Au théâtre ce soir

See me ride out of the sunset
On your colored TV screen

AC/DC, TNT

 

La route de Mania surgit du soleil couchant ce soir et plonge directement dans nos écrans. Et voilà comment l'ami Gibson voit cette affaire.

Sachez qu'il y a deux sortes de lecteurs qu'une rédac mégalomane et flemmarde apprécie: ceux qui pensent comme elle, et ceux qui écrivent eux-mêmes des papiers. Imaginez alors à quel point nous apprécions Gib, auteur de ce remarquable article sur le Mania à venir, article dans lequel nous nous reconnaissons pleinement.

 

 

Gib, quand il propose un article, il demande poliment si ça nous dirait de le passer.

 

 

Preview de Wrestlemania 26

 

See me ride out of the sunset
On your colored TV screen

AC/DC, TNT

 

La route de Mania surgit du soleil couchant ce soir et plonge directement dans nos écrans. Et voilà comment l'ami Gibson voit cette affaire.

Sachez qu'il y a deux sortes de lecteurs qu'une rédac mégalomane et flemmarde apprécie: ceux qui pensent comme elle, et ceux qui écrivent eux-mêmes des papiers. Imaginez alors à quel point nous apprécions Gib, auteur de ce remarquable article sur le Mania à venir, article dans lequel nous nous reconnaissons pleinement.

 

 

Gib, quand il propose un article, il demande poliment si ça nous dirait de le passer.

 

 

Preview de Wrestlemania 26

 

D'abord la genouillère gauche, toujours. A l'aube des grands rendez-vous, les sportifs s'inventent souvent des rituels et de superstitions en tout genre et rien n'est de trop pour forcer le destin en s'attirant les faveurs de dame Chance ( ou de son cousin d'outre-Atlantique, l'hermaphrodite Luck). Les plus grands vous le diront, le succès, votre carrière, votre vie même, tout peut se jouer en quelques minutes, quelques secondes, le temps d'un geste de génie ou à l'inverse d'une chute terrible. Ce n'est pas Maradona et sa Mano de Dios en 86 ni Tyree et son Helmet Catch du Superbowl XLII qui nous contrediront. Mais alors que justement le souvenir du dernier Superbowl s'efface dans la mémoire imbibée de gras de l'Américain moyen, et que la prochaine Coupe du Monde de football n'est encore qu'une vague lueur d'intérêt dans l'œil du stupide supporter lambda, approche un événement d'ampleur mondiale qui, lui, fait couler beaucoup d'encre chez les vertueux et distingués amateurs de lutte. Et non, je ne parle pas de la récente (et difficile) montée d'Hogan dans un ring, mais bien du Grandest Stage Of Them All, Wrestlemania.

 

 

Un vertueux et distingué amateur de lutte.

 

 

Wrestlemania ( à prononcer Wraisseulmaignia, avec un pot de confiture dans la bouche ) est donc le show numéro 1 de la WWE/F depuis maintenant 26 ans. C'est le seul PPV de la WWE qui s'offre le luxe d'avoir deux autres PPV dédiés à la création de sa carte et la mise en place de ses feuds. Et alors que les "payer pour voir" habituels durent légèrement moins de trois heures et comprennent entre cinq et huit combats, celui-ci possède une carte en général plus fournie, et le show s'étale sur quatre heures, même s'il est vrai que la lutte est interrompue par des segments un peu people ou, comme plus récemment, par un (mauvais) concert. Mais derrière les strass et les paillettes, Wrestlemania c'est avant tout le moment pour la WWE de terminer une saison catchesque et de lancer la suivante, en concluant les grosses feuds en fanfare, en faisant le bilan de l'année écoulée, et de repartir vers douze nouveaux mois d'exercice.

 

Mais cette édition 26 est particulière. Plus que de marquer le début d'une nouvelle année de catch, ce Wrestlemania marque peut-être le début d'une nouvelle ère pour la WWE. Car la fédération de Stamford en est à une période charnière de son existence. Vince McMahon a toujours privilégié les affaires sur le long terme, et si, il y a un an, Chris Jericho affirmait déjà avec verve en interview qu'il était urgent de bâtir les stars de demain et de diversifier le main event, l'idée est encore plus vraie aujourd'hui, alors que des monuments de la fédération s'apprêtent à prendre du repos, définitif ou pas. La matière première est là: les pushs astronomiques de McIntyre et Sheamus, l'arrivée en masse des catcheurs de la défunte ECW et enfin les futurs promus de NXT fournissent une base très solide de jeunes lutteurs talentueux, de gimmicks intéressantes et, peut être, de diamants bruts.

