Spectacle d'autant plus impressionnant que les deux hommes ne s'étaient pas économisés la veille, à Survivor Series, aussi bien physiquement que nerveusement.

 

 

Dolph Ziggler ne se mouche pas du coude, mais presque.

 

 

Ces deux-là n'avaient jamais eu de match individuel l'un contre l'autre. Tout juste se souvient-on de leur implication dans deux équipes différentes dans un gros tag team match à Raw il y a deux mois, et aussi de leur courte confrontation au début du Royal Rumble 2010. Hé bien, c'est donc ça qu'on appelle le coup de foudre. Les deux champions (WWE contre US quand même, ça tape) développèrent dès les premières secondes une harmonie stupéfiante. Il y a des duos comme ça, tu les mets l'un face à l'autre, et paf, la magie survient. Ce fut le cas plus tôt dans l'année pour Orton et Christian, qui nous offrirent finalement toute une série de matchs formidables. Ce fut encore une fois le cas ce soir, et je mets les parties génitales de Silvernights à couper qu'on reverra ces deux-là très souvent l'un contre l'autre, et pas plus tard que bientôt. Les spots ont été innombrables, les contres intelligents et fluides, l'intensité permanente, et dans tout cela ils réussirent à caler plusieurs moments de fun, à commencer par ce coup de génie de Ziggler qui fit l'équilibre dans le ring après en avoir éjecté son adversaire, qui évidemment finit par gagner le match, faut pas déconner quand même.

 

 

– Dolphie, fais le beau!

– Wouf!

– Brave bête.

 

 

Les smarts étaient aux anges, conscients d'avoir vu l'un des tout meilleurs combats de l'année hors ppv. Ils ne seraient pas déçus des autres combats du soir qui, bien que moins fulgurants, furent tout à fait honnêtes. Quatre hommes qui feront la WWE des cinq prochaines années s'affrontaient dans deux matchs dénués de suspense mais pas de qualité. Sheamus battit un Swagger qui ne sortit pas affaibli de ce match fort disputé contre la bête; et Barrett imposa sa puissance à un Kingston voué à jobber en attendant le retour de suspension de son camarade Evan Bourne, mais qui profita de l'occasion pour se rappeler à notre bon souvenir, donnant longuement le tournis au Barragiste, jusqu'à l'inévitable contre fatal, le tout sous les yeux de Randy Orton, ce qui augure d'une feud high level pour l'Anglais aux oreilles décollées (pléonasme).

 

 

– Haha, Wasteland! T'as vu ça Randy?

– Hein? Heu, non, j'ai pas vu, je pensais à autre chose.

– Salaud! Arrête de jouer avec mes sentiments!

 

 

Les smarts ne furent pas non plus déçus de la prestation d'un autre de leurs chouchous, ce Cody Rhodes qui a su faire revivre l'art ancien du gimmick excessif, ce dont ils lui savent gré. Rhodes disposa du clown Marella en environ vingt secondes puis accomplit le rêve secret de pas mal de smarts en balançant un verre d'eau à la figure de Booker T., commentateur certes enjoué mais, la plupart du temps, terriblement incompétent. Une feud s'annonce peut-être entre les deux, et si ça permet de ne plus entendre Book aux commentaires (rendez-nous Striker, bon sang! Quel qu'ait été son crime, il l'a expié, ça fait des siècles qu'il se morfond à NXT!) et peut-être de réintroduire Goldust, frère de Cody et ancien allié longue durée de Mr. T., on pourrait avoir droit à quelques semaines de bonne télé bien fun.

 

 

Aaaah! Nooon! Cole a bu dedans!!!! Lemme tell you right there, ça me ronge le visage, dog!

 

 

Tout cela suffisait pour que les smarts, ces nouveaux maîtres du monde, rentrent chez eux heureux, mais ils eurent droit à encore une cerise sur ce gâteau décidément déjà copieux. Cette cerise, ce fut une excellente promo de Kevin Nash, la meilleure depuis son retour.

 

Celui qui fut, dans les années ouatées de ma jeunesse insouciante, un Diesel majestueux de puissance et de classe (et je m'associe absolument à la description enamourée qu'en a récemment faite maître Death, mon frère en Dieseladoration), remplit un autre élément du cahier des charges établi par la confrérie smart: il parla ouvertement d'un événement passé que la WWE a longtemps essayé de cacher. Le 19 mai 1996, au Madison Square Garden, le kayfabe fut, des années avant CM Punk, battu en brèche par quatre amis (plus de détails ici, lecture indispensable si vous ne savez pas encore ce que signifie MSG Incident). Les conséquences furent innombrables, à une époque où le kayfabe était aussi sacré que les lunettes roses de Bret Hart. Le rappel de cet événement fondateur s'inscrivait parfaitement dans le récit actuel (on se trouvait au lendemain d'un Survivor Series tenu justement au Madison Square Garden, et Nash se présenta comme le seul survivant de ce groupe de quatre). Ce fut une manière élégante de nous rappeler que le grand Kev est dans la place et n'a pas encore réglé ses comptes avec Triple H, sans prendre trop de temps, et en offrant encore aux smarts une raison de se pâmer.

 

 

Ce grand W doré est en fait un portail temporel ouvert en permanence sur les années 1990.

