Saint-Denis Screwjob

[Retour vers le passé : article du 19 novembre 2009]

 

Une injustice dont nous profitons s'appelle la chance; une injustice dont un autre profite s'appelle un scandale. Louis Dumur

 

Hier, au Stade de France, le football s'est une nouvelle fois montré à la hauteur du catch par sa dramaturgie et par le soin apporté à la construction du spectacle. Retour sur un Screwjob tellement parfait qu'il aurait pu avoir lieu à Montréal.

 

 

En matière de rire satanique, William Gallas n’a rien à envier à Ted DiBiase Sr.

 

 

Compte-rendu du combat de catch Team France – Team Irlande

 

[Retour vers le passé : article du 19 novembre 2009]

 

Une injustice dont nous profitons s'appelle la chance; une injustice dont un autre profite s'appelle un scandale. Louis Dumur

 

Hier, au Stade de France, le football s'est une nouvelle fois montré à la hauteur du catch par sa dramaturgie et par le soin apporté à la construction du spectacle. Retour sur un Screwjob tellement parfait qu'il aurait pu avoir lieu à Montréal.

 

 

En matière de rire satanique, William Gallas n’a rien à envier à Ted DiBiase Sr.

 

 

Compte-rendu du combat de catch Team France – Team Irlande

 

 

Silvernights l'a brillamment expliqué dans son récent plaidoyer pour les Faces: pour qu'existent ces forces du mal que nous autres smarts ricanants aimons tant soutenir depuis le fond de notre canapé, il faut qu'existent, dans le camp opposé, des gentils aux vertus indiscutables — bravoure, dévouement, solidarité et tutti quanti. C'est à croire que les bookers du France-Irlande de ce 18 novembre, appelé à entrer dans les pages les plus sombres des manuels d'histoire, avaient lu l'article: les Irlandais sont apparus comme des Faces idéaux, tandis que la France, elle, constituait une team heel si efficace qu'elle réussit presque immédiatement à s'attirer une énorme heat.

 

 

We lie, we cheat, we steal.

 

 

La storyline, quoique basique, avait été rédigée dans les règles de l'art. Lors du show précédent, samedi, la team heel avait été mise en grande difficulté par des Faces bookés moins forts mais plus valeureux. Un peu comme si une team Mysterio-Bourne-Tatsu faisait des misères à un combo Big Show-Batista-Kane. Les Heels ne l'avaient emporté que de justesse, à la heel, sur un de ces coups de chance qui ne sourient qu'aux salauds, StLedger aidant involontairement Anelka à pinner Given à la suite d’un Vicious Shot. Ils avaient ensuite heelé jusqu'au bout, Lassana Diarra se livrant notamment à une séquence de trashtalk digne d'un Chris Jericho particulièrement remonté.

 

 

Ha, voir un Irlandais tenter un retourné, c’est comme voir un chien essayer de se tenir debout sur ses pattes arrière. C’est ridicule au point d’en être touchant.

 

 

Naturellement, les Faces criaient revanche, et tout homme de bonne volonté ne pouvait qu'espérer leur victoire dans l'antre adverse. C'est ainsi que, dès le premier coup de gong, ils acculèrent dans leurs cordes, si ce n'est dans leurs filets, des Heels surpris par tant d'engagement. Mais une team heel n'en serait pas une sans tensions internes, sans que chacun de ses membres n'ait un agenda caché. Ainsi de Patrice Evra, qui réussit un superbe Nosebreaker sur Julien Escudé, dans l'objectif évident d'affaiblir le FC Séville, possible adversaire de Manchester United en Ligue des Champions.

 

 

Toujours aussi irritante, cette manie d'interrompre le match pour soigner les catcheurs à la moindre petite goutte de sang.

 

 

 

Profitant d'une team heel désordonnée, les Faces blancs et verts finirent par réussir un tombé d'école, profitant du repli approximatif des heels qui, comme chacun sait, jouent chacun pour sa gueule. Damian Duff nettoyait le ring et offrait à Robbie Keane l'occasion de placer sur Hugo Lloris son redoutable finisher, le Plat du Pied Petit Filet.

 

 

Et comme de juste, il célèbre ça avec la choré de la DX.

 

 

Huée par un public jouant son rôle à fond, la team heel semblait abasourdie, incapable de se reprendre en main, faute de leadership. Une vraie meute de loups solitaires rassemblés par la force des choses, voilà comment elle apparaissait, alors que les Faces étaient plus soudés que jamais. Chaque Bleu y allait de sa tentative de tombé, sans jamais chercher à affaiblir l'adversaire au préalable. Du coup, les tentatives étaient systématiquement cassées par des Faces prêts à se sacrifier pour leurs camarades. Bref, les Faces faisaient du Face pur jus, les Heels aussi, et nous encouragions ces derniers avec la même énergie que celle mise à pousser Randy Orton dans son récent Iron Man match avec Cena.

