[Décryptonite]
« Je me représente un héros comme quelqu’un qui comprend le degré de responsabilité inhérent à la liberté. » (Bob Dylan)
La WWE produit aussi des films. Et c’est Antoine Adam qui nous en parle.
[Décryptonite]
« Je me représente un héros comme quelqu’un qui comprend le degré de responsabilité inhérent à la liberté. » (Bob Dylan)
La WWE produit aussi des films. Et c’est Antoine Adam qui nous en parle.
Troisième film produit par la WWE, distribué par Lionsgate, The Condemned met cette fois en scène Stone Cold Steve Austin, après Kane dans “See No Evil” et John Cena dans “The Marine”. La trame du film plagie grossièrement “Battle Royale”, remplaçant simplement les adolescents japonais par des machines à tuer dopées aux stéroïdes et à la violence. Si les bishonen japonais vous avaient semblé sadiques, l’oeuvre de Vinnie Jones dans ce film devrait vous convaincre que rien ne peut surpasser un défenseur central anglais dans la cruauté.
The Condemned n’est pas seulement le titre du film, c’est aussi celui de l’émission de télé-réalité produite par l’infâme Breckel, qui va mettre aux prises dix condamnés à mort dont un seul sortira vivant. Le film démarre par des auditions très spéciales dans diverses prisons autour du globe. La première, en Europe de l’est, voit un sosie de Steve Austin se faire offrir sur un plateau trois victimes sacrificielles pour l’oeil friand d’une caméra. Derrière son écran, à quelques milliers de kilomètres de là, Breckel observe le massacre d’un regard intense, comme celui de l’amateur d’art devant une toile de Van Gogh récemment découverte. Il est satisfait, il ne lui manque plus qu’un Arabe pour compléter son casting. De préférence un “tueur d’enfants psychotique et kamikaze”. La cible est toute trouvée, dans une prison du Salvador. Le même schéma se met en place. L’Arabe, si dangereux qu’il est attaché par le cou, va avoir droit de montrer des compétences dans l’art de la tuerie pour la caméra. D’ailleurs, un garde Salvadorien le dit bien : “Hassim, es un animal”. On en mouille déjà son slip. Sauf que cette fois, l’une des victimes prévues pour l’audition n’est autre que Stone Cold Steve Austin (Jack Conrad dans le film, ou un nom passe-partout de ce genre). Et fallait pas le faire chier, l’ami Stevou. Alors qu’il était tranquillement occupé à nourrir un mignon petit rat dans sa cellule poisseuse, voilà qu’on vient le déranger dans son moment zen de la journée. Du coup, le si terrifiant Arabe se fait exploser en deux coups de latte par un Austin plus Stone Cold que jamais. Il est engagé !
Cold Stone Steve Austin : la badass attitude.
Les dix candidats sont réunis dans un hangar où ils se font expliquer les règles du jeu. Ils ont trente heures pour s’entre-tuer. S’ils n’y parviennent pas, des charges explosives attachées à la cheville se chargeront de les envoyer ad patres. Ce petit speech est aussi l’occasion de découvrir les autres participants à ce magnifique programme qui, soit dit en passant, sera diffusé uniquement sur Internet. Breckel étant un multi-millionnaire égocentrique, il veut s’affranchir des chaînes de télévision et pulvériser le record d’audience établi par le Superbowl : 40 millions de spectateurs. Quand on sait que des événement planétaires comme les Jeux Olympiques ou la finale de la coupe du Monde de football sont suivis par des centaines et des centaines de millions de personnes, Breckel passe tout d’un coup pour un petit joueur.
Mais revenons à nos Condemned. En plus de Stone Cold et de la brute Balte, il y a aussi un vieil Allemand, sans doute un ancien nazi, un Italien excité, un couple de Mexicains qui ont l’air de sortir d’une telenovela plutôt que d’un couloir de la mort, un Japonais, une bonnasse à gros nichons, un grand Noir, et Vinnie Jones. Tous les personnages, à l’exception de Steve Austin et de McStarley (Vinnie Jones), seront traités par-dessus la jambe, avec au mieux une petite histoire tristounette expliquant la raison de leur présence en prison, avant de se faire assassiner. Leur sort n’est donc que peu intéressant, d’autant plus qu’il est assez évident dès le début que le film ne souhaite aller que dans une direction : celle d’une opposition violente entre Austin et Jones. Ce dernier a d’ailleurs le meilleur rôle du film. Il avait déjà démontré dans “Snatch” son aisance à incarner des personnages effrayants, portés sur la violence et l’effroi.
Leçon de l’acteur en roue libre numéro 1 : les gros yeux.
