Vince s’en va-t-en guerre

On ne tue bien que ce qu'on aime.

Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu

 

Bonjour à  toutes et à tous et bienvenue à la Spanish Announce Table, le seul endroit où sont nées les légendes, où les carrières ont été brisées et où on va parler des combats que Vince MacMahon a livrés à un milliardaire et à des pandas.

 

 

Je sais que je t’ai embauché pour jouer Stan Koenke. M’en fous, maintenant on dit que t’es Ted Turner, en plus t’as la même gueule. A quatre pattes et aboie comme un chien.

 

 

WCW, WWF et TNA contre WWE

 

On ne tue bien que ce qu'on aime.

Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu

 

Bonjour à  toutes et à tous et bienvenue à la Spanish Announce Table, le seul endroit où sont nées les légendes, où les carrières ont été brisées et où on va parler des combats que Vince MacMahon a livrés à un milliardaire et à des pandas.

 

 

Je sais que je t’ai embauché pour jouer Stan Koenke. M’en fous, maintenant on dit que t’es Ted Turner, en plus t’as la même gueule. A quatre pattes et aboie comme un chien.

 

 

WCW, WWF et TNA contre WWE

 

 

En effet, il me semble qu'on est au moment opportun pour parler des guerres que Vince MacMahon a menées, celles qu'il a gagnées et celles qu'il a perdues. En d'autres termes, on va causer des Monday Night Wars, un sujet que beaucoup aimeraient voir de nouveau d'actualité.

 

Mais avant de développer le sujet, je souhaiterais raconter la dernière guerre qu'a perdue Vince MacMahon. Elle est récente, d'ailleurs, elle date de l'an 2000 mais trouve ses sources en 1979, à peu près au moment où Vince a hérité de l'entreprise familiale de catch. Celle-ci vient de se rebaptiser WWF, laissant tomber un W de son ancien acronyme de WWWF. Le problème d'un tel lifting, évident dès cette période, est celui de l'homonymie avec l'association de défense des animaux bien connue, celle-là même dont le logo est un panda. Mais très tôt les deux compagnies aux activités et aux publics différents s'entendent de manière tacite pour éviter de se marcher sur les pieds l'une et l'autre.

 

 

Depuis ce jour où il a été mis KO par un ours mignon et en voie d'extinction, Vince a rebondi et créé The Animal, Batista.

 

 

Tout cela aurait pu continuer très longtemps, mais malheureusement, la fin des années1990 sonne le glas de cette coexistence pacifique car il ne pourra, avec l'arrivée d'Internet, y avoir qu'un seul wwf.com. La bataille sera judiciaire, longue ardue et, au final, Vince Mac Mahon devra céder devant le panda, rebaptisant l'entreprise familiale qui est devenue un empire: WWE.

 

 

Rends-nous notre nom. Maintenant.

 

 

Bon, cet interlude concernant une guerre perdue par Vince étant terminé, venons-en à  cette guerre dont tout le monde se souvient et qu'il a gagnée: ce que l'on a appelé aux USA les Monday Night Wars. Précisons quand même à propos de cet affrontement frontal qui a changé la face du catch que de nombreux commentateurs écrivent tout et n'importe quoi à son propos.

 

 

Hulk Hogan, soucieux de retrouver ses meilleurs moments in ring, revit le Fingerpoke of Doom.

 

 

Il y a d'abord ceux qui en parlent sans savoir: en France, comme dans de nombreux autres pays, à moins d'habiter près d'une frontière et de s'amuser à pirater les chaînes étrangères avec son antenne satellite, les Monday Night Wars, on ne les a vécues qu'à moitié. C'est d'ailleurs pour ça (et par respect pour les vrais historiens du catch en France) que je ne vais vous faire qu'un très court résumé du bazar.

 

La première chose importante à savoir à propos des Monday Night Wars, c’est un truc tout simple, qu'on peut encore constater à l'écran toutes les semaines. La WWE sait très bien mettre en valeur son capital passé. Avec un joli montage, une promo en vidéo bien foutue, elle est capable de transformer une rétrospective de la carrière de HBK en un clip déchirant qui vous arrachera une larmichette. De la même manière, je suis sûr qu'un des nombreux face/heel turns de Kane parce qu'un heel/face lui a malencontreusement renversé une tasse de café dessus backstage pourrait, avec un bon montage et la musique appropriée, devenir un truc vachement cool. Tout ça pour dire que, oui, pendant les Monday Night Wars, la concurrence améliorait parfois la qualité du produit à l'écran mais que, le souvenir (et surtout chez les fans de catch qui ont une très grande appétence à la nostalgie) et des vidéos bien montées embellissent un peu la mémoire de chacun.