 

 

THIS IS AWESOME!

 

 

Coup de génie des bookers: le rôle décisif attribué à une fonction hélas délaissée à la WWE, celle de manager. Le Face Trappatoni, fort d'une carrière légendaire, suscitait le respect jusqu'aux rangs ennemis, tandis que le Heel Domenech, lesté d'un nombre incalculable de caractéristiques négatives, provoquait des bordées de jurons chaque fois que le Titantron diffusait son image.

 

 

De plus en plus sophistiqués, les déguisements de Santino.

 

 

La fin du combat approchant, les bookers abattirent l'une de leurs grandes cartes: ce combat serait l'occassion d'offrir un énorme push au jeune Hugo Lloris, dont on estimait, avant le combat, qu'il risquait de pénaliser la team heel par son inexpérience. Au contraire, Lloris fut booké quasi invincible, puisqu'il parvint à survivre à un One-on-One de Duff et à un Long Dribble de Keane. Il vint même en aide, à plusieurs reprises, à ses camarades mis en panique par les Air Balls de Dunne et StLedger.

 

 

Bon, d’accord, ses spears sont un peu moins impressionnants que ceux du Big Show.

 

 

Les smarts que nous sommes avaient compris: un tel push, en plus effectué à un tel instant, signifiait forcément que ça sentait le roussi pour les Faces. Ceux-ci résistaient pourtant toujours avec une admirable énergie, et les Heels (chez qui Henry, qui ne mérite plus vraiment son ancien surnom de World’s Fastest Man, se signalait en refusant plusieurs fois le tag), paraissaient incapables de scorer le tombé qui leur offrirait la victoire. C'est alors que survint le magnifique Screwjob. Magnifique car précédé d'un swerve d'école. Sur l'une des rares passes non botchées qui lui furent adressées, Anelka se précipita vers Given et lui asséna l'une des prises les plus redoutables de son arsenal (avec une minuscule), le Dive in the Grass. Généralement, ce move spectaculaire s'achève par un pénalty et un tombé. Tous les yeux se tournèrent vers le Scott Armstrong du jour, qui ne broncha pas! Au temps pour les tenants de la conspiration, il n'y aurait pas de Screwjob!

 

 

Tel Randy Orton avant son punt kick, Thierry Henry se concentre longuement avant d’accomplir son méfait.

 

 

Quelques instants plus tard, Govou tentait un Offside Goal, mais là aussi l'arbitre vit que le pied de Given se trouvait sous les cordes, et annula le tombé. Le doute n'était plus permis. Si victoire des Heels il devait y avoir, elle ne viendrait pas d'un Screwjob. Et comme les Bleus, au sein desquels les Diarra ressemblaient plus aux Bushwackers après une semaine de cuite qu'aux Brothers of Destruction, paraissaient bien incapables de réussir quoi que ce fut, l'hypothèse d'une victoire Face se faisait de plus en plus jour.

 

 

Les Diarra ont décidément tout fait à l’envers: depuis quand c’est le petit qui soulève le grand?

 

 

C'est à ce moment que nous fûmes tous pris de court. Thierry Henry, qui jusqu'ici était sagement resté à l'extérieur du ring, bondit soudain tel un opportuniste ultime et effectua un sublime Double Hand Control suivi d'un Little Pass onctueux vers son vieux tag team partner Gallas, qui ne se fit pas prier pour étaler Given d'un de ces 10 Centimeter Header dont il a le secret. A la surprise générale, l'arbitre validait le tombé, alors même que le Double Hand Control est proscrit à la FIFA depuis les origines et que personne ne savait qu’Henry le maîtrisait!

 

 

You think you know me?

 

 

Le sort en était jeté, et en dépit d'un ultime Long Center auquel Lloris échappa aisément, les heels pouvaient triompher devant leur public, partagé entre marks les huant de bon cœur pour cette performance à laquelle ne manqua aucun épisode scabreux, et smarts aux anges après une telle démonstration de storytelling.

 

 

Les comploteurs quittent le ring en emportant l’objet du délit afin d’en effacer les empreintes digitales de Thierrheel Henry.

 

 

Au final, on a donc connu un combat dont la qualité scénaristique, la psychologie constante et développée de façon cohérente, ainsi que le swerve final, compensent amplement un niveau technique insuffisant. Ce fut un brawl énorme, épique, inoubliable, à l’issue tragique pour les kids du monde entier et jouissive pour les heel-marks, qui espèrent que les combats du prochain PPV, WorldCup 2010, the Granddest Stage of them all, seront bookés de façon aussi astucieuse.

 

 

Ecrasé par la déception, Damian Duff doit être aidé pour quitter la pelouse.


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