 

 

– T'as vu Croft, il parle de nous là, les diamants bruts!

– Moi c'est Barreta, mais ouais! ECW represents!

 

 

Si les officiels veulent faire quelque chose de ces jeunes aux dents longues, il va falloir libérer de la place dans le roster. Mais la situation est plus complexe qu'une simple transmission de flambeau: l'accession à la gloire des lutteurs élus ne pourra se faire qu'à la suite d'une lente et méticuleuse phase de crédibilisation, ou il faudra soigneusement construire les feuds qui amèneront ces jeunes poulains au sommet. Et c'est en quoi la carte de Wrestlemania 26 est si exceptionnelle, un parfait dosage entre remémoration du passé, construction du présent et préparation du futur.

 

Comment ne pas commencer le passage en revue des matchs de Wrestlemania par la grande affiche de l'événement? Michael Shawn Hickenbottom et Mark Callaway, plus connus sous les noms de Shawn Michaels et l'Undertaker, sont sans conteste les deux plus grandes légendes du catch encore en activité, et nombre de lutteurs du circuit actuel ont pris goût à la lutte en regardant ces deux-là, il y a une grosse quinzaine d'années. La stipulation streak versus career semble clairement marquer la fin d'une époque, tant la retraite de Shawn Michaels ou l'abandon d'un des titres les plus prestigieux de la WWE changerait la face de la fédération. Néanmoins, c'est bien ce qui arrivera dans quelques heures au bout d'un match qui devrait rester dans les annales de Wrestlemania, et sans doute même de l'histoire du catch. La WWE a sorti l'artillerie lourde afin d'hyper l'événement comme il se doit, et quelle que soit la qualité des feuds autour des titres en ce moment, c'est bien ce match qui sera la véritable attraction de cette année, le genre d'affiche qui est capable de faire vendre un show à elle seule, et dont on parlera encore dans dix ans.

 

 

– Pas trop la pression Shawn ?

– Non et toi?

– Tranquille.

 

 

Dans la même veine, l'opposition entre Vince McMahon et Bret Hart fait ressurgir une époque lointaine (du moins selon les critères de la lutte), dans le but avoué de faire table rase du passé et de construire un nouveau futur. Car le rapprochement des deux hommes va bien au-delà du kayfabe, Vince ayant (du moins en partie) ravalé sa fierté et Bret ayant (du moins en partie) réussi à pardonner à celui qui l'avait si durement floué par le passé. Si les deux hommes ne sont pas les meilleurs amis du monde, ils ont su mettre leurs différends de côté afin de proposer une programmation originale permettant d'exploiter pleinement les vieux souvenirs (et de se faire un maximum d'argent des deux cotés, bien entendu ). Sans compter qu'en plus de faire vibrer la fibre nostalgique, leur match est sans doute la dernière apparition de Hart et peut-être même du chairman dans un ring, les deux hommes cumulant quand même presque 120 ans à eux deux.

 

 

– Tu trouves que 120 ans c'est beaucoup trop, Nestor?

– Non, msieur.

– Comment ça? Tu veux donc dire que nous manquons d'expérience?

– Non, msieur.

– Insolent que tu es! Tu insinues donc que nous sommes trop vieux pour divertir?

– Non, msieur.

– Va prendre tes affairesNestor, t'es viré.

– Oui, msieur.