Le réalisateur de The Condemned, auteur de bouses parfaitement anecdotiques sorties directement en VHS ou DVD, lui laisse toute latitude pour faire le spectacle. Accent anglais à couper au couteau, grimaces diverses, regard de fou, Vinnie Jones donne un véritable récital de jeu outrancier qui contraste parfaitement avec la sobriété, dirons-nous gentiment, d’un Steve Austin plus monolithique qu’un menhir de Stonehenge. Les deux personnages se démarquent également par leur comportement. Là où McStarley tue, torture, viole, Steve Austin suit son propre plan, ne fait que se défendre contre des agressions et traverse même l’île pour rejoindre le poste de commande où il utilise le service de communications pour appeler… son ex.
Oh non, The Condemned ne marche que sous Internet Explorer !
Celle-ci est l’occasion de tisser de petites histoires parallèles parfaitement inutiles et longuettes où l’on en apprend un peu plus sur Cold Stone. En fait, il est un ancien militaire passé aux opérations secrètes et était au Salvador pour démanteler un cartel, ce qu’il a fait en tuant simplement tous ses membres. Puis il s’est fait choper et a été lâchement abandonné par l’organisation qui dirigeait l’opération. On est rassuré : Steve Austin est un patriote, un homme qui aime son pays et qui ne devrait pas se trouver sur cette île en compagnie de psychopathes assassins, mais au côté de sa charmante amie et de ses deux enfants qu’il “aime comme les siens”, dans un bar minable du middle-west américain. Oui, Steve Austin devrait mener une authentique vie de plouc à laquelle tout bon patriote a droit. C’est ce que défend un agent du FBI, ou de la CIA, ou un autre truc du style, qui comme tout un chacun s’aperçoit en regardant le programme que ce bon Américain n’a rien à faire là, qu’il n’est pas à sa place et que la description qui est faite de lui (membre du Ku Klux Klan ayant fait exploser un hôpital pour enfants handicapés mentaux au Salvador) n’est certainement pas compatible avec son visage souriant et ses manières prévenantes.
Je fais une ellipse sur les morts diverses et variées qui ponctuent le film pour arriver directement au dénouement. Bien entendu, il ne reste que McStarley et Steve Austin, qui s’affrontent à coups de poing, de pied, de fusil. Steve Austin est laissé pour mort et McStarley est emmené au poste de commande pour recevoir sa récompense. On apprend là que ce décidément machiavélique Breckel, producteur avisé s’il en est, a aidé le psychopathe Anglais tout au long du jeu, lui parachutant armes et munitions pour assurer sa victoire et une audience soutenue à travers toutes les horreurs qu’on pouvait espérer en se branchant sur le site, moyennant cinquante dollars. C’est là que le film prend un goût assez désagréable. Breckel avait promis à McStarley la liberté et un joli pactole s’il lui offrait le spectacle qu’il désirait. Le producteur retourne sa chemise quand il apprend que les militaires américains ont découvert la localisation de l’île et viennent l’arrêter. Pressé par le temps, il récuse l’accord et envoie McStarley se faire foutre. Ce dernier pète les plombs et va punir tous ceux qui ont pris part à ce macabre spectacle. Ainsi, tous ceux dans l’équipe de Breckel qui lui sont resté fidèles, qui n’ont pas démontré le moindre remords à organiser l’émission, se voient froidement exécutés par un Vinnie Jones au sommet de son art. Une rafale de mitrailleuse pour chacun, à l’exception de la petite amie de Breckel qui a un moment du film s’est révoltée contre l’écoeurant programme. Pas quand l’Italien se retrouve empalé, pas quand l’Allemand explose, non, seulement quand la Mexicaine se fait violer par McStarley, solidarité féminine oblige. Elle se retrouve donc sauvée par l’intervention d’un Steve Austin revenant du diable Vauvert qui colle sept pruneaux dans le buffet de Vinnie Jones. Ils vont ensuite tous les deux mettre un terme aux jours de cette ordure de riche producteur, libérant la planète de sa présence infamante.
Monde de merde.
Que retenir de ce film ? Somme toute, c’est un spectacle amusant, si tant est qu’on ne prenne pas la peine de réfléchir à la profonde hypocrisie que sous-tend toute l’histoire. Car en prenant le parti de montrer à quel point la violence et l’immoralité son les clés du succès d’un spectacle télévisé, que la nature humaine, bien qu’elle s’en défende, est dotée d’un caractère profondément voyeur et vicieux, le film se mord la queue sans même s’en rendre compte. Car après tout, il ne fait rien de moins en accumulant les morts, les assassinats, les personnages à la moralité inexistante. Le seul à être présenté sous un jour favorable est bien entendu le héros et pourtant à un moment du film, on nous dit qu’il a tué au cours de ses missions secrètes plus de gens que les neuf autres condamnés présents sur l’île réunis. Malgré ces incohérences et cette réflexion à vingt centimes d’euro, la présence d’un méchant du calibre de Vinnie Jones rend le spectacle très amusant et de tous les films produits par la WWE, c’est certainement le plus appréciable.