 

 

Côté  story-telling, la WWE, c'est quand même des cadors, non ?

 

 

On va donc résumer cette histoire d'un point de vue assez neutre et qui va remettre au centre du débat un argument indéniable dans le catch, le seul important d'ailleurs, bien plus que la qualité du produit proposé: c'est le dollar. Les Monday Night Wars, c'est une histoire assez simple finalement, une histoire toute bête de parts de marché entre entreprises concurrentes. D'un côté, il y a une énorme entreprise, dirigée par un millionnaire et, de l'autre, une plus petite aux moyens limités.

 

 

Euh, Ted, Million Dollar Man, c'était un gimmick. En fait, t'as pas une thune, et ce costard, tu l'as loué pour une heure.

 

 

Dans le rôle de David, Vince MacMahon — oui, je sais, c'est bizarre d'imaginer que dans cette histoire, c'est lui le petit –— et dans le rôle de Goliath , Ted Turner, le grand manitou de la télé américaine, le mec à l'origine de CNN. En bon capitaliste, Turner n'a qu'une envie: faire travailler plus les autres pour que lui puisse gagner plus. Le succès de la WWF d'alors lui rappelle qu'il a, il y a longtemps, acheté une petite fédération dans le but d'économiser de l'argent quand il diffuse des shows de catch sur une de ses nombreuses chaînes. Il décide alors d'aller à l'affrontement.

 

Le reste fait partie de l'histoire: l'angle des Outsiders, le débauchage d'Hogan, celui de Savage, de Hart, le Montreal Screwjob, Mick Foley qui gagne, en différé, le titre de la WWF pendant qu'en live la WCW spoile le changement de ceinture. N'importe quel bon DVD, un bouquin ou Wikipedia feront l'affaire pour vous renseigner en détails. L'heure de la chute de la WCW sonnera finalement quand Ted Turner, voyant que son investissement ne sera jamais rentable, décide d'arrêter d'y injecter de l'argent à perte.

 

 

Par contre, ces trois-là savent très bien où  l'argent de Ted Turner a été  injecté…

 

 

Une fois ce petit rappel historique effectué, on va maintenant parler du présent et de l'affrontement entre la WWE et la TNA. Enfin, l'affrontement, c'est un peu plus compliqué que ça… Depuis l'arrivée d'Hulk Hogan à Orlando et le Live Impact de début janvier, la TNA s'est clairement positionnée dans une guerre contre la WWE. A l'inverse, avec ce que les uns appelleront du dédain et les autres de la sagesse, la WWE semble refuser le combat. Pour preuve et en guise de meilleur exemple, le soir où Hogan faisait son grand retour et où Impact déclarait la guerre, John Cena, la star numéro 1 de la WWE, n'était pas à l'antenne.

 

On va donc analyser l'affrontement qui se profile du seul point de vue objectif : celui du billet vert, des dollars que rapporte un show de catch standard. J'avoue que les chiffres que j'ai ne sont pas sourcés, car ils proviennent d'un vieil article lu au hasard du net à l'époque où Smackdown est passé de CW à MyNetworkTV, il y a donc 18 mois. Je ne donnerai donc pas de chiffres précis, mais juste un ordre de grandeur.

 

 

Kurt Angle a égaré son slip de Chippendale. Pourras-tu l'aider à le retrouver?

 

 

Alors pour faire simple, quand on prend le show majeur de la WWE, RAW, c'est une émission de télévision qui ne rapporte rien  La WWE vend ce programme très cher à la chaîne de télé qui le diffuse mais elle le vend environ au prix que ça lui coûte. Parce que faire un tel programme, ça coûte beaucoup d'argent: il faut louer la salle, payer le matériel de diffusion et de production dernier cri (les caméras HD, le Titantron qui est au top de la technologie), les gens qui filment, réalisent, font la prise de son, les commentateurs, les catcheurs. Tout cela au total s'équilibre à peu près (l'à peu près se situant selon les résultats de la billetterie du show).

 

Sauf que c'est un peu plus compliqué que ça.

 

En premier lieu parce que la WWE diffuse un programme qui fait de la pub pour ses produits, que ce soient les house-shows, le merchandising ou ses pay per views mensuels. Elle dispose ainsi de deux heures de publicité gratuite hebdomadaire à une heure de grande écoute à la télévision et ça, c'est un truc qui vaut énormément d'argent.

 

 

La publicité  à la WWE, c'est pas vraiment subliminal…

 

 

Ensuite, parce que la WWE fait des économies d'échelle et qu'il est très rare qu'elle ne fasse qu'une émission. RAW est diffusé en live mais la WWE en profite pour filmer aussi un ou deux matchs qui seront diffusés à Superstars. Quant à Smackdown, en plus des matchs prévus pour le show du vendredi, cela permet aussi de filmer NXT et le reste de Superstars. Donc si la WWE ne fait aucun bénéfice pour RAW et Smackdown qu'elle vend à prix coûtant, elle gagne de l'argent sur les shows mineurs qui lui coûtent beaucoup moins cher.