 

 

Alors que vraisemblablement une légende quittera les rings ce soir, une autre pourrait naître et accéder au club très privé de ceux qui ont porté la compagnie de leurs épaules. Un homme qui du haut de ses 30 ans possède déjà un parcours incroyable qui ferait rêver n'importe quel aspirant lutteur: nul autre que RKO, anciennement heel numéro 1 de la fédération, et dont la popularité toujours grandissante semble aujourd'hui le forcer à un tweener turn. Mouvement stratégique, lorsqu'on se rappelle que la formule avait été brillamment étrennée par Steve Austin il y de ça quelques années. Et ce soir est peut-être la soirée qui scellera pour longtemps le statut de tweener d'Orton, même si son Triple Threat n'est pas le combat le plus attendu de la réunion, loin de là. Randy est opposé à ses deux jeunes loups de la Legacy, qui devraient collaborer pendant une bonne partie du match. Une victoire nette en infériorité numérique après un violent passage à tabac lui accorderait les faveurs de la foule et achèverait de construire son nouveau personnage, celui de mauvais garçon aimé du peuple, le propulsant directement parmi les grands du catch et lui assurant une place au Hall of Fame entre le Nature Boy et Stone Cold.

 

 

– Copain! Tire sur mon doigt!

– Putain Randy, jte préférais en heel.

 

 

Le dernier match illustrant le champ temporel que couvre cette édition de Wrestlemania est peut-être celui qui traduit le mieux l'idée: HHH vs Sheamus. L'un traîne sa bosse autour des titres depuis longtemps, tout en prenant chaque jour de plus en plus de responsabilités dans l'organisation de la fédération, alors que l'autre était encore inconnu il y un an, et perdait contre Goldust il y a quelques mois. Mais l'Irlandais a semble-t-il mangé du Leprechaun, tant son push fut stellaire. Cependant, on aura beau utiliser tout le champ lexical de l'astronomie pour décrire l'opportunité qui lui a été donnée, peu de choses l'élèveraient autant qu'une victoire contre Triple H sur le Grandest Stage Of Them All.

 

Et là où ça devient intéressant, c'est que c'est bien le scénario qui risque de se produire. L'attitude de The Game est exemplaire ces derniers mois, qui l'auront vu jobber contre la Legacy, puis se faire discret au Rumble avant d'offrir l'Elimination Chamber à Cena. Il semblerait qu'il se soit rendu compte de la nécessité de bâtir de nouvelles stars, et que la creative team ait pris conscience du fabuleux marche-pied qu'il peut représenter pour un jeune cherchant à se faire un nom. Si le career vs streak et le McMahon/Hart vont clore des chapitres plus ou moins glorieux du passé, et que le triple threat va peut-être permettre à Orton de devenir avec son pote Cena l'icône des années 2010, Sheamus et Triple H auront à cœur de préparer le futur de la compagnie en relançant l'Irlandais sur le chemin du Main Event.

 

 

 

 

Sérieux, après tout ce qu'on a fait pour elle, l'Irlande pourrait au moins nous faire citoyens d'honneur.

 

 

Le deuxième grand intérêt de la carte de cette 26ème édition de Wrestlemania, c'est qu'il y en aura pour tous les goûts. En effet, la WWE a joué sur tous les plans: en proposant des matchs associables au passé, au présent et au futur de la fédération, mais aussi en présentant des matchs de styles variés et bien précis. Les McMahon ont mis les petits plats (en or massif) dans les grands, en proposant trois combats aussi alléchants les uns que les autres, dans trois styles de lutte bien différents. Et alors que l'on peste assez souvent devant un match manquant de rythme ou de technique par la faute d'un des participants (les relativement récents Big Show/Edge ou Batista/Mysterio pour ne citer qu'eux), les bookers se sont cette fois appliqués à ne rassembler que les meilleurs dans chaque domaine afin de proposer le spectacle de la plus grande qualité possible.

 

Le premier est le combat dont tout smart/k qui se respecte a au moins rêvé une fois, l'opposition de folie entre Edge et Jericho. Ces deux là sont sûrement ce qu'il se fait de mieux à la WWE en tant qu'orateur, et la construction plus que primaire de leur feud a été sauvée par le talent des deux hommes micro en main. Voila qui promet un excellent combat, plein de clins d'œil et d'interactions délectables entre les protagonistes. Si le niveau in-ring sera relativement élevé (en fonction de la condition physique d'Edge), c'est bien le talent d'acteur des deux têtes blondes canadiennes qui devrait nous régaler. Je salive à l'avance de voir Edge jouer avec Jericho en mimant le spear, et ce dernier jouer avec Edge à son tour en lui donnant de petits coups de pied plein d'arrogance, avant d'exploser dans un final dantesque impliquant pourquoi pas la table des commentateurs. Petite intuition.