 

 

Il y eut ce soir un autre géant qui livra une promo à ce même endroit. Le Big Show laissa entendre que la jambe de Mark Henry n'avait pas été brisée à Survivor Series, ce qui signifie qu'on ne s'achemine pas vers un bordel avec un titre vacant et un champion dépossédé de son bien sans l'avoir perdu dans les règles de l'art. Fort bien, les smarts aiment quand les titres sont respectés et se transmettent dans les règles. Encore une fois, rien à redire.

 

 

Bon, la jambe gauche de Mark n'est pas brisée. Par contre il s'est fracturé la cheville droite en me frappant dans les couilles.

 

 

Passons rapidement sur les divas, cantonnées à un segment promotionnel pour un jeu vidéo (les smarts ne s'en offusqueront pas: ils préfèrent ne pas voir les filles en action du tout que subir un match inepte de deux minutes) et arrivons enfin au main event, et au principal ennemi du peuple smart: John Cena, lui dont il ne faut pas dire le nom, ou alors en ajoutant "sucks" immédiatement après.

 

Cena fut, comme c'est maintenant usuel, accueilli comme Barack Obama à une réunion du Tea Party. Il ne refusa pas le combat, le Marine, et courageusement s'empara du micro pour tenter de renverser la tendance, au moins un peu. Il avait sans doute compris que ses petites techniques habituelles (prononcer le nom de la ville où on se trouve comme si on en éprouvait un orgasme) ne suffiraient pas, et employa donc les grands moyens. Alors que fait Cena quand il se trouve devant une horde de smarts déchaînés qui le huent? Eh bien, il dit plein de choses super positives sur les idoles des smarts. Pas bête, hein? Donc Johnny commença par rendre hommage au Rock (idole des smarts, des marks, des smarks, et d'à peu près tout ce qui vit sur Terre), puis à CM Punk, puis à Zack Ryder. Pas con, faut bien l'admettre. Le bon peuple huait encore, bien sûr, mais un peu moins fort, et on entendit même un chant Fruity Peebles dont on ne sait pas s'il faut l'interpréter comme une marque de soutien ou une moquerie, ou les deux, va comprendre, Charles.

 

 

– Salut les smarts. Le Rock est mille fois meilleur que moi, Zack Ryder est génial, j'adore CM Punk, Daniel Bryan déchire tout, le puro c'est fantastique, la X-Division de la TNA c'est merveilleux et mon rêve absolu serait d'assister à un match entre Kevin Steen et…

– FERME TA GUEULE SALE BATARD!

– Tain, z'êtes durs, quand même.

 

 

Etant donné les circonstances, il s'en sortait pas trop mal, le Johnny, quand ses adversaires de la veille débarquèrent pour l'interrompre et déclencher une nouvelle salve de huées à son encontre, rappelant notamment les slogans scandés par le public du MSG ("Don't tag Cena!" avaient intimé les tout-puissants smarts de dimanche au Rock, et leurs camarades de lundi se firent un plaisir d'embrayer). Mais Cena a plus d'un tour dans son sac. Evidemment, Truth et Miz, il les a déjà massacrés ensemble ou séparément plus souvent que McOcee a joué Smoke on the Water à l'harmonica, et il pourrait recommencer avec les deux mains attachées dans le dos et des chaussures de clown aux pieds… mais cette fois, John se sentait moins Hercule que Poirot, et décida de venir à bout des malotrus en faisant marcher ses petites cellules grises (quoique chez lui, elles sont oranges, rouges, violettes et jaunes). Et là, les enfants, j'espère que vous avez bien suivi, parce que c'est une grande leçon de survie en milieu scolaire que John nous a offerte. Que faire si deux complices pas commodes vous font chier? Eh ben, dites leur qu'en vérité, ils se méprisent mutuellement, et tirez-vous. Ils vont forcément se taper dessus, c'est obligé.

 

 

– Miz, faut que je te dise: pendant votre entrée hier à Survivor Series, Truth a pas arrêté de te crier "You Suck"!

– Quoi?!

– Et toi, Truth, faut que tu saches que pendant votre entrée hier à Survivor Series, Miz a pas arrêté de te crier "You Suck"!

– Hein?!

– Comme je vous le dis.

 

 

Truth et Miz ne manquèrent pas de marcher dans la combine, et en vinrent aux mains, impuissants à opposer leur rhétorique à la puissante dialectique cenienne. Le déroulement des événements semble indiquer que le Miz restera heel tandis que Truth retournera du côté face, et les smarts, là encore, seront d'accord: le premier a encore bien des cartouches à tirer en demeurant du côté obscur, tandis que le second a semble-t-il fait le tour de son personnage de comedy heel. Les smarts aiment aussi quand les bookers devancent l'inévitable érosion d'une équipe ou d'un personnage, et applaudissent donc le split d'Awesome Truth et la feud subséquente qui s'annonce.

 

 

– Hé le taré… T'es mort?

– Ze… ze suis pas taré… Ze suis… ze suis Pretty Ricky!

– … Hé bé elle promet cette feud.

 

 

De toute façon, ils n'ont aucune raison de se plaindre, les Smarts. Ils ont pris le pouvoir. Ce qui signifie… Oui, lecteurs. Ce qui signifie que NOUS avons pris le pouvoir.

 

 

Je ne suis pas un leader, simplement un haut-parleur!


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