 

Enfin, la WWE s'y retrouve financièrement parce qu'elle vend RAW (et ses shows en général) plusieurs fois; ce n'est donc pas un problème si elle ne gagne pas d'argent en le vendant à prix coûtant aux Etats-Unis. Elle se rattrape quand elle le diffuse sous licence (en direct ou en différé) à l'étranger. C'est là qu'elle touche le jackpot. C'est d'ailleurs à cause de ça qu'elle a failli perdre les Monday Night Wars puisque la WCW avait à l'époque réussi à faire un hold-up sur ses parts de marché à l'étranger.

 

 

Je sais que ça fait trois ans que je suis l'atout numéro un de la WWE sur le marché émergeant de l'Inde mais là j'en peux plus, faut que je prenne des cours de catch.

 

 

Cette formule magique qu'a la WWE pour gagner de l'argent correspond à peu près au modèle économique idéal pour réussir son business dans le sport-entertainment ou le professionnal wrestling. Et c'est donc à peu près le même modèle (économies d'échelle, autopromotion et syndication) que devrait viser la TNA pour être profitable. D'autres modèles économiques sont possibles (notamment celui que tente de mettre en place la ROH, mais on est là dans une stratégie de conquête d'un marché de niche et pas dans une recherche de la place de numéro un).

 

Très honnêtement, pour le moment, la firme d'Orlando n'est pas encore au top à ce niveau. Elle n'a pas encore la puissance financière, la réputation suffisante et la volonté pour enchaîner les house-shows à la cadence de la WWE et elle est clairement en deçà de la WWE au niveau de l'export de ses émissions.

 

 

Sans compter qu'il va falloir investir dans les effets spéciaux d'urgence, aussi…

 

 

Il existe cependant une différence majeure entre les deux compagnies: la WWE doit faire des bénéfices pour survivre. Alors que la TNA, filiale d'un grand groupe pétrolier texan, pourrait dans l'idéal se contenter de maintenir ses comptes à l'équilibre, le budget annuel de la WWE étant à peu près l'équivalent d'un des nombreux grands chantiers de Panda Energy, la maison mère de la firme de Dixie Carter (oui, les pandas poursuivent Vince comme dans un cauchemar sous acide). En gros, encore une fois, et malgré toutes les apparences, on retrouve le schéma de David contre Goliath et Vince McMahon endosse toujours le rôle du petit.

 

Cependant, il faut bien avouer que la TNA, en allant à l'affrontement frontal avec la WWE, a fait un choix très discutable, notamment parce qu'elle offre un point de comparaison immédiat, évident et pourtant pas forcément pertinent, celui des audiences.

 

C'est à  mon avis un très mauvais mouvement au niveau stratégique pour de nombreuses raisons.

 

 

Le propriétaire de la Fiat Panda blanche immatriculée 1996 NWO 02 garée devant l'Impact Zone est prié de déplacer son véhicule.

 

 

D'abord parce que les ratings, qui sont abondamment commentés par les sites internet spécialisés, ne correspondent pas à grand chose au niveau financier. On a bien vu (oui, j'ai pas expliqué tout le modèle économique de la WWE juste pour étaler ma science. C'était pour faire une sorte de démonstration) que ni l'une ni l'autre des deux fédérations ne gagnent véritablement et directement de l'argent en fonction des audiences. Celles-ci, qui fixent le prix des écrans publicitaires lors des shows, influent sur le prix de vente final du produit show télévisé, mais seulement de manière indirecte et à moyen terme. USA ou MyNetworkTV ne se réunissent pas toutes les semaines avec Vince pour discuter du prix du show de la semaine suivante, la TNA et Spike TV non plus. Ce sont des contrats à fréquence annuelle ou bisannuelle.

 

Ensuite, parce que ces ratings-là fournissent des données très aisément comparables et que toute comparaison directe entre les shows ne peut donner qu'une image négative de la TNA. Quand Impact était sur un créneau sans concurrence directe avec le leader du marché, elle pouvait vendre son produit à l'étranger en se basant sur sa place de deuxième, une progression croissante, sa volonté d'offrir une alternative vis-à-vis du produit leader et ainsi décrocher des marchés. Maintenant dès qu'elle voudra vendre son produit à l'étranger, même si elle conserve ces atouts-là, elle devra systématiquement se confronter à l'argument: « Aux USA, vous faîtes 4 (ou 3 ou 5, peu importe) fois moins bien que la concurrence directe, Pourquoi dois-je payer plus de 4 (ou 3 ou 5) fois le prix de la WWE?»; autant dire que ça ne constitue pas le meilleur début d'une négociation commerciale.