 

 

La table des commentateurs? J'espear que ce n'est pas ce que je pense.

 

 

Deuxième combat, deuxième style de catch. L'opposition entre Cena et sa Némésis Batista ne devrait pas nous fournir de moves fantastiques ni nous éblouir par la malice des deux lutteurs, mais elle nous impressionnera assurément par la puissance et l'intensité qu'elle dégagera. Plutôt que de baisser la qualité technique de deux combats, la creative team a préféré regrouper ces deux monstres en un seul match; grand bien lui en a pris au vu de l'excellente feud à laquelle ils se sont livrés. Car si sur le papier le combat semble un peu faible, ces dernières semaines ont permis d'asseoir le personnage de Batista heel, chef d'œuvre de reconversion, et celui d'un Cena plus posé, semblant pour une fois faire preuve d'humilité en ne gesticulant pas dans tous les sens tout en criant à qui veut l'écouter qu'il va battre son opposant et remporter le titre.

 

 

John, à Wrestlemania je te battrai pour la..

 

 

quatrième fois!

 

 

 

 

Non non, attends, ça sera la..

 

 

Quatrième fois!

 

 

Heu…

 

 

Rigole pas.

 

 

Troisième et dernier combat illustrant la diversité de la carte, l'alléchant Punk/Mysterio. Si Punk est fabuleux au micro ces derniers temps, et que la stipulation "straight edge" du match donnera un peu d'intensité à leur opposition, le grand intérêt de ce combat réside dans le talent technique des deux hommes. Face à différents opposants, Reyrey a toujours su donner le meilleur de lui-même et fournir des matchs d'excellente qualité ces derniers temps. En fait, à l'exception peut-être de son title shot de l'automne et de sa feud avec Taker/Batista, le parcours de Mysterio est presque parfait depuis un an. Le Mexicain semble au sommet de la vague, et particulièrement affûté physiquement. Rappelons quand même qu'il a pris de gros risques et repoussé son importante opération du genou afin de pouvoir prendre part à Wrestlemania, le bonhomme ne risque donc pas de venir pour y faire de la figuration. De son coté, Punk est sur un nuage depuis plusieurs mois, et est un de ceux (si ce n'est celui) qui suscitent le plus de heel heat immédiate dans le roster de la WWE. Et il est aussi, bien sûr, un incroyable technicien dont le style de catch change agréablement des catcheurs "made in WWE" un peu stéréotypés. De plus, les deux hommes ont assuré en interview beaucoup apprécier de travailler ensemble, et avoir une grosse marge de progression. 

 

 

Puisque je vous dis qu'on ADORE travailler ensemble! Pas vrai Rey? Bon garçon.

 

 

En conclusion, et si on fait exception de la division tag team encore une fois sacrifiée et de la division divas décrédibilisée, la carte de Wrestlemania 26 s'avère particulièrement appétissante, imageant parfaitement la période un peu charnière dans laquelle se trouve la compagnie en ce moment en mélangeant passé, présent et futur de la fédération, tout en proposant des matchs aux styles bien établis.

 

A cette heure-ci les plans sont faits, les gros spots ont été travaillés, et la fête bat son plein à Phoenix. Mais ce soir certains risquent d'avoir une boule au ventre à l'idée d'entrer dans une arène de cette taille et de prendre part à un événement aux enjeux aussi énormes. Wrestlemania est impitoyable, récompensant par tous les honneurs les grands performeurs, mais sanctionnant aussi cruellement les échecs et les contre-performances. Si une excellente prestation peut révéler un lutteur aux yeux des officiels, une erreur peut lui coûter incroyablement cher et lui faire tirer un trait sur tout plan de carrière. Demandez à Evan Bourne ce qu'il en pense, à quelques heures de sauter du haut d'une échelle de 4m de haut la tête la première.

Et il y a bien un autre lutteur qui aura la boule au ventre ce soir en laçant ses bottes. Un texan, à l'accent bizarre et aux cheveux longs, au chapeau de cowboy et pantalon de cuir. Le genre briseur de cœur. Qui va vivre son 17ème Wrestlemania de façon particulière, car il est fort probable que le show se stoppe ici pour lui.

 

 

Ain't no grave…

 

 

…can hold my body down.


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