« Je n’ai rien à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur. » Winston Churchill (ou Vickie Guerrero, on ne sait plus trop).
Nous nous intéressons ici au second grand show de la WWE, la fièvre du Vendredi Soir: SmackDown.
Vous remarquerez que Smackdown est aussi bleu que Raw est rouge. Ce n’est pas un hasard. Raw est le domaine de la passion, Smackdown celui de l’intellect (enfin, tout est relatif). Par rapport à Raw qui est chaud, explosif et vivant, Smackdown est plus froid, plus calculateur, plus morbide. D’ailleurs la division compte dans ses rangs un Cerebral Assassin, un Ultimate Opportunist et un croque-mort-vivant. Si c’est pas une preuve.
Tout comme Raw , Smackdown possède son lot de stars, à savoir de méchants plus veules les uns que les autres, de gentils complètement niais et de gros boeufs débiles. Et il est, lui aussi, dirigé par une femme de caractère, la seule non-bombasse dans le catch actuel, à savoir l’hystérico-diabolique (ça existe, et pas qu’au gouvernement français)…
A quarante balais, Vickie est au sommet de sa gloire. C’était pas gagné, pourtant. Elle n’est pas catcheuse elle-même, c’est pas exactement un canon de beauté et, comme souvent dans la WWE où les storylines s’entrecroisent à tout bout de champ avec la real life, elle est d’abord apparue dans un rôle secondaire: celui d’épouse « legit » (c’est-à-dire dans la vraie vie) du catcheur superstar Eddie Guerrero.
Car oui, Eddie est l’un des nombreux combattants tombés au champ d’honneur des stéroïdes injectés directement dans le palpitant. C’était un « main-eventer » de première bourre, connu pour un style de voltigeur intrépide, très apprécié du public, spécialement des latinos, bien entendu (car le communautarisme américain n’épargne pas la WWE, chaque catcheur étant immodérément aimé des « siens », qu’il soit face ou heel d’ailleurs). Il est mort d’une crise cardiaque en novembre 2005 à 38 ans, après de longues années d’une carrière glorieuse. Le monde du catch, comme il sait le faire en ces occasions (faut dire qu’il est rôdé), lui a rendu un vibrant hommage.
Vickie avait commencé à apparaître à la télé quelques mois auparavant, à l’occasion d’une story pour le moins borderline, puisque Eddie menaçait Rey Mysterio de faire une effrayante révélation sur le jeune fils de ce dernier, Dominik. Vickie intervenait alors pour supplier son mari de ne pas dire à Rey la terrible vérité (à savoir que le père biologique de Dominik était… Eddie lui-même — eh ouais Rey, voilà à quoi on s’expose quand on passe sa vie masqué, madame peut ne pas reconnaître celui qui partage son lit). Elle a même été jusqu’à coûter à Eddie un match contre Rey, à l’issue duquel Eddie devait, en cas de victoire, révéler la vérité ou, en cas de défaite, se taire à jamais: elle l’a fait tomber d’une échelle, la gentille femme!
A la mort d’Eddie, elle a disparu des écrans un temps, mais les writers de la compagnie avaient sans doute perçu chez elle un potentiel — ou alors, plus probablement, ces rapaces voulaient capitaliser sur l’aspect veuve tragique du populaire Eddie. Elle est alors apparue au côté du neveu de ce dernier, un catcheur vil et retors…
Chavo Guerrero le bien nommé (« chavo » veut dire « méprisable clébard puant qui se nourrit de charognes » en mexicain)
Lors d’une feud opposant Chavo à Mysterio, Vickie est devenue heel à plein temps, n’hésitant pas à frapper le gentil Mysterio dans le dos à coups de chaise! Elle se retrouva en proie aux pires insultes et huées sur tout le continent américain. Exactement le but recherché. Pas bêtes, les auteurs de Smackdown ont compris l’intérêt qu’ils pouvaient en tirer et ont propulsé en deux temps trois mouvements Vickie au sommet de Smackdown: general manager!
C’est là qu’elle a laissé libre cours à des talents inouis de tragédienne, interrompant ses interlocuteurs (car dans le monde du catch, les gens discutent les yeux dans les yeux, sur le ring, dans une salle pleine de 10 000 personnes, micro à la main), d’un strident « EXCUSE ME! » qui est devenu sa catchphrase.
Evidemment, une femme d’un tel pouvoir, veuve qui plus est, ne pouvait pas laisser indifférents les mâles prédateurs qui pullulent dans cette jungle. C’est donc tout naturellement qu’elle s’est retrouvée au bras du bourreau des coeurs Edge.
Vickie a multiplié les coups fourrés pour offrir la ceinture à Edge, ce qui a fini par lui valoir les foudres de l’un des rivaux de celui-ci, le sinistre Undertaker. En une scène de cauchemar, ce dernier a viré Edge du ring, empoigné Vickie, et sous les yeux d’un Edge terrifié…
Suite à quoi elle s’est baladée un certain temps en fauteuil roulant, généralement poussée par Edge ou par Chavo.