 

 

C'est officiel: la TNA a entamé les démarches pour être diffusée en Italie. Les négociations ont commencé.

 

 

Enfin parce que l'affrontement direct des audiences est désormais une illusion. Les Monday Night Wars font partie du passé, de l'ère de la télévision hertzienne ou câblée. A l'heure de l'Internet et des téléviseurs et des magnétoscopes numériques (les T-Vos aux USA), à l'époque où les shows sont désormais mis à disposition à peine diffusés sur Internet (et de manière légale sur un site comme Hulu, je ne parle pas là de piratage), la notion même d'audience a de moins en moins d'importance réelle même si elle est encore très présente dans l'esprit de tous.

 

Pour reprendre l'exemple de l'export du show en syndication à l'étranger, avec la multiplication du nombre de chaînes de télé de par le monde, on ne pourra plus jamais se retrouver dans une situation équivalente à celle des Monday Night Wars, où une compagnie peut tenter de rayer l'autre du paysage en lui volant la part du gâteau sur ce terrain. Les marchés étaient auparavant monopolistiques; ils doivent désormais se partager le gâteau. Rien qu'en France, il y a désormais quatre chaînes qui diffusent le produit WWE, alors qu'à l'époque des Monday Night Wars, une seule sur sept au total était intéressée par le produit catch.

 

Toujours pour reprendre cet exemple de l'importance secondaire des audiences au niveau économique, c'est d'ailleurs plus ou moins pour ça que la WWE a décidé  de sacrifier un peu de son audience en réalisant le déménagement de Smackdown de CW à MyNetworkTV. Elle a préféré au public plus nombreux à l'époque de CW (une chaîne vieillissante qui devenait un robinet à séries multi-diffusées) le fait d'être le produit phare d'une chaîne jeune qui s'établissait mais qui couvrait mal le territoire américain. L'argument «La WWE a fait MyNetworkTV» lui a permis d'apparaître comme un produit leader sur le marché télévisuel et l’a énormément aidée à trouver une chaîne télé intéressée par un produit comme Superstars. L'audience, même si elle compte toujours autant aux yeux des fans, fait désormais partie intégrante de l'image de marque que renvoie la compagnie. Mais ce n'est plus un critère exclusif.

 

 

Concurrence oblige, Isaac, notre barman, vous offrira un cocktail pour toute émission regardée.

 

 

Cet argument de l'audience, que la TNA impose implicitement en affichant comme slogan: «The War is back now on Mondays» est la pire épine possible qu'elle puisse se mettre dans le pied. A l'heure où l'audience signifie de moins en moins de choses au niveau business mais toujours autant en terme d'image, au lieu d'esquiver ce point de comparaison, elle l'affronte frontalement et met elle-même en péril son activité dans beaucoup de domaines. La TNA était auparavant un produit qui pouvait se présenter comme étant une alternative à la WWE; maintenant son image n'est plus que celle du numéro deux qui cherche à prendre la place du numéro un mais n'y parvient pas.

 

D'ailleurs, le fait que le diffuseur Spike TV ait très vite réagi et fait de son mieux pour récupérer l'ancien créneau d'Impact afin de rediffuser le show du lundi (avec un assez beau succès, d'ailleurs) semble bien prouver que le network lui-même a des doutes sur une telle stratégie.

 

 

A Orlando, pour riposter au succès de The Marine II, on prépare déjà  un film d'horreur à grand spectacle.

 

 

Seulement, voilà, maintenant la guerre est déclarée. Tout mouvement de recul parmi les changements que la TNA a effectués apparaîtra comme une défaite (que ce soit un changement de créneau de diffusion ou un retour au ring à six côtés) aux yeux des observateurs extérieurs. Alors certes, la TNA a derrière elle une puissance financière bien plus importante que son concurrent mais la guerre du lundi soir n'aura pas lieu et Impact ne peut pas la gagner. Par contre, il n'est pas exclu que la WWE perde la guerre en faisant des erreurs majeures. Malheureusement pour les fans de la TNA, je pense que l'esprit de compétition et le sens des affaires de Vince MacMahon a déjà compris ça et qu'il se gardera bien du moindre faux pas, le premier étant sans doute d'ailleurs… de reconnaître qu'il y a un affrontement.

 

Voilà, c'est tout pour aujourd'hui, mais comme cet article manque cruellement de sources et de chiffres, n'hésitez pas à vous adresser à notre comptable pour avoir des précisions.

 

 

Je vous écoute.


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