Sa relation avec Edge a eu des hauts et des bas, bien sûr, mais en ce moment, ils sont officiellement « mariés », ce qui n’empêche pas Vickie de prendre très au sérieux son rôle de general manager et de ne pas toujours avantager Edge autant qu’il le souhaite… A présent, un coup d’oeil sur les principales forces en présence à Smackdown.
Smackdown peut s’enorgueillir de la présence de deux des trois vétérans les plus fameux du catch encore en activité (le troisième étant Michaels, qui est à Raw, comme vu précédemment): Triple H et l’Undertaker. A tout seigneur tout honneur, commençons par le premier. Tout un roman.
Triple H, n’en déplaise aux fans transis de la cultissime émission « H puissance 3 » de Francis Zégut, signifie Hunter Hearst Helmsley, un nom censé sonner aussi aristo britannique que possible. Il s’agissait du premier gimmick de cet athlète accompli, lors de son apparition qui remonte à 1995. Il incarne alors un noble méprisant et classieux, venu mettre du style dans ce monde de gros lourdauds fringués chez Guerrisold. Il faut dire qu’à 1m96 et 116 kilos, le bonhomme a des atouts. Mais ce gimmick ne va pas durer et, un peu plus tard, en ne conservant que les initiales, il devient une espèce de Néanderthal qui se laisse même occasionnellement pousser des bacchantes qui le font ressembler à Vercingétorix:
Catcheur relativement rapide à ses débuts, il est devenu avec le temps un mastard qui ne compte plus que sur sa puissance physique et ses trois prises et demie, dont le fameux pedigree, dont on ne se relève pas.
Mais surtout, Triple H, excellent acteur au demeurant (il a joué un vampire dans Blade 3, si c’est pas une preuve), parfait au micro et dans les segments backstage (même quand il doit violer un cadavre en s’habillant en Kane), doit une bonne partie de son exceptionnelle carrière (il a gagné le titre de champion, Raw et Smackdown confondus, 12 fois, il a pris part au « main event » de toutes les grandes réunions depuis des lustres, il est l’un des catcheurs qui vendent le plus de produits dérivés, etc)… à la promotion canapé. En effet, en un entrelacement entre fiction et réalité propre à donner le tournis à tous les Italo Calvino du monde, Triple H, qui a été présenté, à un moment, comme le fiancé de la fille du boss, Stéphanie Mc Mahon (exclusivement dans le cadre d’une storyline), a fini par réellement épouser celle-ci. Leur union a produit deux gosses et surtout des tas de titres pour HHH. La communauté des suiveurs considère généralement que « Trips » (qui collectionne les surnoms pompeux comme « The Cerebral Assassin », « The Game » et même « The King of Kings », faut pas se gêner) n’est pas un catcheur assez doué pour justifier une telle domination et que s’il est toujours en haut de l’affiche, à 39 piges, c’est parce qu’il est le beau-fils du patron. Ouais, comme dans une banale entreprise d’embouteillage de Sarreguemines.
Quoi qu’il en soit, Hunter est systématiquement l’un des favoris pour tout titre ou combat qui se présente. Arrivé à Smackdown à la suite de la draft de l’été 2008, il y a détenu le titre avant de le perdre au profit d’Edge (qui l’a depuis lâché à Jeff Hardy et récupéré). HHH (actuellement face, alors que c’est un heel du tonnerre) veut récupérer son titre par tous les moyens possibles, et le moyen le plus rapide pour ça, c’est de gagner le combat d’Elimination Chamber à No Way Out le 15 février. Ou alors d’offrir une cravate de plus à beau-papa lors du prochain déjeuner de famille…
Le second grand ancien, encore plus grand et encore plus ancien, de Smackdown, est le glacial, le sinistre, le morbide…
Ca veut dire entrepreneur ou croque-mort, à vous d’en tirer les conclusions. Vous connaissez le topo: connexion avec l’au-delà, pouvoirs mystiques et tout le toutim. Il va clairement sur sa fin, là (43 piges quand même), et avec un corps aussi énorme (même si les 2m10 annoncés sont probablement exagérés, les 136 kilos doivent y être), y a de la casse un peu partout. Il saoule un peu tout le monde avec ses yeux révulsés et son délire de pierre tombales, de cimetières et de cercueils: on n’arrive pas trop à capter ce qu’un type qui tape la discute avec Satan tous les soirs aurait à foutre de gagner un titre de champion de catch en ce bas monde. N’empêche qu’il est toujours là, qu’il sera dans l’Elimination Chamber à No Way Out et qu’il a beaucoup fait pour rappeler aux obèses décérébrés qui constituent l’essentiel du public l’inexorabilité de leur mort. C’est déjà ça. Il a pris part dans sa carrière (démarrée en 1990!) à des tas de combats mémorables.
Le plus beau parleur à Smackdown est sans doute Edge, un heel retors et calculateur, aussi manipulateur en coulisses que vicelard dans le ring!
A 35 ans, il a déjà gagné des tas de championnats grâce à un style très fluide pour un type de cette corpulence (1m96, 109 kilos). Les adorateurs du Mal bénissent l’époque où il catchait en duo avec Orton, quand Edge (surnommé « Rated-R superstar » à cause de sa propension à niquer tout ce qui bouge, surtout quand ça a les atours de Lita, et à catcher hardcore) a formé avec le sublime Randy un couple infernal, la Rated RKO. Mais même en solitaire, il a encore beaucoup à nous offrir, comme le prouve ce montage de ses plus beaux spears! Pour l’heure, il entrera dans l’Elimination Chamber avec le titre autour de la taille…
Ca manque de gentils neuneus à Smackdown, qui n’a pas de John Cena à se mettre sous la dent. L’idole des foules prépubères est donc, attention les yeux…
Jeff Hardy, une espèce de rêve de midinette branchée sur Tokio Hotel. Alors OK, c’est un voltigeur spectaculaire (1m86, 102 kilos), mais à 31 balais, se peindre les ongles et la face de toutes les couleurs, ce n’est pas très sérieux. N’empêche que faut reconnaître que ça fait dix ans qu’il courait derrière un titre, et que ce face chelou (nombreux problèmes de drogue et d’alcool IRL) a livré un beau combat à trois face à Edge et Triple H pour le conquérir. Il l’a depuis reperdu à cause de son frère aîné Matt, qui vient pour le coup de se faire transférer à Smackdown (il végétait à l’ECW) pour y livrer une grosse feud fratricide que l’on espère sanglante. Nous consacrons par ailleurs un article spécial à Jeff Hardy en tant qu’incarnation de l’adolescence, ne le ratez pas (rubrique décryptonite).
Il y a aussi à Smackdown deux géants: The Big Show (2m19, 210 kilos, 36 ans) et The Great Khali (2m21, 198 kilos, 36 ans). Deux grands costauds (Big et Great, hein) qui tapent fort et bougent lentement. Show est quand même un catcheur, et peut même se révéler assez drôle micro en main. Khali, lui, arrive à peine à plier les genoux et, apparemment, ne parle que l’hindi, ce qui limite quelque peu sa communication avec la foule, qui se réduit principalement à des hurlements de sauvage (quand on ne le force pas, en un effet comique discutable, à rouler des pelles à des mochetés tirées au sort dans l’assistance). Les voici dans un face à face de béhémots que l’on qualifiera de désespérément jubilatoire.
Vladimir Kozlov, 36 ans lui aussi, 1m98, 137 kilos. Il vient de débarquer, en avril dernier, et n’a toujours pas été vaincu. En même temps, il n’a toujours pas remporté « cleanement » un seul combat contre une pointure, sa victoire la plus impressionnante ayant été obtenue sur Festus, dont le gimmick est celui d’un débile mental. Les writers veulent faire de Kozlov un « monster heel », à savoir un streum qui dégomme tout le monde sans pitié, mais semblent hésiter à sauter le pas et à lui permettre de gagner de gros combats. Faut dire qu’il n’a aucun charisme et que son catch est chiant comme un combat de lutte (agrémenté cela dit de quelques coups de tête occasionnels). Il rugit sans cesse I DEMAND BETTER COMPETITION! mais on l’imagine plutôt redescendre doucement en midcard, voire aller s’amuser avec Mark Henry en ECW. Normalement, il ne sera même pas à l’Elimination Chamber, alors qu’ils sont six à y participer…
Enfin, la midcard de Smackdown est peuplée de bons catcheurs qui n’arrivent pas à se faire une place au soleil à cause de l’omniprésent Triple H, des « fan-favorites » que sont les frangins Hardy, du charismatique Edge, de l’éternel Undertaker, des deux géants et du Russkoff qui vient de débarquer de nulle part. Dommage car des gars comme Shelton Benjamin, MVP, R-Truth ou encore The Brian Kendrick mériteraient sans doute plus d’exposition. Mais ce n’est pas gagné, d’autant que le gros Umaga (censément un polynésien sauvage et probablement cannibale, qui catche pieds nus et défonce ses adversaires d’un terrible coup de… pouce, et qui serait sans doute titulaire au poste de pilier dans l’équipe de rugby des Iles Fidji) vient de revenir de blessure et va encore plus les écarter de la lumière des spotlights. Ils en sont réduits à s’affronter pour le titre de « champion des Etats-Unis » (actuellement en possession de Shelton) en attendant mieux.